Le coronavirus a mis à nu la vraie valeur de notre humanité et souvent son absence de valeur. Mais devenir un meilleur humain est toujours à notre portée. Le sujet de la dernière chronique de Khalid Mossayd sur Mizane.info. Khalid Mossayd est écrivain, auteur de “L’arracheur de larmes”.
Pour beaucoup, il était question d’attendre la fin du monde ou de se questionner sur son imminence. « Que lui as-tu préparé ? »
D’autres encore voyaient dans chaque alliance économique un complot pour détruire notre monde. « Que lui as-tu préparé ? » à cette fin du monde…
Et enfin, il y a celles et ceux qui justifiaient leur passivité et leur insouciance en recherchant des « signes » qui prouvent que la fin est proche. «Que lui as-tu préparée ? »
Eh bien nous y sommes. Mais ce n’est pas la fin du monde. Nous sommes face à la réalité de ce que nous valons vraiment. Dans quelle réalité vivions-nous avant que ce virus ne vienne nous visiter ? L’humain vient de basculer dans une autre réalité.
« Avant », nous étions dans un confort de vie sur lequel nous pouvions agir et sur lequel nous avions un pouvoir de décision. « Aujourd’hui », la situation a généré un enfermement dans notre propre vie.
Si dorénavant notre corps est perturbé par cette nouvelle réalité, on prend conscience très vite de l’insuffisance et de la pénurie de nos réserves spirituelles.
Ni notre corps et ni nos sens ne peuvent gérer les angoisses, les peurs et les tensions qui commencent à nous animer.
Qu’as-tu offert à ton esprit et à ton coeur pour lutter contre cette nouvelle réalité ? Tu peux oublier ta liberté durant plusieurs semaines ou plusieurs mois.
Lorsque le quotidien était normal, nous avions quand même tendance à voir l’humain comme un être égoïste et pauvre en humanité ; à présent, nous devenons des étrangers les uns pour les autres.
Les individus de l’espèce la plus sociable s’ignorent. L’autre représente le danger et la mort parce qu’il peut potentiellement nous infecter. Mais l’autre c’est nous.
Le regard que nous portons sur l’autre est le miroir de ce que nous sommes. La préservation et la survie de l’espèce se fait sur l’autel de nos égoïsmes, de nos indifférences et de notre mépris.
Difficile de se réaliser en tant qu’être spirituel dans ces conditions, car se réaliser c’est justement lutter contre tous ces déchets à l’intérieur de notre âme. Il fallait être prêt.
Notre spiritualité fait défaut et ce n’est pas seulement lorsque tout va mal qu’il faut prier. Les réserves spirituelles sont une discipline de tous les jours et ainsi, face à l’adversité, le cœur est prêt. Tu as le droit d’être inquiet, mais tu n’as pas le temps d’abandonner.
Le véritable enseignement de notre situation actuelle est que rien n’est fondamentalement acquis. Certains tournaient en dérision leurs grands-parents quand ils les voyaient constituer des stocks de nourriture comme à l’époque de la guerre.
Mais c’est justement parce qu’ils ont connu la guerre qu’ils ont pris conscience que tout pouvait recommencer. Le monde est à l’arrêt et ce n’est ni une bombe ou un conflit militaire qui en sont la cause. C’est un ennemi invisible, un ennemi qui sait à quel endroit il faut frapper.
En effet, il ne suffit pas d’un astéroïde pour mettre le monde à l’arrêt. Un virus suffit, un agent invisible qui a pour cible l’essentiel vital du corps humain : l’air qu’il respire.
Il pénètre en l’humain pour le rendre d’abord vulnérable ; les plus forts d’entre nous résistent avec quelques séquelles et celles et ceux dont la santé est fragile n’ont pas la force de lutter et finissent très souvent par succomber. Alors es-tu prêt(e) à survivre sans ignorer ton voisin et sans le piétiner ?
Sois généreux, mais juste ce qu’il faut. Donne sans te priver et si tu n’as rien à offrir, dépose un mot d’amour dans le coeur des autres et envoie une prière.
Notre spiritualité fait défaut et ce n’est pas seulement lorsque tout va mal qu’il faut prier. Les réserves spirituelles sont une discipline de tous les jours et ainsi, face à l’adversité, le cœur est prêt.
Tu as le droit d’être inquiet, mais tu n’as pas le temps d’abandonner. Tu découvres la privation de liberté et le manque, mais il y a à peine quelques jours nous regardions les conflits du monde avec tellement de distance.
Nous vantons la richesse des pays industrialisés, mais nos milliards fondent au soleil à cause d’un virus.
Qui aurait pu prédire qu’un simple microbe serait capable de vider les caisses de nos pays en si peu de temps ?
Il est donc l’heure de revenir à l’essentiel et tellement d’informations nous semblent si peu utiles. Qui sort avec qui ? Qui est enceinte ? Quel est le clash du jour ? Quelle star a sa jumelle ? Tellement insignifiant…
L’essentiel est de se retrouver avec soi et de continuer d’aimer ceux qui accompagnent notre vie. L’absence, la distance et l’incertitude sont les épreuves des êtres aimés.
Il faut tenir et il faut s’apaiser de notre amour. Et à celles et ceux qui fréquentaient assidûment les synagogues, les églises, les mosquées ou les temples, le vrai défi sera de chercher Dieu ailleurs.
Les temples ont fermé leurs portes. Fais un pas, Il en fera dix. Ce n’est pas un pas vers un lieu de prière, c’est seulement ce pas au cours duquel le cœur se met en route vers sa quête de paix, une paix pour comprendre, pour vivre l’épreuve, une paix qui enseigne l’humilité…
Une paix qui révèle que seule la sagesse est le bien le plus précieux qu’il faut posséder en ce monde afin de vivre les épreuves les plus difficiles.
Khalid Mossayd
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