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vendredi 22 novembre 2024

De Benalla à Ben Ali, les troublantes analogies d’Emmanuel Macron

Gianguglielmo Lozato est professeur d’italien auprès de L’ENSG et de l’international Paris School of Business, et chroniqueur. Dans un texte associant ironie mordante, anticipation politique et analogie dantesque, l’auteur se risque à une comparaison qui en fera bondir plus d’un de sa chaise. Et si Macron revivait… le Printemps tunisien ?

Un audit provenant de l’extérieur peut tout à fait se révéler plus efficace qu’une concertation générale en interne bousculant les egos.

Le Président de la République Française Emmanuel Macron paraît plus adepte de la communication que de l’autocritique en cette période ‘’ jaunâtre ‘’ de son quinquennat. Un homme pressé ne semblant pas prendre le temps d’observer l’Histoire et ses mises en garde.

Depuis ses dernières élections présidentielles, la France se trouvait en marche. Cependant il s’agit d’une démarche boiteuse depuis quelques mois. L’apparition des gilets jaunes n’arrangeant rien.

Alors que Emmanuel Macron perd de plus en plus l’équilibre sur sa béquille aussi vacillante que son indice de popularité, un événement revient à l’esprit directement et indirectement. Celui du déclenchement de la révolution tunisienne. Par la date anniversaire. Par les tous derniers évènements survenus à Kasserine.

De trompeurs points discordants

Tout naturellement, l’ensemble des opinionistes mettront en avant que Tunisie et France sont en tous points opposées puisqu’appartenant à deux continents distincts. Bien sûr les religions respectives dominantes diffèrent. Ce n’est point récent.

Ce qui fait la recette de bien des discours des théoriciens politicards aux idéologues populistes. Quoi d’autre encore ? Ah oui. La France est le pays des droits de l’homme. Une démocratie incontestable. Destinée à servir de modèle.

Enfin la France fait partie du club huppé des pays développés influents. Bien qu’en perte de vitesse, le modèle hexagonal a fait rêver plus d’un interlocuteur basé sur le continent africain.

Une assise culturelle (pensons entre autres à Senghor, écrivain de langue française natif de l’Afrique Subsaharienne ; pensons au marocain Tahar Ben Jelloun dans le même registre) associée à une forte assise économique.

Cette dernière symboliquement matérialisée par l’usage de la devise Franc CFA et par la civilisation parallèle de la Françafrique. Ces temps-là sont en passe de se retrouver révolus.

De dangereux points concordants

Le danger se révèle d’autant plus grand lorsque l’on ne s’attend ni à sa venue ni à son ampleur.

Certains points de concordance entre la fin de la présidence benaliste et la tempête macronienne font dangereusement présager une imminence. Benali avait été pressenti comme un novateur en déposant le vieillissant Bourguiba ?

Quelques décennies plus tard, Macron a immédiatement tiré profit d’une image à la fois de gendre idéal, de jeune prometteur et de dauphin institutionnel pour préparer la succession d’ un François Hollande chancelant alors qu’il se trouvait encore en exercice.

Benali avait été créé son propre parti le RCD, avait triomphé des bourguibistes de manière théâtrale lors du coup d’état du 7 novembre 1987 ? Macron a créé son propre mouvement LaRem, en imposant le style jupitérien dès son intronisation extrêmement théâtralisée, bien plus exagérée que l’image de l’hyperprésident de l’ère Sarkozy.

Outre la forme et le fond, des coïncidences troublantes confirment des signes annonciateurs de la disqualification de l’actuel président français. Très sûrs d’eux, les deux leaders ne souffrent pas la moindre critique. Il est évident que les proportions de la censure de Zine el Abidine Benali sont incomparables avec ce qui se passe sur l’échiquier hexagonal.

Néanmoins la liberté d’expression commence à se faire malmené. Avec la garde à vue d’un co-créateur du mouvement gilets jaunes. Puis l’avertissement par sa hiérarchie d’une enseignante affiliée au Rectorat de Dijon, coupable d’avoir formulé par écrit des critiques jugées inconvenantes vis-à-vis de l’actuel chef de l’état bleu blanc rouge.

Ajoutez à cela un rapport à l’image caricatural chez les deux chefs d’état. Une image dynamique (parfois à l’aide de clichés de ses footings matinaux) à l’américaine chez le nord-africain. Une communication de commercial chez l’européen. Donc une communication centrée à l’excès sur le dirigeant.

Une communication moderne à double-tranchant qui avait conduit Benali à sa perte suite aux appels sur les réseaux sociaux. Un filon technologique exploité de main de maître par les gilets jaunes.

Le fusible Benalla

Autre point commun entre les deux hommes : des conjointes ne faisant pas l’unanimité et le clientélisme. Ce dernier point est à analyser tout particulièrement. Dans le cas de Z. Benali, il s’agit d’un clan familial défini comme mafieux par certains spécialistes (famille, belle-famille Trabelsi, passe-droits pour l’homme d’affaires Slim Chiboub…).

Dans le cas de E. Macron, il s’agit évidemment de l’affaire Alexandre Benalla. Le plus dur restant à venir, le problème économique croissant s’ajoutant.

Indice Big Mac et indice couscous

En Tunisie comme en France, c’est la classe moyenne qui est la plus exposée. Une catégorie mise à mal année après année. Avec des difficultés persistantes pour s’élever, à l’image du Livret A bloqué à 0,25% jusqu’au 31/02/2020, un nouvel handicap parmi tant d’autres.

Ses contributeurs salariés constituent des piliers se fissurant sous la voûte écrasante des taxes et de la spirale inflationniste (élevée à 2, 2 % en octobre dernier). Une classe moyenne qui avait fait les beaux jours de Benali en Tunisie. Puis qui lui a fait volte-face une fois entamée l’entrée dans la crise économique mondiale sévissant depuis 2008.

La mode du dégagisme inondant désormais les pensées depuis le Printemps Arabe devrait faire prendre le temps – s’il en reste suffisamment ? – à l’actuel président français pour réfléchir en toute humilité.

Autre variable d’ajustement alarmante : le chômage des jeunes. Des chiffres alarmants dans les deux contrées (environ 20% en France). Avec un sentiment d’injustice chez les plus diplômés. Bien entendu les défenseurs du « tout est relatif » pourront toujours rétorquer à coup D’IDH.

Toutefois les instruments de mesure ne s’adaptent pas à toutes les situations en ce sens que besoins et aspirations ne concordent pas toujours d’une nation à une autre. La preuve par l’indice Big Mac.

En effet, certains endroits du monde établissent la liste de leurs besoins en fonction non pas du hamburger mais de la prise de café, la consommation d’une pinte de bière, le prix du pain ou encore la ration de mafé ou de couscous.

Le feu couve sous la braise

Un climat insurrectionnel porté essentiellement par la perte de pouvoir d’achat va en s’accentuant avec le phénomène des gilets jaunes. Rien à voir avec le Front Populaire de 1936 car à ce moment-là, au nom des accords de Matignon, le peuple n’a finalement pas voulu anéantir le système.

Cette fois, aux ouvriers parfois endimanchés des clichés de 36 ont succédé des citoyens plus variés, des combattants jaunes beaucoup plus impulsifs jusqu’à se montrer incendiaires. Un aspect des choses rappelant l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi il y a sept ans, pour faire table rase du passé.

En Marche vers où ?

La mode du dégagisme inondant désormais les pensées depuis le Printemps Arabe devrait faire prendre le temps – s’il en reste suffisamment ? – à l’actuel président français pour réfléchir en toute humilité. Une des spécificités de l’électorat français est qu’il compte parmi ses électeurs un nombre substantiel de votants d’origine maghrébine.

Potentiellement influencés par la Révolution du Jasmin qui a soufflé sur les terres de leurs racines ancestrales. Un indice que E. Macron aurait intérêt à ne pas négliger. Un flou total loin d’être un flou artistique nous fait réaliser que la situation hexagonale demeure critique. Une instabilité qui trouve ses fondements sur un malentendu.

L’électorat français voulait du changement. Il a confondu changement et chamboulement. La République en Marche est un parti difficilement localisable dans le paysage des tendances politiques. Tout comme c’était le cas pour le RCD.

Un parti fourre-tout à l’image d’une autre formation politique attrape-tout basé dans la vie politicienne irakienne et dont le nom en arabe (sayiroun) se traduit par…. En Marche !! Dans un Irak voué au chaos. Bourguiba /Benali, Hollande /Macron. Un jeu chronophage de chaises musicales.

Gianguglielmo Lozato

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