Capture d’écran de la devanture de la mosquée de Noisy-le-Grand. Crédit : Google Maps.
Fin janvier, l’association gérant la mosquée de Noisy le Grand a reçu un courrier du préfet lui retirant le caractère cultuel de son association. Sur les 5 motifs qui ont fondé cette décision, le tribunal en a retenu un seul. « Le dossier est vide, il n’y a rien à nous reprocher » affirme le président Enis Chabchoub qui a répondu aux questions de Mizane.info.
A Noisy-le-Grand, la déception des responsables de la mosquée de Noisy-le-Grand était perceptible. Le 30 juin dernier, le tribunal administratif de Montreuil a recalé leur saisine contestant le retrait par le préfet de la Seine-Saint-Denis Georges-François Leclerc du caractère cultuel de leur association.
Cinq motifs avaient été avancés par courrier pour justifier ce retrait d’un statut accordé en mai 2019 à l’association présidée par Enis Chabchoub.
« Le seul point qui a fait pencher la balance est le fait que non pas l’association mais moi-même ait soutenu BarakaCity, selon la lettre du préfet. »
Le tribunal administratif de Montreuil n’a pas donné raison à l’association des Musulmans de Noisy-le-Grand, retenant dans sa délibération le fait que les posts publiés par son président sur son compte personnel « ont clairement pour objet d’affirmer, sur un ton polémique, l’existence d’une discrimination systémique envers la communauté musulmane cautionnée par les pouvoirs publics, et singulièrement par les services de justice et de police ». Une accusation contestée par Enis Chabchoub qui évoque une « interprétation » de ses propos. « Je ne dis pas cela dans mes posts. Je fais seulement valoir que le Raid ne s’est pas déplacé pour d’autres victimes de harcèlement ».
Les 5 reproches du préfet
En 2019, l’association remplissait les deux conditions pour se voir attribuer une reconnaissance cultuelle : avoir au moins 25 membres dans l’association et avoir comme objet l’activité cultuelle. La reconnaissance est valable cinq ans au terme duquel la demande d’un rescrit administratif devra être renouvelée. Une enquête a été ouverte dans le cadre de cette procédure d’octroi qui permet d’émettre des reçus fiscaux pour les donateurs. Ce rescrit peut être retiré pour certains motifs tels que le trouble à l’ordre public.
Le 22 janvier 2021, Enis Chabchoub reçoit un courrier du préfet lui stipulant le retrait de la reconnaissance cultuelle attribuée précédemment, au motif de troubles à l’ordre public. Mizane.info a pris connaissance de ce document.
Le préfet reproche au président de l’association des Musulmans de Noisy-le-Grand d’avoir soutenu BarakaCity et le Collectif contre l’islamophobie en France, deux associations dissoutes par le ministre de l’Intérieur, d’avoir été membre de l’UAM 93 présidée par M’hammed Henniche de la mosquée de Pantin qui avait été fermée pour avoir diffusé sur sa page Facebook la vidéo du père de famille qui s’était mobilisé contre Samuel Paty, le fait également que l’imam de la mosquée de Noisy le Grand tiendrait des propos violents (La France, un pays « peuplée de mécréants ») et que plusieurs membres de l’association seraient rattachés à l’islamisme radical. Il reproche par ailleurs à M. Chabchoub d’avoir critiqué l’action des forces de l’ordre dans leur intervention au domicile du président de BarakaCity et dans les locaux de l’association, ainsi que d’avoir insinué qu’elles seraient discriminantes à l’égard des musulmans. Le fait que M. Chabchoub se soit exprimer à titre personnel sur sa page personnelle ne constitue pas une dérogation selon le préfet Georges-François Leclerc qui établit une analogie avec la condamnation de M. Sihamedi, président de BarakaCity et dont la communication personnelle avait été étroitement associée à sa fonction, selon les juges.
Le précédent de Barakacity
Le président Chabchoub dit « être tombé des nues » en lisant cette lettre et a fait appel au cabinet d’avocats Bourdon qui a rédigé au préfet un courrier de 18 pages contestant les récriminations. Le préfet maintient malgré tout le retrait du rescrit administratif, jugeant que deux motifs restent valables : le soutien à BarakaCity et les propos de l’imam.
M. Chabchoub considère que le passage de cinq motifs de troubles à l’ordre public à deux marque un désaveu pour le préfet. « Les accusations selon lesquelles des membres de notre association seraient affiliés à l’islamisme radical étaient donc sans fondement», commente-t-il.
La direction de l’association précise avoir saisi le tribunal administratif pour contester cette décision, après avoir voulu rencontrer le préfet qui n’a pas daigné leur répondre.
Au sujet de l’imam, la procédure judiciaire a obligé le préfet à mentionner les circonstances de ces déclarations. Ce dernier a alors invoqué la protection des sources pour ne pas répondre à la question de la partie civile. « Tous ceux qui connaissent notre imam sont surpris. Ces propos sont à mille lieux de ceux qu’il tient. Nos avocats ne demandaient pas le nom de la source mais les circonstances, quand où et comment ces propos ont été tenus ». Ils n’obtiendront pas de réponse et le tribunal écartera ce motif. Enis Chabchoub a confié à ce propos à Mizane.info que l’association filme et enregistre tous les prêches et discours tenus au sein de la mosquée pour se protéger juridiquement d’éventuelles accusations calomnieuses.
Des cinq motifs de troubles à l’ordre public ne restait finalement que les posts de M.Chabchoub. « Je me suis insurgé du fait que le RAID intervienne pour des accusations de harcèlement contre Barakacity et qu’il ne le fasse pas dans d’autres affaires », déclare-t-il pour clarifier le contexte de ses déclarations que Mizane.info reproduit ci-dessous.
L’association va faire appel
Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de l’association dans une décision rendue le 30 juin 2021, consultée par Mizane.info. Le président de l’association, qui conteste la décision, estime que les juges ont interprété ces propos puisqu’il ne mentionne à aucun moment la confession des noms qu’ils citent en exemple, ni ne fait référence à la communauté musulmane.
L’absence de Maître Bourdon à l’audience du 16 juin, qui s’est fait représenter par une consœur, aurait joué dans la décision d’une audience fondée sur une « procédure à l’écrit ». La représentante du cabinet Bourdon n’aurait pas répondu au rapporteur public dans sa charge ciblant les publications Facebook.
Enis Chabchoub affirme que ce qui se joue dans cette affaire est la liberté d’expression des présidents d’association en dehors de leur fonction, liberté interdite au nom du trouble à l’ordre public. « Sur ma page, je ne suis pas identifié comme le président de l’association, personne ne me connait publiquement à ce titre. Il n’y a pas de corrélation entre les deux. Ma situation n’est pas comparable à celle du président de Barakacity qui était connu pour sa fonction, tout comme on sait de notoriété qui est le responsable de la Grande mosquée de Paris ou du CFCM. Ce n’est pas mon cas. »
L’association va faire appel de la décision et a annoncé qu’elle changera d’avocat.
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