Le Premier ministre français Edouard Philippe.
Dans sa dernière chronique sur Mizane.info, Faouzia Zebdi-Ghorab fait un détour historique vers la canicule de 2003 pour mieux comprendre l’ampleur du désaveu politique français à propos de la gestion du Covid-19.
Entre désarroi et peur panique … Entre respect strict des mesures sanitaires et dédramatisation par l’humour et la dérision…
Entre opportunisme et fausse solidarité systémique… Entre fatalisme dévot et complotisme mi-admiratif mi-inquiet…
Entre patience résignée et colère à peine voilée … Nos cœurs oscillent tel celui d’un musicien désarçonné par son métronome High Tech désormais trop silencieux.
Restez confinés !!
Je ne fais que ça ! Pourrait-on dire, comme avait pesté une vieille dame après la canicule de 2003 à qui l’on demandait chaque minute de ne pas oublier de s’hydrater !
Une canicule qui avait fait 19 240 morts en 15 jours, et 25.000 morts sur la durée de l’été selon les syndicats des urgentistes de France,
La situation de crise météorologique qui n’avait pas, une fois de plus, été mesurée à sa juste gravité décimait la catégorie la plus fragile de la population.
Le gouvernement du Premier ministre de l’époque était alors en vacances. « Tandis que les uns dorent doucement sous le soleil des vacances, d’autres meurent sur leur lit d’hôpital [1]».
Les morgues étant saturées, notamment en région parisienne, une tente réfrigérée montée dans l’urgence aux abords d’un funérarium accueillait les corps des victimes de la canicule. « Un hangar de Rungis a même été transformé en morgue. [2]»
En même temps que cette crise avait soulevé la sempiternelle question de la réactivité du gouvernement [pour cette fois ils avaient de « bonnes excuses » ils étaient en vacances d’été !! Chirac était pour sa part au Québec !], elle avait soulevé la question des mesures d’urgence à prendre dans le domaine de la santé publique.
Elle avait également posé des questions d’ordre moral et sociétal.
Notamment celle de l’isolement des personnes âgées au point que l’on n’ait pas vu leur état de déshydratation avancée, l’abandon de ces personnes durant la période sacrée de l’été, tel un animal de compagnie trop encombrant, ainsi que la détresse d’une partie de la population française dont les faibles moyens ne leur permettaient même pas de se mettre décemment à l’abri, d’une forte chaleur…
Le nombre scandaleusement élevé de morts avait poussé le gouvernement de l’époque, à mettre en place le plan canicule. « Le système de surveillance est de plus en plus robuste, il permet d’être en anticipation. »
Encore une de ces phrases politiciennes sacrement mystérieuses, dont nous ne saisirons bien sûr jamais le sens…
Le niveau 4 qui correspond au niveau maximal d’alerte stipulait la chose suivante : « Ce niveau correspond à une canicule avérée exceptionnelle, très intense et durable, avec apparition d’effets collatéraux dans différents secteurs (sécheresse, approvisionnement en eau potable, saturation des hôpitaux ou des pompes funèbres, panne d’électricité, feux de forêt, nécessité d’aménagement du temps de travail ou d’arrêt de certaines activités…).
Celui qui ne possède pas une qualité ne peut pas prétendre la partager ou l’exiger des autres. Et si beaucoup d’entre nous aujourd’hui patientent sagement face à cette situation ce n’est pas par fatalisme, mais par conscience. Car cette situation inédite est l’occasion de réfléchir sur ce qui relève de notre stricte responsabilité et sur ce qui relève de la responsabilité d’autrui.
Cette situation nécessite la mise en œuvre de mesures exceptionnelles : elle nécessite une mobilisation maximale et une coordination de la réponse de l’État avec l’activation de la Cellule Interministérielle de Crise (CIC) qui regroupe l’ensemble des ministères concernés.”
Même si encore une fois, moi simple citoyenne, aurait encore besoin d’un décodeur pour saisir la teneur de ces propos, j’ai osé penser que ces mesures auraient impliqué au moins, de mettre en place une politique de lits supplémentaires !
Que nenni !
« En 2017, les établissements de santé comptent un peu moins de 400 000 lits d’hospitalisation à temps complet, soit 69 000 lits en moins qu’en 2003 et même 100 000 lits en une vingtaine d’années…[3] »
Au jour d’aujourd’hui sur les 1.500 lits de réanimation disponibles en Ile-de-France, 1.297 sont déjà occupés.
« C’est la pire catastrophe sanitaire de l’ère moderne… En Ile-de-France, la situation est hors-de-contrôle, on est dépassé », a déclaré le chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond Poincaré, à Garches, dans les Hauts-de-Seine…
Le reste de l’histoire vous le connaissez : mensonges, manque de transparence, in-équité, messages contradictoires, opportunisme politique, tests de docilité, test de capacité d’obéissance aux privations des libertés individuelles etc …
…
L’histoire serait-elle un éternel recommencement des erreurs passées ?
L’Histoire ne sert pas à tirer des leçons du passé, me direz-vous. Sinon nous aurions retenu les leçons des guerres passées qui ont fait des millions de morts.
Elle ne sert pas non plus à sauvegarder la mémoire vive des choses. Elle est encore moins le terreau d’un enseignement moral sain et revivificateur.
Elle sert surement à comprendre le présent, mais pas au sens que l’on croit. L’histoire nous en apprend essentiellement sur ce que nous sommes et sur les systèmes politiques et économiques que nous avons choisis de façon active, ou avalisés de façon tacite.
Tester notre degré de docilité ?
Certes nous respectons ces mesures d’urgence, mais nous n’avons pas à nous faire les relais passionnés de ces mesures qui sont l’aveu de manque d’anticipation et de moyens mis aux services de la santé publique.
Ce besoin de Dieu nous aurait-il réduits à accepter des idoles au rabais ?
Pour mériter la confiance de quelqu’un, il faut être soi-même un être de confiance
Pour mériter la sympathie de quelqu’un, il faut être soi-même un être sympathique
Pour mériter l’amour de quelqu’un, il faut être soi-même un être aimant.
Autrement dit celui qui ne possède pas une qualité ne peut pas prétendre la partager ou l’exiger des autres.
Et si beaucoup d’entre nous aujourd’hui patientent sagement face à cette situation ce n’est pas par fatalisme, mais par conscience.
Car cette situation inédite est l’occasion de réfléchir sur ce qui relève de notre stricte responsabilité et sur ce qui relève de la responsabilité d’autrui.
À entendre les discours dominants si les hôpitaux manquent de masque par exemple, c’est parce quelques malheureux passants rencontrés ici et là dans la rue portent des masques !!!
Cette déresponsabilisation des vrais responsables, et cette incrimination d’individus lambdas est absolument scandaleuse. À défaut d’avouer qu’ils ne peuvent équiper TOUTE LA POPULATION de masques, ils préfèrent s’en prendre à quelques personnes précautionneuses.
Ces responsables qui parlent pudiquement de difficultés logistiques là où il faudrait parler d’incompétence, pour pallier cette incurie puisent allègrement dans les stocks stratégiques du pays, prétextant l’inutilité de ces stocks !
Dans de tels moments qui mettent au grand jour leur peu d’intérêt pour les petites gens que nous sommes, ils parlent avec emphase et avec une voix pleine d’affection et de fausse humilité, de solidarité nationale, de soutien mutuel face à l’épreuve, de résilience, d’union sacrée même.
Même les élections qui pourront être un facteur supplémentaire d’aggravation de la situation sont maintenues !!! « Rien ne s’oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes[4] »
De même que lorsqu’il s’agit de prendre des mesures contre les retraites et autres acquis sociaux, on ne s’inquiète de savoir si cela détruit la cohésion nationale et la solidarité.
Selon des sondages beaucoup de nos compatriotes leurs font confiance, et croient ce qu’ils disent. Est-ce vrai ? Et si cela était vrai sont-ils à blâmer ? Je ne sais pas et après tout cela n’est pas mon propos. Mais une chose est sure, la prise de conscience constitue une des meilleures forces de coercition.
Faouzia Zebdi-Ghorab
Notes :
[1] Ouest-France, mardi 12 août 2003
[2] Archives Reuters.
[3] Le quotidien du médecin, 3 juillet 2019
[4] Allocution télévisée d’Emmanuel Macron