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mercredi 18 décembre 2024

Le sacré au cœur de la lutte contre le réchauffement climatique

Ibrahim Ozdemir est un environnementaliste renommé et professeur de philosophie à l’Université Uskudar, en Turquie. Dans une tribune publiée sur Aljazeera.com et traduite par Mizane.info, il plaide pour un engagement actif des pays musulmans dans la lutte contre le réchauffement climatique.

De nombreux pays à majorité musulmane sont les plus touchés par le changement climatique, mais leur conscience culturelle et leur action climatique sont souvent extrêmement limitées.

Un mouvement d ‘« environnementalisme islamique » basé sur la tradition islamique – plutôt qu’un environnementalisme «de sauveur blanc» importé et basé sur des campagnes politiques ancrées dans le vieux monde – pourrait leur permettre d’y remédier.

Et le contexte d’accalmie post-COVID-19 dans les émissions polluantes est une opportunité à saisir.

C’est un mouvement dont nous avons cruellement besoin.

Les deux pays les plus pollués sont musulmans

Maurice Gloton

Mon pays d’origine, la Turquie, est par exemple particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, car les températures augmentent et les précipitations diminuent d’année en année, ce qui pose de graves problèmes de disponibilité de l’eau.

Au Bangladesh, on estime que d’ici 2050, une personne sur sept sera déplacée par le changement climatique, créant des millions de réfugiés climatiques.

Au Moyen-Orient, de vastes zones deviendront probablement inhabitables en raison des vagues de chaleur susceptibles de balayer la région au cours des prochaines décennies.

Malgré leur vulnérabilité, de nombreux pays musulmans contribuent pourtant à ce problème.

L’Indonésie, le pays à majorité musulmane le plus peuplé du monde, est le cinquième émetteur mondial de gaz à effet de serre et fait peu pour réduire ses émissions.

Le Bangladesh et le Pakistan sont les deux pays les plus pollués au monde, mais n’ont pris aucune mesure sérieuse pour lutter contre la pollution.

L’inaction dans le monde musulman persiste malgré une déclaration des pays musulmans en 2015 pour jouer un rôle actif dans la lutte contre le changement climatique.

On pourrait penser que les plus touchés par le changement climatique seraient les plus désireux de l’arrêter.

Ce n’est pas toujours le cas.

Une approche culturelle autochtone

De nombreux pays musulmans sont réticents à imposer des concepts occidentaux d’écologisme ou à céder aux pressions de pays qui ont déjà réalisé leur industrialisation sans avoir à lutter contre la pollution ou à réduire leur niveau d’émission.

Le colonialisme environnemental n’est pas la bonne réponse.

Une solution qui a fait ses preuves serait d’utiliser les principes de l’islam pour encourager la protection environnementale chez les populations musulmanes.

L’Islam apprend à ses fidèles à prendre soin de la terre.

Les musulmans croient que les humains devraient agir en tant que gardiens, ou khalifah, de la planète, et qu’ils seront tenus responsables par Dieu de leurs actions.

Ce concept d’intendance est central et a été utilisé dans la Déclaration islamique sur le changement climatique qui était destinée à provoquer un changement dans la politique environnementale des pays musulmans.

De fait, les musulmans n’ont pas besoin de chercher bien loin étant donné que le Coran leur fournit des conseils, avec environ 200 versets concernant l’environnement. Les musulmans apprennent que « la création des cieux et de la terre est plus grande que la création de l’homme ».

La réalité est que rien ne pourrait être plus islamique que de protéger la création la plus précieuse de Dieu : la terre.

Cette approche qui peut toucher les cœurs et les esprits des 1,8 milliard de musulmans à travers le monde, doit être intégrée au mouvement climatique plutôt que négligée.

Le Prophète Muhammad (psl) a également fait preuve de bienveillance, de soins et d’attention dans le traitement des animaux, conduite qui constitue une référence pour les musulmans.

Il a interdit de tuer des animaux par loisir, a recommandé aux gens de ne pas surcharger leurs chameaux et leurs ânes, a ordonné que l’abattage alimentaire d’un animal soit fait avec considération pour les sentiments de l’animal et le respect d’Allah qui lui a donné la vie.

Le Prophète a même permis à son chameau de choisir l’endroit où il a construit sa première mosquée dans la ville de Médine.

Pragmatisme écologique

Une étude de 2013 en Indonésie a montré que l’inclusion de messages écologistes dans les sermons islamiques a conduit à une sensibilisation accrue du public et à une plus grande préoccupation pour l’environnement.

En 2014, l’Indonésie a émis une fatwa (ou avis juridique islamique) pour exiger des musulmans du pays qu’ils protègent les espèces menacées.

Il existe également des organisations dédiées à l’utilisation de la religion pour transmettre le message de protection environnementale, comme l’Alliance pour les religions et la conservation (ARC).

L’un de ses projets les plus réussis a été d’intégrer le concours de clercs musulmans pour convaincre les pêcheurs tanzaniens que la pêche à la dynamite, à la drague et au harpon allait à l’encontre du Coran – et ils ont écouté.

Cette affaire nous indique également que la moralisation à distance a peu de chances d’être efficace.

Les pêcheurs avaient auparavant résisté aux interdictions du gouvernement, mais ont été persuadés une fois qu’on leur a dit qu’ils agissaient de manière contraire aux enseignements de l’islam.

Un pêcheur a déclaré : « Ce côté de la protection de l’environnement ne vient pas du mzungu [ » homme blanc « en swahili], il vient du Coran. »

Renouer avec le sacré

De toute évidence, nous devons parler le langage de ceux dont nous cherchons à changer le comportement, en particulier si ce langage est naturellement opposé aux politiques non durables.

Certains leaders d’opinion musulmans sont conscients de cela et sont impatients de développer un mouvement environnemental « local » pour émerger en tant que leaders d’opinion à part entière.

Par exemple, le Forum de Dhaka a organisé ce mois-ci un panel sur les problèmes environnementaux post-COVID-19 avec une majorité d’orateurs venus du monde musulman.

Les pays musulmans ont un avantage dans la course contre le réchauffement climatique.

Ils ont un cadre et un système de croyances qui exigent la protection de la terre et de ses ressources naturelles.

Comme le fait valoir Seyyed Hossein Nasr, un partisan éminent du mouvement religieux et écologiste, la désacralisation de l’Occident a abouti à une idéologie selon laquelle les humains dominent la terre, plutôt que ne la gèrent, ce qui est la vision islamique.

Les musulmans doivent redevenir les gardiens de la terre, pour le bien de leur environnement.

Ibrahim Ozdemir

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