Le dhikr, rappel ou souvenir de Dieu, est une pratique fondamentale de l’islam et incontournable pour toute réalisation spirituelle authentique. L’imam al Haddad nous en livre quelques-uns des mérites dans un texte extrait de son Livre des conseils en matière de religion et des recommandations en matière de foi (Al-nasā’ih al-dīniyya wa al-wasāyā al-īmāniyya) que reproduit Mizane.info.
Sachez, mes frères – puisse Dieu nous compter, nous et vous, parmi ceux qui se souviennent de Lui en abondance, ceux que ni leurs biens ni les enfants ne distraient du rappel de Dieu – que le rappel de Dieu, Exalté soit-Il, constitue une des injonctions majeures, une des dévotions les meilleures, et un des moyens les plus propices à la rencontre. Dieu dit, et Il est un locuteur Majestueux :
Souvenez-vous de Moi et Je Me souviendrai de vous. Remerciez-Moi et ne soyez pas ingrats (2 : 152).
Ô croyants, souvenez-vous de Dieu en abondance, et glorifiez-Le matin et soir (33 : 41-42).
Souviens-toi de ton Seigneur en toi-même, à voix basse, avec humilité, avec crainte, matin et soir, et ne sois pas du nombre des négligents (7 : 205).
Ceux qui croient, dont le cœur s’apaise au rappel de Dieu – les cœurs ne s’apaisent-ils pas au rappel de Dieu ? (13 : 28)À
Le Messager de Dieu, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui, a dit :
Dieu, Exalté soit-Il, dit : « Je suis tel que Mon serviteur pense que Je suis, et Je suis avec lui chaque fois qu’il se souvient de Moi. Chaque fois qu’il Me mentionne en lui-même, Je le mentionne en Moi-même. Chaque fois qu’il Me mentionne dans une assemblée, Je le mentionne dans une assemblée meilleure. Chaque fois qu’il se rapproche de Moi d’un empan, Je Me rapproche de lui d’une coudée. Chaque fois qu’il se rapproche de Moi d’une coudée, Je Me rapproche de lui de deux coudées. Chaque fois qu’il vient à Moi en marchant, Je viens à lui en courant. »[1]
Et il a dit, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui :
« Vous dirai-je laquelle de vos œuvres est la meilleure, la plus pure aux yeux de votre Souverain, celle qui élève le plus vos degrés ? (…)
Oui, dirent-ils.
Le rappel de Dieu ».[2]
Et il a dit, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui :
« Le fils d’Adam ne fait rien qui soit plus propice à le protéger de la punition de Dieu que le rappel de Dieu ».[3]
« Se rappeler Dieu matin et soir vaut mieux que briser votre épée dans le combat dans le sentier de Dieu, Exalté soit-Il, et que dépenser généreusement votre argent ».[4]
« Celui qui se rappelle Dieu et celui qui ne le fait pas sont respectivement comme un homme vivant et un homme mort, ou comme un arbre vert et un arbre desséché. Celui qui se rappelle Dieu, au milieu de gens qui sont oublieux, est comme celui qui résiste fermement, au milieu de ceux qui s’enfuient ».[5]
Les versets du Coran et les hadīth-s qui prescrivent le rappel de Dieu et en détaillent les mérites sont trop nombreux pour qu’on les cite tous.
Les savants – puisse Dieu les avoir en Sa miséricorde – ont dit : « Le rappel le meilleur est celui qui implique à la fois le cœur et la langue. Le rappel du cœur seul est meilleur que celui de la langue seule. » Quant à moi, je dis que le rappel du cœur signifie que le rappel y est présent soit avec la forme, soit avec la signification de l’invocation prononcée par la langue. Dans le premier cas, quand celui qui invoque dit, avec sa langue, Lā ilāha illa llāh, il doit le répéter en même temps dans son cœur. Dans le second cas, la signification de cette noble parole, selon laquelle le divin est la prérogative du Réel, doit être présente dans son cœur.
La Preuve de l’islam – puisse Dieu l’avoir en Sa miséricorde – dit : « Il y a quatre degrés dans le rappel. Le premier est celui de la langue seule. Le deuxième est celui de la langue et du cœur ensemble, et il exige un effort. Le troisième intervient quand le rappel devient l’attribut du cœur, si bien qu’il est sur la langue sans effort et en permanence. Au quatrième degré, Celui dont on se souvient S’empare du cœur, qui s’absorbe en Lui. Le premier degré, c’est-à-dire le rappel avec la langue alors que le cœur est distrait, apporte peu de bénéfice et peu d’effet. » Il en est indubitablement ainsi, mais il vaut mieux pratiquer un tel rappel qu’abandonner entièrement la pratique. On dit un jour à un connaissant : « Nous nous souvenons de Dieu, mais n’atteignons aucune présence. » Il répondit : « Remerciez Dieu d’orner l’un de vos organes [, la langue,] du rappel de Lui. »
Celui qui invoque Dieu avec sa langue devrait s’efforcer de réaliser la présence du cœur, afin qu’il puisse se souvenir avec les deux, même avec des difficultés, au début. Qu’il y persévère jusqu’à ce que le cœur goûte le plaisir du rappel et ses lumières se lever sur lui. Quand cela se produit, la présence apparaîtra facilement, sans effort. Peut-être même atteindra-t-il le niveau où il ne pourra plus supporter d’abandonner le rappel ou de se permettre d’en être distrait.
Sache maintenant – puisse Dieu t’avoir en Sa miséricorde – qu’il y a des bonnes manières à respecter pendant le rappel et que la plus importante et nécessaire est la présence du cœur. Efforce-toi d’y parvenir, car celui qui invoque ne peut obtenir pratiquement aucun des bénéfices et des effets du rappel sans cette présence.
Parmi ces bonnes manières, on trouve aussi que celui qui invoque doit conserver une extrême politesse, un maintien extérieur comme intérieur approprié, une propreté parfaite et la pureté rituelle. Il doit être humble, plein de crainte révérencielle de la majesté de Dieu, faire face à la qibla, sa tête inclinée et son corps aussi immobile que pendant la prière rituelle.
Le dhikr (rappel) : une pratique permanente
Il se peut que le serviteur, de qui est exigé de se rappeler Dieu à chaque instant et en toutes circonstances, soit capable de maintenir en permanence les bonnes manières précédemment citées, comme par exemple celui qui est en retraite spirituelle ou dans l’adoration permanente de Dieu, Exalté soit-Il. Mais ce n’est la plupart du temps pas possible, et il doit se réserver un temps pour le rappel, où il peut s’asseoir et respecter toutes les bonnes manières, celles qu’on a citées et d’autres de la même veine. Il doit pourtant à tout instant se rappeler Dieu, sans limite ni condition, qu’il soit debout, assis ou couché. Comme le dit Dieu, Exalté soit-Il, « Rappelez-vous Dieu debout, assis ou couchés » (4 : 103).
Qu’il se garde bien d’être détourné du rappel à tout instant, car c’est extrêmement préjudiciable. Le Prophète, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui, a dit :
« Si quelqu’un s’assied un moment sans se rappeler Dieu, Exalté soit-Il, cela lui causera du remords. Et si quelqu’un s’allonge un moment sans se rappeler Dieu, Exalté soit-Il, cela lui causera du remords. Et si quelqu’un marche un moment sans se rappeler Dieu, Exalté soit-Il, cela lui causera du remords. »[6]
Remords signifie regrets combinés au chagrin, ou regrets le jour où lui seront demandés des comptes. Il se peut que le Démon influence celui qui est distrait et soit à même de prendre le contrôle sur lui, parce qu’il est oublieux de son Seigneur. Ainsi qu’Il dit, Exalté soit-Il,
« À quiconque se détourne du rappel du Tout Miséricordieux, nous assignons un démon comme compagnon » (43 : 36).
« Le Démon a pris le contrôle sur eux et leur a fait oublier le rappel de Dieu » (58 : 19).
Il est naturel que le croyant se rappelle Dieu en abondance, de même que c’est une caractéristique de l’hypocrite de ne se rappeler Dieu que très peu. Dieu, Exalté soit-Il, dit à propos des hypocrites :
« Ils s’exhibent devant les gens mais ne pratiquent que peu le rappel de Dieu » (4 : 142).
Être persévérant et constant dans le rappel de Dieu éloigne le Démon et fait cesser ses chuchotements. Ibn ‘Abbās a dit : « Le démon se tapit sur le cœur du serviteur. Quand il se rappelle Dieu, il bat en retraite, mais quand il est distrait il se met à lui chuchoter. »
Il est de la plus grande importance de conserver le rappel de Dieu et d’y persévérer tout le jour, dans la plupart des circonstances. Quand un homme demanda au Prophète, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui : « Ô Messager de Dieu, les injonctions de l’islam sont trop nombreuses pour moi. Ordonne-moi une seule chose, à laquelle je puisse me tenir fermement », il répondit : Garde ta langue toujours humide du rappel de Dieu ».[7]
Les savants – puisse Dieu les avoir en Sa miséricorde – ont toujours considéré que le rappel avait plus de mérite et de priorité que les autres formes de bonnes œuvres, parce qu’on peut le pratiquer tout le temps et en toutes circonstances. Il n’y a pas de moment fixé pour le rappel, mais il est exigé tout le temps. Il peut être pratiqué sans être en état de pureté rituelle, que l’impureté soit mineure (hadath) ou majeure (janāba), ainsi que par ceux qui sont libres comme ceux qui sont occupés. Ces règles ne s’appliquent pas aux autres dévotions telles que la prière rituelle, le jeûne ou la récitation du Coran, pour lesquelles existent des conditions préalables et des moments où elles ne sont pas permises.
La meilleure de toutes les bonnes œuvres est la prière rituelle, qui est pourtant interdite durant un tiers du jour, entre la prière de l’aube et le moment où le soleil s’élève au-dessus de l’horizon, et entre la prière de l’après-midi et le coucher du soleil. Quant au jeûne, il est interdit en dehors des heures diurnes, et réciter le Coran est interdit quand on est en état d’impureté rituelle majeure, et déconseillé quand on est occupé à des choses matérielles et donc incapable de se recueillir. C’est en raison du caractère sacré et noble du Coran.
À l’inverse le rappel fut laissé sans restrictions par Dieu, Exalté soit-Il, comme une miséricorde pour Ses serviteurs et comme une faveur, outre qu’Il l’a fait plus léger et moins difficile que les autres formes de dévotions. Tout cela fait que le rappel est supérieur aux autres dévotions, même si certaines sont supérieures sous d’autres aspects. Le rappel a ceci de particulier qu’il est léger malgré ses mérites et qu’on peut le pratiquer sans interruption, au point que même dans une situation où invoquer Dieu avec la langue est inapproprié, comme par exemple dans la salle de bains ou pendant l’acte sexuel, on doit pourtant éviter d’être distrait du rappel de Dieu dans son cœur. Ainsi ont dit les savants qui ont la connaissance de Dieu – puisse Dieu les avoir en Sa miséricorde.
Par conséquent, persévère dans un rappel constant – puisse Dieu t’avoir en Sa miséricorde – que tu sois artisan, travailleur manuel ou que tu sois engagé d’une autre façon dans les affaires matérielles. Conserve le rappel en ton cœur et sur ta langue autant que tu en es capable.
Quand tu te rappelles Dieu, Exalté soit-Il, en ton cœur, ce qui signifie que tu ne permets à personne d’entendre sinon toi seul, tu as fait ce qu’il convient de faire et tu as atteint ton but. Le Prophète, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui, a dit :
Le meilleur rappel est le rappel caché et la meilleure provision est celle qui suffit.[8]
Le noble verset affirme :
« Souviens-toi de ton Seigneur en toi-même, à voix basse, avec humilité, avec crainte, matin et soir » (7 : 205).
Si tu élèves le niveau de ta voix pendant le rappel, tout en étant sincère avec Dieu, et que tu ne perturbes pas les autres qui peuvent être en train de prier ou de réciter le Coran, au point de les déranger, alors il n’y a aucun mal à élever la voix. Ce n’est pas interdit, et c’est même au contraire recommandé. On peut le faire dans un groupe qui s’est rassemblé pour le rappel de Dieu. Si le groupe se conforme aux règles mentionnées précédemment, à savoir la sincérité et le fait de ne pas déranger ceux qui sont en prière, ou qui sont occupés à des activités similaires, alors c’est recommandé et encouragé. Il existe des hadīth-s qui vont en ce sens. Il a dit, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui :
« Aucun groupe de gens ne se rassemble jamais dans une des maisons de Dieu pour se rappeler Dieu, Exalté soit-Il, avec l’intention de le faire uniquement pour Lui, sans qu’Il leur pardonne et transforme leurs mauvaises actions en bonnes actions ».[9]
« Aucun groupe de gens ne s’assied jamais ensemble pour se rappeler Dieu, Exalté soit-Il, sans que les anges les entourent, que la miséricorde les enveloppe, que la paix descende sur eux et que Dieu parle d’eux à ceux qui sont avec Lui ». [10]
« Chaque fois que vous passez près des prairies du paradis, délectez-vous en.
Que sont les prairies du paradis ?
Les cercles où l’on pratique le rappel ».[11]
Une autre version dit : Les séances d’enseignement. [12] Dans un long hadīth qui commence par Dieu a des anges qui parcourent la terre à la recherche des assemblées de rappel …, il dit, vers la fin :
Dieu dit aux anges : « Je vous demande de témoigner que Je leur ai pardonné, que Je leur ai accordé ce qu’ils avaient demandé et que Je les ai protégés de ce contre quoi ils m’avaient demandé protection. » Les anges dirent : « Parmi eux se trouve Untel, serviteur immoral qui se trouvait passer par là et qui s’est joint à eux. » Il dira, Exalté soit-Il : « Ce sont des gens dont les compagnons ne sont jamais malheureux [dans l’au-delà]. »[13]
Imam al-Haddad
Notes :
[1] Bukhārī, Sahīh (6856, 6982); Muslim, Sahīh (4832, 4850).
[2] Tirmidhī, Sunan (3299); Ibn Māja, Sunan (3780).
[3] Ahmad, Musnad (21064); Bayhaqī, Shu`ab al-Īmān (549, 551); Tabarānī, Kabīr (16765).
[4] Ibn Abī Shayba, Musannaf, vol.7, p.72; vol. 8, p. 235.
[5] Bayhaqī, Shu`ab al-Īmān (591, 592).
[6] Abū Dāwūd, Sunan (4215, 4400); Bayhaqī, Shu‘ab al-Īmān (571, 572).
[7] Tirmidhī, Sunan (3297); Ibn Māja, Sunan (3783).
[8] Ahmad, Musnad (1397, 1477, 1537); Ibn Hibbān, Sahīh (810); Bayhaqī, Shu`ab al-Īmān (578, 579, 9982).
[9] Ahmad, Musnad (12000); Bayhaqī, Shu`ab al-Īmān (562, 714); Tabarānī, Kabīr (5907), Awsat (1614).
[10] Muslim, Sahīh (4867, 4868); Abū Dāwūd, Sunan (1243); Ibn Māja, Sunan (221).
[11] Ahmad, Musnad (12065); Bayhaqī, Shu`ab al-Īmān (557); Tirmidhī, Sunan (3432).
[12] Tabarānī, Kabīr (10995).
[13] Bukhārī, Sahīh (5929); Tirmidhī, Sunan (3524).