Que nous enseigne fondamentalement l’Hégire ? Le sens de la liberté de conscience et du droit à proclamer la vérité. Un billet signé Fouad Bahri.
En cette nouvelle année 1443, les musulmans devraient se souvenir que l’Hégire marque l’exil du Prophète (PBDSL) consécutif à la persécution religieuse qu’il subit. Ce seul enseignement hégirien, parmi d’autres, devrait faire de la tolérance religieuse une valeur cardinale du monde musulman. Nous savons que ce n’est malheureusement pas (plus) le cas.
La thématique de la liberté de conscience religieuse implique trois niveaux à ne jamais confondre : 1) Le régime de vérité, relatif aux discussions réservés en premier lieu aux sachants, aux maîtres des doctrines gnostiques, religieuses et métaphysiques, à ceux qui sont versés et initiés dans la connaissance des Ecritures, discussions sur ce qu’est la juste et bonne croyance. 2) Le régime de liberté propre à chaque individu. 3) Le régime législatif et social qui concerne la réalité législative d’une nation en matière religieuse, fruit de son histoire.
Aborder la question de la liberté de conscience en ignorant ou confondant l’une de ces trois étapes mène à une aporie. La tolérance n’est pas dans l’adhésion à n’importe quel régime de croyance au prétexte de la liberté. La tolérance est de respecter le droit pour un individu de choisir sa voie, quelque soit son choix. Encore faut-il qu’il en ait un. En France, la liberté de conscience dans sa dimension publique a été abolie à travers les développements idéologiques et politiques de la laïcité française. Pour qu’il y ait liberté de conscience, il faut qu’il ait choix et respect public de ce choix. La vérité doit toujours laisser aux autres un chemin qui mène jusqu’à elle.
Vérité, liberté, équité : la juste hiérarchie
La difficulté est de trouver une solution sociale et juridique qui garantissent un équilibre social tout en préservant une équité individuelle. Les sociétés majoritairement religieuses ou athées placent naturellement le régime de « leur vérité » au dessus du régime de liberté, avec parfois des exceptions et des modèles hybrides.
C’est au niveau du choix et du modèle de hiérarchisation des trois régimes que la différence s’accomplira. Pour notre part, la vérité doit prédominer sans s’imposer sinon naturellement, en comprenant que cette vérité ne se dévoile et ne s’accomplit pas seulement sous ses aspects théoriques et doctrinaux, mais qu’elle se vit et se manifeste prioritairement dans ses attitudes, ses comportements, ses vertus, sa vitalité spirituelle, etc. Elle se vit avant de se proclamer.
L’Hégire nous enseigne enfin que ce droit à vivre librement sous le régime de la vérité n’est jamais concédé par ses opposants. Il ne s’obtient qu’au terme d’un combat. La valeur la plus haute de la vie exige de nous le plus grand des sacrifices comme preuve de notre adhésion sincère à elle et cette preuve est la lutte acharnée qu’il nous faut mener pour que le Droit, qui n’est que l’autre nom de la Vérité, puisse toujours triompher.
Fouad Bahri