Nous ne sommes jamais tout à fait les mêmes selon les circonstances de notre vie sociale. « Si nous sommes des êtres uniques, nos personnalités sont multiples en fonction des fréquentations », écrit à ce sujet Daniel-Youssouf Leclercq sur Mizane.info.
Il y a près de cinquante ans, après ma conversion à l’Islam, je me suis précipité avec avidité pour acquérir tous les livres qui traitaient du sujet. Heureusement, il y avait à l’époque bien moins de littérature islamique qu’aujourd’hui sinon je me serais ruiné, sans pour autant devenir plus intelligent.
Lecteur paresseux depuis ma plus tendre enfance, j’avoue n’avoir pas lu les trois quarts de ces bouquins et à plus forte raison quand je suis moi-même devenu « écrivain » – comme cette appellation me semble prétentieuse – afin de ne pas être influencé par leur style et de ne pas les plagier inconsciemment. Cette déficience cassera sans doute mon image auprès de ceux qui m’idéalisaient en grand intellectuel, mais c’est en toute honnêteté que je la reconnais.
Pour être honnête donc, j’admets avoir survolé certains de ces ouvrages dont certaines idées me sont restées, lesquelles ressurgissent çà et là dans ma tête et sous ma plume après des années, DIEU sait pourquoi.
Le passage de l’être à la personne
En particulier, je me souviens des écrits du philosophe marocain Mohamed Aziz Lahbabi,[1] « De l’être à la personne » et « Le personnalisme musulman ». J’avoue n’avoir quasiment rien compris à ses démonstrations, trop profondes pour mon petit cerveau (de l’époque ?), à part une ou deux notions qui ont survécu et sur lesquelles je me suis remis à cogiter récemment.
Je vais donc tenter une grande première : philosopher comme les grands avec mes petites facultés. Ladite réflexion sera donc à prendre au second degré, comme une distraction intellectuelle et pas plus, comme d’hab.
En gros si j’ai bien saisi, ou alors très mal compris, le Docteur Lahbabi décrivait l’homme, l’humain plutôt, sous deux formes : l’être et la personne, « l’être » étant le vrai moi, celui que nous laissons s’épanouir naturellement quand nous sommes seuls ou avec les très proches, et « la personne » étant le ou les personnages que nous incarnons en société pour nous faire apprécier ou obtenir gain de cause, à la limite de l’hypocrisie.
Je sais, le terme est fort mais c’est celui qui me semble le mieux expliciter cette inclination de l’espèce humaine à paraître, à interpréter et à figurer. En schématisant, si nous sommes des êtres uniques, nos personnalités sont multiples en fonction des fréquentations.
Nos comportements diffèrent selon qu’on est en famille ou en collectivité, avec ceux du sexe opposé, lors d’un entretien d’embauche ou après avoir signé le contrat de travail, avec son patron au boulot ou avec ses collègues de travail, lors d’un contrôle policier ou d’un dépôt de plainte, etc…
Qu’on l’admette ou pas, en dehors de la petite enfance où on n’a pas encore de soucis de figuration ou de la grande vieillesse où on n’en a plus, et aussi lorsqu’on est très malade, nous cachons nos sentiments la plupart du temps, notre vraie nature, nos faiblesses, nos défauts et surtout nos vices. Nous redoutons leurs conséquences et leur exploitation négative, et c’est assez normal. Nous nous appliquons à faire bonne figure même à ceux que nous n’apprécions pas, par politesse ou par intérêt.
Par ailleurs, nous nous protégeons physiquement et moralement de ceux qui pourraient profiter de nos défaillances pour nous évincer, pour nous discréditer voire nous détruire. Mais entre se cuirasser pour se préserver et endosser des rôles et des vêtements trop grands pour fanfaronner en société, où est le juste milieu ?
Notre devoir de sincérité
Il y a ceux qui ont de réelles capacités et les charlatans qui prétendent les posséder en essayant d’en persuader autrui, en se prenant au sérieux, en jouant aux stars, aux surhommes, aux super-héros ou encore aux savants ou aux pieux personnages. Ils ne font pas illusion très longtemps auprès d’un entourage direct qui est loin d’être dupe, car le vrai se distingue facilement et rapidement du faux.[2]
Instinctivement, nous cataloguons les gens en fonction de leur attitude, de leur façon de s’apprêter et de se coiffer (de façon plus ou moins extravagante), de s’habiller (de manière plus ou moins bienséante) et de se comporter (d’allure plus ou moins naturelle ou affectée). La première impression détermine grandement et irréversiblement les échanges à venir, positifs ou négatifs.
La rétribution de nos actions dépendant des intentions qui les auront motivées,[3] nos échanges avec les tiers ont intérêt à être les plus francs et loyaux possibles.
Pour établir durablement de saines relations, rien n’égale la vérité et la sincérité qui transpirent chez tout un chacun, autant que leurs antonymes, l’hypocrisie et le mensonge, lesquels pervertissent les rapports entre les individus et mènent à la perdition.[4] Mais trêve de bavardage et de « philosophie », car on finit par ne plus savoir où ces réflexions vont nous mener et si elles seront un tant soit peu profitables. InchaALLAH !
Daniel-Youssouf Leclercq
Notes :
[1] Mohamed Aziz Lahbabi — Wikipédia (wikipedia.org)
[2] « Le droit (la Vérité, l’Islam) s’en est venu, et le faux s’en est allé. Oui, le faux c’est ce qui s’en va. » (Coran 17 :81).
[3] « Les actions ne valent que par les intentions.» (Sahih Al-Boukhary 1/1).
[4] « La Vérité conduit à la piété et la piété mène au Paradis. Un homme va, disant toujours la vérité, jusqu’à ce qu’il mérite le nom de « très véridique ». Le mensonge mène à l’impiété et l’impiété conduit au feu (de l’Enfer). Un homme va, disant toujours le mensonge, jusqu’à ce qu’il soit inscrit auprès de DIEU comme un grand menteur. » (Sahih Al-Boukhary 78/69).