Carré musulman au cimetière de Vichy.
L’ignorance de la religion atteint des proportions alarmantes en France. C’est ainsi qu’un élu de Savoie a saisi le Conseil d’état pour qu’il statue sur le caractère séparatiste ou non des carrés confessionnels musulmans dans les cimetières. Une situation inquiétante qu’il convient de clarifier. Vanessa C nous détaille sur Mizane.info les grandes lignes de ce qu’il faut savoir sur les carrés musulmans et en quel sens ils incarnent l’intégration du culte musulman en France.
Depuis la demande incongrue d’un ancien élu de Savoie au conseil d’État de statuer sur les carrés musulmans[1], en amalgamant cette convention pourtant largement admise sur l’ensemble du territoire français avec du séparatisme religieux, des craintes de voir les carrés musulmans disparaître se sont élevées[2].
Pourtant, ce fait religieux des carrés musulmans est au contraire l’exemple d’une relation réussie entre pouvoirs publics et responsables du culte musulman en France. En effet partout sur le territoire, la concertation entre mairies et associations gérantes de lieux de culte ou professionnels du monde funéraire a pu aboutir à la mise en place de quelques centaines de carrés musulmans (le chiffre exact est difficile à déterminer, environ 300).
Des nouveaux carrés musulmans ou des extensions ont été inaugurés dans plusieurs villes récemment (Narbonne, Bourg en Bresse…), et des projets de carrés musulmans sont prévus dans des villes où il n’en existe pas encore (Saint Denis, accord de principe à Villeneuve Saint Georges…).
Avec la période du Covid et les drames de corps en attente, comme dans des entrepôts de Rungis, ne trouvant pas de place pour une sépulture, plusieurs responsables religieux et des associations du monde funéraire comme Tahara ont interpelé les autorités sur le manque de places disponibles dans les carrés musulmans. Ces demandes ont pu aboutir à la création de nouvelles places ou de nouveaux carrés.
Lors des ATIF (Assises Territoriales de l’Islam de France), ces instances de dialogues entre les préfectures et les responsables du culte dans un ensemble de départements français, la question des carrés musulmans a pu donner lieu ici ou là à des ateliers spécifiques, certaines préfectures délivrant une liste actualisée des carrés musulmans de leur département.
Que dit la loi sur les carrés confessionnels ?
Il n’existe pas d’obligation juridique concernant les carrés confessionnels dans les cimetières publics, mais un droit à une sépulture est reconnu à chaque citoyen en France. L’article L. 2223-3 du CGCT prévoit quatre catégories de personne disposant d’un droit à obtenir une sépulture dans le cimetière de la commune :
1-Le défunt est décédé sur le territoire de la commune ;
2-Le défunt est décédé ailleurs mais était domicilié sur la commune ;
3-Le défunt n’était pas domicilié sur la commune mais disposait d’un droit de sépulture ;
4-Le défunt était inscrit sur la liste électorale de la commune.
Dans les autres cas, la décision de délivrer l’autorisation d’inhumation revient au maire de la commune.
Aujourd’hui il est impératif de préserver les carrés musulmans comme exemple réussi d’une pratique musulmane normalisée dans la société française, fruit d’une bonne entente entre des mairies, des préfectures, et des responsables d’associations cultuelles et s’ensuit des fidèles.
Si disposer d’un carré confessionnel pour chaque confession des citoyens n’est pas garanti par la loi, un équilibre est cependant respecté dans les faits entre le principe de neutralité des cimetières posé par la loi (14/11/1881, 05/04/1884, 15/11/1887 et 09/12/1905 et article L. 2213-9 du CGCT) et le respect des rites cultuels.
Un atelier d’ATIF donne la réponse suivante au sujet de cette conciliation : « Pour le culte musulman, la question posée est celle de l’orientation particulière des tombes, le corps du défunt devant être allongé en direction La Mecque. Si l’espace n’était pas rare, le principe de neutralité conduirait à la juxtaposition des tombes. Mais la rareté de l’espace conduit à aligner les tombes ce qui crée la question des « carrés religieux ». Il ne s’agit pas de regrouper les défunts en fonction de leur religion, mais de répondre de manière pragmatique à la nécessité d’orienter les tombes dans le même sens. »
Une politique d’équilibre et de conciliation qui prévaut jusqu’à présent
Aujourd’hui il est impératif de préserver les carrés musulmans comme exemple réussi d’une pratique musulmane normalisée dans la société française, fruit d’une bonne entente entre des mairies, des préfectures, et des responsables d’associations cultuelles et s’ensuit des fidèles.
Cette politique, de partenariat entre les acteurs locaux, permettant de concilier les rites religieux et la réglementation, a trouvé récemment son expression nationale dans le FORIF (FORum de l’Islam de France)[3], cette nouvelle instance représentative de dialogue entre les pouvoirs publics et le Culte musulman, discutant et trouvant des solutions sur des sujets d’intérêt national. Cette ligne politique considérant les citoyens de confession musulmane comme des citoyens à part entière, déterminant les meilleures solutions pour l’expression de leur culte dans l’apaisement social et le respect de la réglementation, représente l’avenir pour notre pays.
Ainsi, le gouvernement et les plus hautes institutions françaises comme le Conseil d’État devrait envoyer un signal positif fort au sujet des carrés musulmans. Le signal de leur légitimité comme un symbole, le signal de l’espoir et du sérieux de cette nouvelle structuration du culte musulman qui ne demande qu’à s’organiser davantage, et que l’apaisement des craintes et des crispations de part et d’autres lorsqu’elles surgissent est la voie du salut pour notre société.
Vanessa C
Notes :
[1]https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-conseil-d-etat-se-penche-sur-les-carres-musulmans-dans-les-cimetieres-20220617
[2]Communication du média alternatif Aj+ intitulée « Les carrés musulmans bientôt interdits en France?https://twitter.com/ajplusfrancais/status/1539589959686004737
[3]https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/forum-de-lislam-de-france-etape-nouvelle-dans-dialogue-entre-pouvoirs