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samedi 23 novembre 2024

Les dangers d’une éducation matérialiste et individualiste

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Britannique diplômé du Kings College de Londres, et formé en langue arabe à l’Institut Markaz Fajr du Caire, Usman Qureshi est spécialiste des questions d’éducation publique et des orientations communautaires locales en Grande-Bretagne. Il nous livre, dans un texte publié en anglais que Mizane.info rend accessible en français, une réflexion sur le type d’éducation que les musulmans européens prodiguent à leurs enfants.

Alors que le nombre de musulmans dans les universités britanniques augmente considérablement, il existe d’autres institutions dans lesquelles la tranche actuelle des 18-22 ans est visiblement absente.

Les mosquées, dans ma localité du sud-ouest de Londres en particulier, n’avaient jamais été autant témoins d’une telle pénurie de jeunes musulmans.

Je m’emploie activement à encourager les jeunes musulmans à s’engager auprès de leurs mosquées locales pour diverses raisons, mais surtout parce que chaque communauté d’une génération à l’autre doit transmettre un flambeau.

Bien que je ne puisse pas parler pour l’ensemble de Londres, et certainement pas pour les communautés d’autres villes, mes interactions avec les jeunes au niveau local m’ont montré que les examens, les stages, les fréquentations et le souci de gagner de l’argent ne laissaient plus aucun temps libre à qui que ce soit.

« Les jeunes ont été nourris par un environnement auquel nous les avons exposés »

Le fait est que nous ne pouvons pas blâmer les jeunes, en général, pour la façon dont ils pensent la vie, le monde, la religion ou la communauté.

Leurs idées, leurs idéaux et leurs valeurs ont été nourris par un environnement auquel nous les avons exposés : ils sont essentiellement le produit de cette éducation.

Si je devais simplifier le sujet et essayer d’aller au fond des choses, je dirais que, même si nous sommes mieux fournis en savoir « islamique » que la génération de nos parents, nous avons réussi de manière remarquable à créer et à pratiquer un islam séculier.

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J’ai participé à un programme pour les jeunes de 12 à 15 ans à la mosquée de mon quartier et conçu un questionnaire pour que les enfants puissent mieux comprendre comment les familles musulmanes s’engageaient pour leur religion.

L’avant-dernière question était : « Selon vous, qu’est-ce qui rendrait vos parents vraiment fiers de vous ? »

Sur les vingt-cinq répondants, un enfant a écrit qu’il s’agirait de mémoriser le Coran, tandis qu’un autre a dit la même chose et a ajouté que leurs parents aimeraient les voir jouer un rôle actif en aidant la communauté musulmane.

Le reste des enfants a mentionné le succès scolaire et professionnel.

Bien sûr, il n’y a rien de mal à la réussite scolaire ni à une bonne carrière.

L’influence des codes sociaux sur nos enfants

En fait, en tant que musulmans, nous devrions rejeter la médiocrité et travailler sans relâche à rechercher l’excellence dans tout ce que nous faisons, ce qui implique de bien réussir nos études et de devenir les meilleurs dans nos professions.

La seule question, cependant, est de savoir si le désir de réaliser cela est simplement un moyen ou une fin en soi.

Nous vivons dans un monde d’hyperconsommation.

Si nous éduquons nos enfants à cultiver l’idée que leur rôle premier et fondamental est de devenir des serviteurs de Dieu qui soient ingénieux et influents afin de faire de la parole de Dieu la plus haute des paroles, alors nous aurons effectivement le potentiel de d’accomplir de grandes réalisations.

Pour ceux qui n’ont vu que du bien à l’avènement de l’Internet et des réseaux sociaux, le marketing et la publicité, assaillant nos sens presque à chaque moment de la journée, ont inévitablement façonné notre perception de ce que sont les gagnants et les perdants de la société.

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Nous sommes obligés (contre notre meilleur jugement) de considérer notre prochain non pas sur la base de sa bonté, de sa vertu et de son altruisme, mais sur sa carrière, son lieu de vie, la dimension de sa propriété, la voiture qu’il conduit, les gens qu’il fréquente, son capital culturel et d’autres qualités qui lui accordent un certain « succès » dans le monde.

Que nous soyons prêts à l’accepter ou non, les décisions que nous prenons pour l’éducation de nos enfants reposent principalement sur le désir de les voir devenir des personnes qui « réussissent » dans cette vie.

Ma préoccupation est la suivante.

Si nous élevons et élevons nos enfants avec la crainte de ne pas réussir dans une vie qui se terminera dans quelques années, nous serons déterminés par l’urgence de leur faire acquérir tout ce qu’ils peuvent à cette fin et d’ignorer tout ce qui les en éloignent.

C’est pourquoi Dieu (Allah) Le Très-Haut dit dans le Coran : « Le Diable vous effraie à propos de la pauvreté et vous encourage à commettre des actes indécents ». [1]

Dans ce contexte, le risque de perdre nos enfants, en les incitant à devenir des personnes individualistes ne recherchant que leur satisfaction personnelle, est élevé.

Réorienter l’éducation de nos enfants vers l’intérêt supérieur

Mais si nous les éduquons à cultiver l’idée que leur rôle premier et fondamental est de devenir des serviteurs de Dieu qui soient ingénieux et influents et ceci à la seule fin de faire de la parole de Dieu la plus haute des paroles, alors nous aurons effectivement le potentiel de d’accomplir de grandes réalisations, à l’image des premières générations de cette Oumma.

Je ne dis pas cela pour créer le découragement ou le désespoir, mais pour nous faire comprendre qu’il existe une crise à laquelle il nous faut faire face si l’on ne veut pas que l’islam soit perdu pour les générations à venir.

Certains lecteurs peuvent être sceptiques, contester mon affirmation et suggérer qu’il n’y a jamais eu autant de personnes à avoir embrassé l’islam, qu’il n’y a jamais eu autant de mosquées, d’écoles islamiques, d’hommes politiques musulmans ou d’autres indicateurs similaires de la croissance de l’islam.

Pourtant, même si cela est vrai, il s’agit d’une lecture trop simpliste de la façon dont les musulmans interagissent avec le monde dans lequel ils vivent.

L’affirmation que je fais est que, en tant que parents, nous développons inconsciemment des habitudes d’intérêt personnel chez nos jeunes.

L’intérêt personnel n’est pas nécessairement une idée péjorative, en fonction de la philosophie dans laquelle elle se nourrit.

Une perspective islamique de l’intérêt personnel englobe le désir de l’individu de réaliser les faveurs d’Allah et, finalement, son paradis.

La condamnation islamique de l’intérêt personnel

Cependant, la faveur et la grâce d’Allah ne sont pas accordées à un individu qui ne cherche que son propre salut, comme nous le savons d’après le récit prophétique concernant un village auprès duquel des anges avaient été envoyés pour le détruire.

Les anges sont retournés vers Dieu (Allah) et l’ont informé que parmi les injustes se trouvait un homme juste qui était dévoué à son culte et à sa louange.

Le Très-Haut a alors ordonné aux anges de commencer par la destruction du juste, car il n’avait religieusement cherché à profiter à personne, sauf à lui-même.

Quand notre propre esprit est devenu si complètement compromis par l’intérêt personnel, comment est-il possible que cet état d’esprit ne se transmette pas à nos enfants ?

Donc, un intérêt personnel islamique est fondamentalement illustré par l’engagement de rechercher le bien et le salut pour les autres.

Est-ce ce que nous inculquons à nos jeunes ?

Ma conviction est que nous sommes davantage alignés sur la notion d’intérêt personnel d’Adam Smith, selon laquelle les personnes recherchent leurs propres avantages en utilisant les marchés pour créer de la richesse.

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Nos actions en tant qu’individus et en tant que communauté trahissent la conception authentique de nos intérêts personnels.

Nous sommes prêts à payer un enseignant en mathématiques à 30-40 £ / heure, mais nous sommes choqués par l’idée même d’un imam proposant 15 £ / heure pour enseigner le Coran.

Lorsque nous nous plaignons que les écoles islamiques n’offrent pas un bon service à nos enfants, plutôt que d’essayer d’y remédier dans l’intérêt de tous, ceux d’entre nous qui disposent de moyens financiers organisent des cours en privé pour leurs propres enfants et abandonnent les autres à leur destin.

Mécontents du comportement des écoles publiques et de la qualité de leur éducation, l’élite financière musulmane s’est unie pour créer des écoles islamiques indépendantes auxquelles la majorité des musulmans de la communauté n’ont pas accès.

« L’intérêt supérieur et son antithèse ne peuvent subsister dans le même cœur »

Quand les gens demandent des dons pour une bonne cause, nous passons à côté.

Mais si nous avons l’opportunité de profiter d’une nuit de divertissement en présence de célébrités, pour la même cause, nous trouvons en quelque sorte la volonté d’y assister.

Lorsque la mosquée organise un événement sur l’amélioration de notre relation avec Dieu, la fréquentation est relativement faible comparée à un événement proposant d’aider les enfants à optimiser leurs notes aux examens publics.

Quand notre propre esprit est devenu si complètement compromis par l’intérêt personnel, comment est-il possible que cet état d’esprit ne se transmette pas à nos enfants ?

L’intérêt supérieur promu par l’islam et son antithèse ne peuvent subsister dans le même cœur.

L’un cherche à devenir puissant dans cette vie afin d’atteindre l’autre, tandis que l’autre cherche le pouvoir d’acquérir ce qu’il peut dans ce monde.

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Allah le Très-Haut dit : « Chaque âme goûtera la mort et vous serez pleinement récompensés le Jour de la Résurrection. Quiconque a été éloigné du feu et est entré au Paradis a vraiment réussi. Car quels sont les plaisirs de cette vie, sinon déceptions ? » [2]

Si nos enfants deviennent des serviteurs de Dieu utilisant leur temps, leur énergie et leurs ressources pour faire de Sa parole une parole suprême, ils en bénéficieront non seulement dans cette vie, mais leur justice sera l’une des seules choses qui nous sera bénéfique lorsque nous serons partis depuis longtemps.

Concernant l’intérêt supérieur de l’islam, la question n’est donc pas de savoir ce que vous voulez pour vos enfants, mais ce que vous voulez pour vous-même.

Usman Qureshi

Notes :

[1] Coran 2: 268

[2] Coran 3: 185

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