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dimanche 24 novembre 2024

Le règne des blédards

RAMF
Clôture du Rassemblement annuel des musulmans de France.

Le récent changement de présidence à la tête de Musulmans de France consacre une fois de plus le « règne des blédards ». C’est la position défendue par Amara Bamba, journaliste, écrivain et co-fondateur de Saphirnews dans un billet publié sur Mizane.info.

Mon actu de la semaine est l’élection d’un nouveau président à la tête de l’association « Musulmans de France » : Mohsen Ngazou. Un détail pour beaucoup de gens. Pourtant ça me dit beaucoup de choses. Car Musulmans de France est le nouveau nom de l’UOIF.

L’UOIF fut d’abord l’Union des organisations islamiques en France. A la base de cette structure, il y a une rupture idéologique avec l’Association des étudiants islamiques en France (AEIF) où j’ai fait mes classes, autour de Professeur Hamidullah depuis les années 1960.

Professeur Hamidullah fonde l’AEIF pour offrir un cadre formel à ses causeries avec les étudiants musulmans qu’il réunissait d’abord à la Mosquée de Paris. Arrivent ces années 1968 où le combat est idéologique sur tous les campus. Les communistes tiennent le haut du pavé et il fallait affronter leurs dangereuses idées d’athées.

Les étudiants musulmans arrivent alors en France, en provenance des anciennes colonies. Ils font leurs études puis rentrent chez eux, emportant l’expérience capitalisée. Et une nouvelle génération se met en place à l’AEIF. Le Professeur Hamidullah est le seul témoin stable de ces flux croisés.

Deux ou trois générations plus loin, milieu des années 1970, les débats d’intello de l’AEIF sont trop loin des besoins du terrain. En France, le musulman est synonyme d’ouvrier non qualifié. Mais leurs enfants sont musulmans et ils seront diplômés. Il fallait bien s’en occuper. La question divise l’AEIF.

Un groupe se détache du cercle Hamidullah. Des pragmatiques, des Frères musulmans menacés ou persécutés dans leur pays d’origine. Ils fondent le GIF, le Groupement islamique de France, ancêtre de l’UOIF, fonctionnelle, constructive et marquée par l’expérience de Frères musulmans. Ceux-là, au contraire de l’AEIF, s’installent en France.

C’est un réseau anti-salafiste, des projets et un discours politiques affirmés. Il est très aux prises du terrain, détourné de l’activité intellectuelle qui accapare le réseau Hamidullah. Ce sont pourtant ces Frères musulmans qui, pendant longtemps, marquent le profil de la jeunesse musulmane en France.

Car, à partir de 1983, la France socialiste libère le champ associatif. Les Frères en profitent. Ils sont souvent très diplômés, beaucoup d’ingénieurs, aux côtés des familles d’ouvriers non qualifiés. Leur réseau, s’étend aux pays du Golf, où d’autres Frères ont trouvé refuge, fuyant la persécution, à l’abri du pétrodollar !

En bref, l’UOIF fait fleurir le terrain associatif musulman de France. Elle a des projets courageux de mosquées et d’institutions fort utiles. Son action est vaste, diversifiée et dynamique. Mais elle agit avec des velléités d’hégémonie vorace ; revendiquant une forme de suprématie sur l’islam de France.

Avant le Conseil français du culte musulman (CFCM), la Mosquée de Paris tient la Une des médias tandis que l’UOIF tient le terrain. Seule, méprisant ou écrasant toute initiative qui naît hors de son réseau. Au final, on admire l’UOIF, on respecte ses projets mais on n’aime pas vraiment l’UOIF.

Piégée dans son profil de naissance, cette association a oublié la réflexion intellectuelle. Pour noyer ce poisson, elle a souvent changé de nom. L’Union des organisations islamiques en France devient l’Union des organisations islamiques « de » France. Je repense à nos débats sur « islam de France » contre « islam en France », je mesure l’évolution de notre pensée.

A force d’attendre, les intello de l’UOIF, sortent de derrière le rideau et s’en vont les uns après les autres. Le mouvement tente de réagir. Il change de nouveau de nom et devient « Musulmans de France » que je trouve est non seulement pompeux mais ridicule comme changement.

Quand j’apprends que le Frère Mohsen Ngazou prend la tête des Musulmans de France, je me dis que le changement attendra. Il attendra la fin du règne des blédards. Car, perso, j’attends le jour où un jeune de France sera à la tête du CFCM ou à la tête de la Mosquée de Paris. Et, pourquoi pas, un de nos jeunes à la tête des Musulmans de France !?

Amara Bamba

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