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dimanche 24 novembre 2024

Que cache l’anthropomorphisation péjorative du Covid-19 ?

Ahmadou Kanté est imam et écrivain, auteur de plusieurs chroniques sur Mizane.info. Dans sa dernière production écrite, il s’interroge sur les raisons qui ont poussé le personnel politique à humaniser le virus Covid-19.

Paix sur vous et tous contre le COVID-19. SARS-CoV-2, c’est le nom scientifique du virus qui cause la maladie appelée COVID-19.

Jusque là, rien de particulier, c’est la démarche habituelle en la matière. Du côté de l’anthropologie musulmane, c’est même une marque de la singulière dignité de l’homme, que de recevoir de Dieu, la capacité de nommer. Or, on ne sait pas par quelle « prouesse », ce virus est en train de subir ce que j’appelle une « anthropomorphisation péjorative. »

Par « anthropomorphisation péjorative », j’entends le fait d’attribuer au virus en cause, une intention et des comportements humains négatifs.

En effet, dès que le président Macron a utilisé le terme de guerre et d’ennemi, les qualificatifs négatifs ont commencé à fuser de partout et de tout le monde : on ne veut plus l’appeler de son nom de baptême, mais il est devenu l’ennemi à abattre, le putain de virus, la saleté, etc.

C’est l’ennemi mondial numéro 1 qui a même fait oublier le terrorisme « islamique » et le changement climatique.

Au moment où se vulgarisent de plus en plus les thèses sur l’égalité biocentrique voire écocentrique, selon lesquelles, l’humain n’est qu’un élément parmi d’autres de la nature, on se met brusquement à verser sans retenue dans « l’anthropomorphisation péjorative » de ce virus.

Lors même qu’il est à la limite de la vie car selon les biologistes, c’est juste une molécule protéique qui a absolument besoin d’une entité vivante pour pouvoir se répliquer.

Donc, dans le contexte anxiogène du COVID-19, le décideur public lambda pris de vitesse par les ravages imputés à raison ou à tord au virus en cause, fait l’option de la fuite en avant : un ennemi viral hors du commun a traversé par « surprise » nos frontières, mettons-nous tous en ordre de bataille !

Cette posture a l’avantage d’occulter pour un temps en tous cas, la question de l’impréparation, des hésitations, des lenteurs et des tâtonnements pour lesquels, il doit rendre compte.

Et dans ce pêle-mêle de la lutte contre le COVID-19, où on entend tout et son contraire, on en est arrivé rapidement à rabaisser l’humain même pas au niveau d’un animal, mais d’une molécule protéique.

On lui confère de notre propre chef ou folie, allons savoir, des intentions de faire s’effondrer le monde. Cette maladie est en train de nous faire perdre la raison au sens littéral de l’expression car on ne se pose pas la question de savoir quel monde nous sommes en train de bâtir et lequel nous avons détruit…

Cette molécule protéique est le bouc émissaire tout trouvé ou l’exutoire qui permet de ne pas voir en quoi les modes de production et de consommation dénaturent la nature et la rendent inhabitable pour l’humain comme pour les autres êtres vivants.

Paraît-il qu’un ministre d’un pays européen s’est suicidé, angoissé de ne pouvoir trouver des solutions efficaces aux conséquences financières du COVID-19 !

Il n’est pas difficile de voir que SARS-CoV-2 ne sait même pas qu’il a autant fait peur à des décideurs publiques !

Mais tout le monde conviendra que c’est plutôt une ambiance anxiogène qui pousse à une peur mortelle de l’effondrement d’un système financier pris pour être bien huilé et résilient à toutes sortes de chocs.

Mais, voilà qu’on prête à ce virus, pour être plus précis, à cette molécule protéique, une intention : celle de vouloir arbitrairement nuire au genre humain et surtout à l’économie libérale qui finissait de s’imposer dans le monde.

Il faut quand même se dire qu’en faisant l’option de « l’anthropomorphisation péjorative » du SARS-CoV-2, un but peut-être inconscient est recherché : déclarer l’humain et son mode de vie dit moderne et bâti sur le progrès (que rien ne peut ni doit arrêter), innocent de tout ce qui arrive, et la molécule protéique coupable de tout ! SARS-CoV-2 est un méchant virus qui en veut à l’humain de façon délibérée.

Voilà la nouvelle trouvaille de l’humain de l’époque « anthropocène » : il refuse comme l’y convie le Coran, de reconnaître sa responsabilité dans la corruption de la nature et de l’humaine nature.

Cette molécule protéique est le bouc émissaire tout trouvé ou l’exutoire qui permet de ne pas voir en quoi les modes de production et de consommation dénaturent la nature et la rendent inhabitable pour l’humain comme pour les autres êtres vivants.

Dans le contexte du règne de la quantité, du combien, de la tyrannie du marché, du souci des moyens (comment) et pas des fins (pourquoi), du transhumanisme, les espèces cherchent à s’accrocher à la vie comme elles peuvent ou disparaissent car ne trouvant plus, à cause des méfaits de l’homme corrupteur (moufsid), les conditions propices à leur existence.

Un jour, on nous expliquera comment une molécule protéique qui vivait sa vie de molécule dans la nature, y occupait sa place et y jouait son rôle a brusquement considéré qu’il s’ennuyait dans le milieu animal et qu’il était temps qu’il passe chez les humains.

C’est seulement pour vous raconter une partie de l’histoire de la fabrique de l’ennemi viral, et comment nous voulons faire la guerre à tout sauf à nos passions de croissance et de jouissance que j’ai rédigé ces lignes coronaméditatives.

Comble de « l’anthropomorphisation péjorative » du SARS-CoV-2, il se dit qu’on peut tuer le virus !

Peut être à l’échelle d’une cellule, mais il est toujours quelque part dans la nature prêt à s’accrocher à une entité vivante qui lui permette de faire ce qu’un virus sait faire le plus naturellement du monde : se répliquer.

C’est le rapport dit moderne à l’environnement, à l’économie, à la santé et à nous-mêmes que le COVID-19 doit nous pousser à interroger si nous lui survivons. Nous l’espérons et nous prions pour.

Ahmadou Kanté

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