La lecture du Coran est parfois déroutante et ses signes insaisissables. Khalid Jebari nous en livre un témoignage dans un court billet publié par la rédaction de Mizane.info.
Argumenter par le Coran est un exercice subtil, exigent, périlleux, tant et si bien qu’il arrive très souvent, trop souvent, qu’un verset soit proposé comme une preuve, une évidence, là où la seule évidence qui soit était celle du sens que lui prêtait son interprète. Et ce procédé devient même dangereux dès lors qu’on sectionne le texte, pour en extraire un morceau, l’amputant du reste du texte, pour finir par lui faire dire ce qu’il ne disait pas.
Il y a ce que dit littéralement un texte, ce qu’il a voulu dire, ce qu’on lui fait dire, et tout ce qu’on lui sous entend arbitrairement. Et la moindre des précautions consiste à suspendre toute affirmation pour présenter une interprétation pour ce qu’elle est, une possible explication parmi d’autres.
Le discours coranique a ceci de tranchant qu’il vous renvoie inexorablement aux tréfonds de votre conscience. Le destin des uns et des autres y est figé dans l’éternité, et suspendu au sens qu’ils donneront jour après jour et en fin de compte à chacun de leurs actes.
Et puis, presque caché dans un coin du Livre, trouve t’on enveloppée… une perle, une subtile et puissante étincelle, une lueur dans la nuit, une délicate note d’espoir, au delà de toute intransigeance, suspendue à la Miséricorde du Ciel, loin de toutes considérations humaines, comme pour mieux réduire au silence les juges, les témoins et tous ceux qui pensaient savoir, pour rendre au Ciel l’absolu pouvoir du jugement. Et brandissant pourtant une nouvelle fois la menace du supplice, éternel, le texte d’ajouter :
« … à moins que ton Seigneur en décide autrement. Ton Seigneur fait en réalité ce qu’Il veut. » S11V106
Et l’histoire ne s’arrête pas là. Comme s’il ne suffisait pas, pour ébranler les représentations des uns et des autres, de suspendre le jugement, voilà de quoi troubler définitivement tous ceux qui se confortent dans l’une des catégories de la foi. Et cette fois, c’est à eux qu’Il s’adresse, renouvelant pourtant la promesse des délices, éternels, sauf que … »… à moins que Ton Seigneur n’en décide autrement. » Ce qui semblait si évident est donc une nouvelle fois remis en question, à la différence notoire qu’Il y a cette fois une suite, une précision majeure : » C’est en réalité là un don voué à ne jamais s’interrompre. »
Une tournure rhétorique qui renvoie chacun à lui même, et en lui même à la réalité de ce qui lui échappe. Aussi vrai qu’il y a une justice et que le supplice sanctionnera quiconque s’obstine dans l’injustice, autant est il possible que tout tourment cesse par Sa volonté, et autant Sa volonté, dans la liberté absolue qu’Il a d’en disposer, se consacre t’elle à honorer cette promesse de la jouissance éternelle…
فَأَمَّا الَّذِينَ شَقُوا فَفِي النَّارِ لَهُمْ فِيهَا زَفِيرٌ وَشَهِيقٌ ۞ خَالِدِينَ فِيهَا مَا دَامَتِ السَّمَاوَاتُ وَالْأَرْضُ إِلَّا مَا شَاءَ رَبُّكَ إِنَّ رَبَّكَ فَعَّالٌ لِّمَا يُرِيدُ ۞ وَأَمَّا الَّذِينَ سُعِدُوا فَفِي الْجَنَّةِ خَالِدِينَ فِيهَا مَا دَامَتِ السَّمَاوَاتُ وَالْأَرْضُ إِلَّا مَا شَاءَ رَبُّكَ ۖ ۞ عَطَاءً غَيْرَ مَجْذُوذٍ ۞
Un casse tête pour les exégètes de tous temps qui se répandent en spéculations et dont le seul consensus a consisté finalement à admettre leur incapacité à affirmer quoi que ce soit, les obligeant à remettre les clés du jugement à Son légitime et unique propriétaire, li-machii’ati Llah, Seul à décider de ce qui est et de ce qui sera.
Khalid Jebari
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