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dimanche 24 novembre 2024

Mantes-la-ville : « Le maire (RN) a renié les engagements de la ville pour qu’il n’y ait pas de mosquée »

Abdelaziz al Jaouhari est le président de l’association des musulmans de Mantes sud. Après l’évacuation imposée par le maire Cyril Nauth (ex-FN) du pavillon qui accueillait les musulmans dans l’attente de la fin des travaux de la nouvelle mosquée, M. Jaouhari a accepté de répondre aux questions de Mizane.info sur les conditions de cette évacuation et la nature des relations entre la mosquée du Mantes sud et la mairie depuis la victoire du Rassemblement national en 2014.

Mizane.info : Pouvez-vous résumer à nos lecteurs les ressorts du contentieux qui oppose le maire Rassemblement national (ex-FN) de Mantes-la-ville, Cyril Nauth, à l’association des musulmans de Mantes sud ?

Abdelaziz al Jaouhari : Le maire RN, depuis son élection en mars 2014, fait une fixation sur la communauté musulmane. Dès son arrivée, il a essayé de nous expulser de ce local pavillonnaire municipal que nous louions à la ville. Nous avions un contrat de mise à disposition de la commune renouvelable chaque année.

En parallèle, nous avions un autre projet d’acquisition d’un local pour transférer définitivement la mosquée. Nous avions déjà signé avec le précédent maire le compromis de vente d’un local, qui était une trésorerie fermée depuis quelques années.

Mais l’actuel maire a renié les engagements pris par la ville concernant l’acquisition de ce local, pour qu’il n’y ait pas de nouvelle mosquée. Le local actuel est sur un grand boulevard sans stationnement. Nous cherchions depuis des années une solution alternative avec la mairie.

Mantes-la-ville

Lorsque le bâtiment de la trésorerie s’est libéré, nous avions un accord de vente au terme duquel nous libérerions le pavillon. Nous avions signé, avec la mairie, tous les documents de compromis de vente chez le notaire.

Mais en 2014, il y a eu ce changement de majorité municipale marquée par l’arrivée du Front national (élu sur une différence de 60 voix dans une ville de 11 000 électeurs et 20 000 habitants, et dans un contexte marqué par la multiplication des listes électorales et la dispersion des formations politiques locales, ndlr).

L’actuel maire avait mené toute sa campagne contre le nouveau projet de mosquée. A sa victoire, il a renié les engagements de la ville en ne se présentant pas chez le notaire pour signer la vente définitive en mai 2014 et nous a mis en demeure de quitter le pavillon.

Votre occupation du local pavillonnaire était-elle légale ou illégale ?

Notre convention d’occupation du local renouvelable tous les ans par la ville avait comme date limite mai 2014. Arrivé en mars de la même année, le maire n’a pas voulu renouvelé l’occupation. Nous sommes allés au tribunal de grande instance de Versailles.

Mantes-la-ville
Abdelaziz al Jaouhari.

Cyril Nauth a perdu sa procédure en 2015, eu égard au contexte et à tous les engagements reniés par la ville et du fait que nous allions nous retrouver sans lieu de culte. Au final, nous avons réussi à acheter le nouveau bâtiment sans passer par la ville mais en nous adressant à la communauté d’agglomération en 2015.

Ce n’est pas le seul projet annulé par le maire. Nous avions demandé un carré musulman au cimetière municipal en 2014. Cela a été refusé. Il a tenté de préempter fin 2015 l’achat du bâtiment prévu pour la mosquée et lorsque nous avons réussi à l’acheter, il a refusé de signer le permis de construire en 2016.

Des travaux sont en cours de réalisation. Le pavillon nous servait seulement de solution transitoire le temps de finir les travaux et d’ouvrir les lieux pour la rentrée prochaine. Cela ne nous arrangeaient en rien d’être sur deux sites à cause des frais supplémentaires.

Sur quelle décision s’est appuyé le maire pour vous expulser du pavillon ?

En 2018, le maire décide de relancer une autre procédure en référé au tribunal administratif de Versailles pour nous déloger du pavillon, en prétextant l’urgence d’une préemption afin de faire de ce bâtiment un poste de police municipale. Un argument déjà utilisé pour ne pas honorer l’engagement de la vente du local de trésorerie pour la nouvelle mosquée.

Le problème est que les documents ne sont pas arrivés à notre avocat dans des délais raisonnables. Nous n’avons eu les documents que le jour même de l’audience et en référé, et il n’y a pas de procédure d’appel.

Nous avons tout de même déposé un recours au Conseil d’Etat mais cette institution ne juge que la forme et non le fond. Nous avons également saisi le tribunal d’administratif pour demander l’annulation de la décision du juge des référés car tous les arguments avancés par le maire sont fallacieux.

Le maire avait besoin d’une opération de communication à l’approche des municipales (mars prochain, ndlr).

Sur quelle base allez-vous contesté le référé ?

C’est simple. Son projet de police municipale n’englobe même pas la zone où se trouve le pavillon. Nous avons pu le vérifier avec le dossier de l’urbanisme. Le maire avait avancé, un moment, l’idée de construire un parking sauf que cette idée n’existe nulle part. Il n’y a ni projet, ni financement.

Autre argument : nous aurions fait des travaux sans autorisation d’autant plus qu’il (le maire) avait voté un arrêté municipal en ce sens. Nous avons attaqué cet arrêté et le tribunal administratif nous a donné raison. Nous avons présenté tous ces éléments pour contester le référé. L’affaire n’a pas encore été jugée.

Selon votre estimation, sous quels délais la nouvelle mosquée pourra ouvrir ses portes ?

Le bâtiment que nous avons acquis est encore en chantier. Il y a des travaux structurels à réaliser. Il nous manque à peu près 145 000 euros pour financer les travaux ce qui nous met la pression pour tenir notre échéancier d’ouverture en septembre.

Nous avons lancé un appel aux dons en espérant tenir notre programme et notre pétition a récolté plus de mille signatures. Mais nous n’avons plus de lieu pour accueillir les fidèles pour la prière et les 800 élèves de notre institut. Les autres mosquées, à Mantes-la-Jolie, sont éloignées. Et le vendredi, ces mosquées sont elles-mêmes pleines de fidèles.

Depuis son élection, le maire RN (ex FN) a eu maille à partir avec l’association des musulmans de Mantes Sud. Quels ont été les autres cas de litige ?  

Ce n’est pas le seul projet annulé par le maire. Nous avions demandé un carré musulman au cimetière municipal en 2014. Cela a été refusé. Il a tenté de préempter fin 2015 l’achat du bâtiment prévu pour la mosquée et lorsque nous avons réussi à l’acheter, il a refusé de signer le permis de construire en 2016.

Après deux ans de recours, un jugement en notre faveur est tombé en août 2018, après un permis modificatif obtenu en juin. Depuis son arrivée, il nous a refusé l’attribution de salles pour fêter l’aïd en 2014 et 2015.

Nous avons obtenu sa condamnation en 2016 avec une décision qui fait dorénavant jurisprudence pour les associations musulmanes. Nous sommes allés au tribunal et nous avons gagné à chaque fois.

Vous avez mis en cause, dans un article de nos confrères du Parisien, la préfecture, en évoquant leur « appui objectif » de la décision du maire…

Le maire a demandé le concours de la force publique pour nous expulser du pavillon, ce que le sous-préfet lui a accordé alors que la procédure judiciaire, en cours, n’est même pas terminée.

Les services de l’Etat ne sont pas censés intervenir dans cette affaire avant que la justice n’ait dit son dernier mot.

Nous allons également attaquer cette décision de la préfecture.

Il faut savoir que sous la contrainte de l’opposition, le maire avait avoué que ces affaires judiciaires avaient coûté 128 000 à la ville, ce qui était largement sous-estimé.

On est plus proche des 500 000 euros pour le contribuable, et tout cela pour des raisons idéologiques !

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