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samedi 23 novembre 2024

L’exil, une notion centrale dans l’islam

hijra

Romancier, auteur de « Insoumission », Ryna Monaca aborde la question centrale de l’exil et l’émigration pour Dieu, la hijra, notion centrale en islam et qui a déterminé le destin de la troisième religion monothéiste. Mizane.info publie l’un de ses textes. 

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A sa naissance, l’Islam bouleversa l’ensemble des concepts sociétaux éculés de son époque. La culture, les principes, les us et coutumes… en somme, la vie des habitants de La Mecque d’abord, puis de l’Arabie ensuite, en fut modifiée fondamentalement ; une vie qui était basée essentiellement sur les notions d’idolâtrie, de castes, de hiérarchisations des individus, d’esclavage, d’injustice sociale, de négation des femmes. La révolution apportée par la nouvelle religion tant dans les croyances d’un autre temps, que dans les mœurs dissolues et l’iniquité sociale, toucha manifestement et de plein fouet les intérêts de la caste sacerdotale dominante et puissante de la ville, les Benu Qoraysh. Celle-ci se voyant menacée, réagit de manière primaire usant de brutalité et abusant d’oppression, de tortures et de meurtres, envers les nouveaux convertis. Ce régime de terreur obligea les croyants à trouver asile sous d’autres cieux. C’est pourquoi, le nouveau mouvement religieux chercha refuge : la première fois en Abyssinie, chez le Négus. La seconde fois, à Yathrib (qui s’appellera Médine) dans laquelle Muhammad, lui-même fut contraint de faire la « hijra » (exil).

Emigration, exil, rupture

« Que pensez-vous d’émigrer vers la terre d’Éthiopie car il y a là un roi auprès de qui personne n’est lésé et l’Éthiopie est une terre amie, jusqu’à ce que Dieu vous délivre de votre tourment ? »[1] C’est ainsi que Muhammad exhorta ses disciples à émigrer vers l’Abyssinie.
Le groupe, constitué d’une dizaine de personnes, au départ, dont Uthman ibn ‘Affan qui sera le troisième calife orthodoxe, sera reçu par le Négus. Toutefois, l’Éthiopie étant un centre commercial pour Qoraysh, celle-ci déléguera deux émissaires qui tenteront d’infléchir le roi en corrompant ses généraux et en calomniant les musulmans sur la naissance de Jésus. Mais lorsque Jafar ibn Abi Taleb récitera le verset coranique dédié à Marie et aux miracles de Jésus le Négus en pleurera et refusera de remettre les prisonniers aux Qorayshites. « Je jure, lancera-t-il comme un avertissement aux émissaires, que ce que tu as dit n’a pas dépassé la vérité sur Jésus fils de Marie d’une longueur plus grande que cette baguette »[2]. Les réfugiés bénéficièrent du droit d’asile et de la protection totale et intégrale du roi d’Éthiopie.

La seconde émigration à Médine

Après le camouflet du Négus, Qoraysh, sachant que le comptoir commercial éthiopien lui échapperait inévitablement, exacerba ses pressions sur les musulmans et s’en prit cette fois à Muhammad, lui-même, lorsque l’oncle, tuteur, protecteur du Prophète et Grand Régisseur de La Mecque, Abu Talib, mourut.

La demande d’asile en Abyssinie permit de faire connaître au monde chrétien l’émergence d’une nouvelle religion monothéiste qui ne se différenciait pas beaucoup de ses croyances, et lui rappelait les persécutions qu’il connut lui-même. Comme elle permit de priver les polythéistes d’un comptoir commercial important. Cette double action politique et économique eut un impact sérieux dans l’histoire de l’Islam.

Ne pouvant négocier l’entrée de son Dieu au panthéon, ne pouvant le convaincre d’apostasier sa nouvelle religion, les Benu Qoraysh décidèrent d’assassiner le Prophète. Ils tentèrent une action qui échoua piteusement. C’est alors qu’il reçut l’ordre divin de quitter La Mecque pour Yathrib. Cet événement important eut lieu le 16 juillet 622 et s’appellera « Hégire ». hijra

Il marquera le début du calendrier musulman. Muhammad, accompagné de son ami Abu Bakr Essediq, échappera de justesse à la poursuite des Qorayshites et entrera à Yathrib, avec la bénédiction de sa population. La ville, dès lors deviendra Medinat en nabi (la ville du Prophète) rendu en Médine. Ce lieu historique vit s’édifier, appelé « Constitution de Médine », le premier pacte de protection des minorités religieuses et notamment des Juifs contrairement aux assertions. Il vit aussi s’établir les règles de la guerre chevaleresque (éviction des populations civiles, traitement humain des prisonniers, etc.).  Il fut, encore, le point de départ de l’extension musulmane, l’endroit où se construisit la première mosquée et celui où le Prophète mourut et fut enterré.

Quel fut l’impact des émigrations musulmanes ?

La demande d’asile en Abyssinie permit de faire connaître au monde chrétien l’émergence d’une nouvelle religion monothéiste qui ne se différenciait pas beaucoup de ses croyances, et lui rappelait les persécutions qu’il connut lui-même. Comme elle permit de priver les polythéistes d’un comptoir commercial important. Cette double action politique et économique eut un impact sérieux dans l’histoire de l’Islam. L’Hégire de Muhammad à Yathrib permit de recentrer les enjeux géostratégiques, d’excentrer le lieu d’influence, d’organiser la défense des musulmans et d’étendre la foi à d’autres provinces.

Ryna Monaca

[1] Ibn Ishaq. Muhammed. Tome I. Ed. AlBouraq. 2001. p.250.

[2] Ibn Ishaq. p.264.

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