Imam et écrivain, auteur de « Islam, science et société« , Ahmad Kanté répond sur Mizane.info aux allégations fausses ou infondés tenus sur le Prophète Muhammad (PBDSL) dans Le Monde des religions par Jacqueline Chabbi. Un texte en deux parties.
Jacqueline Chabbi est agrégée d’arabe, professeure émérite des universités, spécialiste des origines de l’islam. Elle est en particulier l’auteure de : Le Seigneur des tribus. L’islam de Mahomet (rééd. CNRS Editions, 2013), Les Trois piliers de l’islam. Lecture anthropologique du Coran (Seuil, 2016), On a perdu Adam. La création dans le Coran (Seuil, 2019).
Le magazine « Le monde des religions a fait paraitre un entretien réalisé par Virginie Larousse, le dimanche 7 juin 20201, avec Jacqueline Chabbi agrégée d’arabe, professeure émérite des universités, spécialiste des origines de l’islam. Dans les lignes qui suivent, nous avons jugé nécessaire d’émettre des observations brèves certes mais qui remettent en cause des réponses subversives et erronées, à notre avis, que la professeure Jacqueline Chabbi donne à certaines questions. A cette fin, nous reproduisons in extenso, les questions posées par la journaliste et les réponses apportées par la professeure. Puis, nous mentionnons nos observations qui sont autant de réfutations sur ce qui nous semble poser problème dans les réponses de la professeure Chabbi.
Question : Quels sont les éléments de la biographie de Mahomet que nous connaissons avec certitude ?
Réponse :
Jacqueline Chaabi : Il faut ramener Mahomet à son statut d’homme de tribu. On sait qu’il est mecquois puisqu’il faisait partie de la tribu des Qoraychites qui résidait dans la ville. La Mecque était de longue date un site sacralisé du fait qu’on y avait trouvé un point d’eau qui ne tarissait pas. Un culte saisonnier faisait circuit – comme aujourd’hui – autour des pierres sacrées (les bétyles) portées par les murs de la Kaaba. Abraham, que le Coran institue comme fondateur de la Kaaba (2, 127), en marge du conflit avec les juifs médinois, n’y est évidemment pour rien. Au sein de sa tribu, Mahomet souffrait d’un double handicap : orphelin de père, ce qui était très gênant dans ce type de société, il est épousé (et non l’inverse !) par Khadija, une femme deux fois veuve et de vingt ans son aînée. De plus, bien qu’il ait eu des fils avec cette épouse, tous meurent en bas âge. Or, ne pas avoir de descendants masculins, en Arabie, était perçu comme une véritable tare. Cela explique l’insulte lancée contre lui à La Mecque quand il est traité de « châtré » (Coran 108, 3). Par conséquent, son statut n’a rien à voir avec ce que décrit l’histoire sacrée, qui le présente comme un homme respecté de tous. Dans sa tribu, la parole de Mahomet n’est écoutée par personne, pas même par ses oncles. Il finit par être banni de son clan et doit quitter la ville.
Observation
La professeure nous dit que «La Mecque était de longue date un site sacralisé du fait qu’on y avait trouvé un point d’eau qui ne tarissait pas» ! On peut remarquer une affirmation arbitraire qui consiste à lier la sacralisation de la Mecque à un point d’eau et vise en filigrane, à écarter tout lien avec l’édification de la Kaaba par Abraham et Ismaël (paix sur eux), (Coran, 2 : 127).
La professeure Jacqueline Chaabi choisit de faire croire que c’est le point d’eau qui ne tarissait pas, sans en dire plus de ce miracle, et des pierres portées (bétyles) par la Kaaba qui constituent le fondement du pèlerinage antique accompli dans cette localité. D’où on déduit que le Hajj résulte d’une islamisation du culte de ces bétyles !
Cela fait trop court et obscur car il en faudrait plus pour nous expliquer par exemple le lien entre ces bétyles et la Kaaba. Laquelle a précédé l’autre ou sont-elles contemporaines, que fait la Kaaba dans cette localité et pourquoi les bétyles sont-elles portées par ses murs, etc. ? Il n’est pas facile d’évincer la Kaaba comme édifice cultuel fondé par Abraham avec l’aide de son fils Ismaël (paix sur eux).
La professeure poursuit : « Abraham, que le Coran institue comme fondateur de la Kaaba (2, 127), en marge du conflit avec les juifs médinois, n’y est évidemment pour rien. » ! Où sont les évidences qui rendraient si « évidente » cette assertion selon laquelle Abraham (paix sur lui) n’est pour rien dans la fondation de la Kaaba ? Pourquoi vouloir écarter d’un revers de main ce que le Coran dit sur le rôle qu’Abraham (et son fils Ismaël – paix sur eux) a eu dans l’édification de la Kaaba de façon aussi lapidaire et sans le moindre début de démonstration ?
En quoi l’existence d’un culte saisonnier autour de la Kaaba est-il incompatible avec l’énoncé coranique selon lequel Abraham a été le fondateur ou le refondateur de la Kaaba, si on tient compte de la thèse selon laquelle cet édifice cultuel a été fondé depuis Adam (paix sur lui). Où sont les évidences, les preuves de la fausseté de ce que dit le Coran à ce sujet ?
Ou faudrait-il se limiter à un argument d’autorité « C’est la professeure Jacqueline Chabbi qui l’a dit ! »
De plus, il faut noter que le Hajj n’est pas du tout un culte saisonnier car son temps légal d’accomplissement peut advenir à n’importe quelle saison si l’on sait que le calendrier musulman repose sur le cycle lunaire !
Selon la littérature musulmane, ce point d’eau qui ne tarit pas est le résultat du miracle que Dieu a accompli pour soulager Agar et son nourrisson Ismaël (paix sur eux) en proie à la soif après qu’Abraham les a laissés dans ce lieu désertique, (Coran, 14 : 35-37. C’est alors que des membres d’une tribu arabe Banù Jurhùm arrive sur les lieux et finit par y résider vu les avantages que ce point d’eau « Zam Zam » présentait dans ce milieu désertique.
C’est ainsi qu’Ismaël (paix sur lui) va tout naturellement parler la langue arabe de cette tribu. C’est ainsi qu’il est considéré comme étant l’ancêtre des arabes de la tribu des Quraychites à laquelle appartient Muhammad (saws). Abraham (paix sur lui) reviendra à cet endroit plus tard y édifier ou refonder la Kaaba après que Dieu lui a indiqué l’endroit exact où il devait le faire. (Coran, 22 : 26).
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Ensuite Dieu ordonne à Abraham de faire l’appel au Hajj pour toute l’humanité après lui avoir indiqué le rituel à faire en rapport avec la Kaaba et le trajet qu’avait emprunté Agar à la recherche d’eau.
On voit bien que l’idée implicite de la professeure Chabbi est de faire croire que c’est pour donner une place de choix à la figure d’Abraham (paix sur lui) que les juifs de Médine présentaient comme leur patriarche dans la foi et l’Alliance avec le Dieu unique, que le Coran aurait fait de lui le fondateur de la Kaaba.
Présentée comme une hypothèse, cette idée ne poserait pas de problème car ce serait à la recherche de la confirmer ou non. Par contre, affirmer qu’Abraham « n’y est évidemment pour rien » sans rien démontrer relève d’une démarche qui n’a rien de scientifique. Donc, il faudra expliquer la pertinence de cette « astuce » par laquelle le Coran chercherait à faire le lien entre la Kaaba et Abraham étant donné que l’autre partie prenante du conflit n’en a cure !
Et d’ailleurs, c’est l’occasion de le dire ici, on ne peut pas, comme le fait la professeure Chabbi, prendre le Coran pour preuve dans certains cas et dans d’autres pas ! Ces propos de la professeure Chabbi sont étonnants : « Dans sa tribu, la parole de Mahomet n’est écoutée par personne, pas même par ses oncles. Il finit par être banni de son clan et doit quitter la ville. » !
En effet, à suivre la professeure Chabbi, aucun des premiers musulmans, qu’il faut compter parmi ceux qui ont écouté le prophète (saws), n’était issu de la tribu de ce dernier ?
De plus, si personne n’écoute Mahomet, pourquoi le pousser à quitter la ville ? A noter aussi que la professeure Chabbi ne nous dit pas quelles sont les étapes clés de l’exil de Mahomet, ce que nous allons faire à sa place : au tout début, il y a eu adhésion à son message de Mecquois, hommes et femmes, puis, un boycott socioéconomique de presque trois ans est intervenu contre les premiers musulmans (pour quelqu’un qui n’est écouté par personne !), après, il y a un premier départ de quelques musulmans vers l’Abyssinie où ils sont protégés par le Négus chrétien.
A deux reprises, le prophète (saws) accepte le serment d’allégeance de Médinois et Médinoises venus faire le pèlerinage à la Mecque. Il enjoint les Mecquois musulmans de quitter la Mecque pour Yathrib (ancien nom de Médine) chacun selon ses moyens. Puis, il va accomplir ce que l’histoire a retenu sous le nom d’Hégire (hijrah) en compagnie d’Abu Bakr, fidèle d’entre les fidèles compagnons. Bien des gens l’ont écouté avant l’Hégire !
Il faut aussi noter que dans la sourate « quraich », le Coran dit aux membres de cette tribu d’adorer le seigneur de cette maison « rabba hâzal bayt », ce qui veut dire que l’invitation au Tawhid est déjà présente dans la révélation reçue par le prophète Muhammad (saws) à la Mecque.
Cela infirme ce que la professeure Jacqueline Chabbi dit quand elle nous fait croire que c’est tardivement que le prophète Muhammad (saws) va adopter le thème du Dieu unique inspiré en cela par la Bible. « Il est épousé (et non l’inverse !) par Khadija, une femme deux fois veuve et de vingt ans son aînée ». Que vient insinuer encore la professeure avec ce genre d’affirmation ?
Les sources connues nous disent effectivement que c’est Khadija qui a manifesté le désir de se marier avec Muhammad (saws), mais s’arrêter à cette étape de l’histoire pose problème. En effet, il faut noter que c’est après avoir entendu que cet homme était réputé digne de confiance « al amin » que Khadija l’a engagé comme employé.
Puis, de plus en plus convaincue des sublimes vertus que lui racontaient les gens de son entourage sur Muhammad (saws), elle finit par envisager de se marier avec lui. Dans les sources musulmanes, il est bien dit que Muhammad (saws) est resté réticent un bon moment avant d’accepter le mariage. Si ce procédé était rare à l’époque, il faudrait plutôt le mettre sous le compte de la noblesse de caractère de Muhammad (saws).
En effet, selon les mœurs de la tribu des Quraychites, et pas seulement chez eux, voir une dame d’un statut social distingué et riche se marier avec un homme qui n’en avait pas autant ou plus relevait de l’exception et non de la règle sociale.
Donc, ce mariage était le signe de l’exemplarité exceptionnelle de Muhammad (saws) aux yeux de Khadija, une femme respectée qui n’avait aucune raison de se marier avec un homme que la professeure Chabbi nous présente comme suit « (…) son statut n’a rien à voir avec ce que décrit l’histoire sacrée, qui le présente comme un homme respecté de tous » !
La professeur Jacqueline Chabbi de rajouter : « De plus, bien qu’il ait eu des fils avec cette épouse, tous meurent en bas âge. Or, ne pas avoir de descendants masculins, en Arabie, était perçu comme une véritable tare. Cela explique l’insulte lancée contre lui à La Mecque quand il est traité de « châtré » (Coran 108, 3). Par conséquent, son statut n’a rien à voir avec ce que décrit l’histoire sacrée, qui le présente comme un homme respecté de tous. Dans sa tribu, la parole de Mahomet n’est écoutée par personne, pas même par ses oncles. Il finit par être banni de son clan et doit quitter la ville. »
Observation
Dans les sources écrites, Muhammad est surnommé « al amin » (le digne de confiance), son mariage avec Khadija dans les circonstances susmentionnées et d’autres considérations indiquent bien qu’il était respecté dans sa tribu.
La professeure part des faits comme la mort à bas âge de ses garçons et de ce que les Mecquois hostiles au message de Muhammad (saws) en ont fait en vue de discréditer sa personne pour nous sortir un « Par conséquent… ».
Il est clair que le but des Mecquois en cause était de s’attaquer de façon malveillante à la personne du prophète aux fins de pouvoir remettre en cause le message coranique dont il était le dépositaire. Une façon d’insinuer qu’un vrai prophète ne devait pas avoir cette « tare » de ne pas avoir d’enfants mâles ! D’abord, pour elle, seuls les récits dont elle ne cite pas les sources et qui confortent ses préjugés sont crédibles, tout le reste relève de l’histoire sacrée qui falsifie la « vraie » biographie de Muhammad !
Par argument d’autorité, c’est sa version jamais étayée par un début de démonstration ou de preuve qui est la bonne ! Comment une scientifique peut-elle dire en toute rigueur qu’un individu n’est pas respecté de tous tout simplement parce qu’il est insulté par des gens qui lui sont hostiles ? Et l’adage qui dit que « nul n’est prophète chez lui » ? Si on applique la conclusion qu’elle tire de ce qui précède à d’autres prophètes (Paix sur eux) de la Bible, aucun de ces derniers n’était alors respecté de tous : ils ont été traités et accusés de tout ce qui pouvait participer à leur diabolisation, frappés, bannis, certains tués !
Dans quelles sources, notre professeure a-t-elle puisé cette assertion étrange « Dans sa tribu, la parole de Mahomet n’est écoutée par personne, pas même par ses oncles ! » Que dire des premiers qui acceptent son message ? Même peu nombreux, ils sont quand même de sa tribu ! Que ses oncles ne l’écoutent pas ne remet pas forcément en cause sa sincérité et la vérité de son message.
A la question « Quel est le sens de son prêche ? », Jacqueline Chaabi donne une réponse étrange : « Ce que Mahomet demande initialement à sa tribu, c’est plus de solidarité. Contrairement à une idée reçue, les Mecquois n’étaient pas de grands caravaniers. Mais ils semblent avoir réussi à mettre sur pied, à la fin du VIe siècle, un modeste trafic de deux voyages, l’un d’hiver vers la frontière du Yémen et l’autre de printemps qui aurait longé la côte de la mer Rouge en direction du nord (Coran 106, 2). Certains clans se seraient alors enrichis, mais auraient refusé de se montrer solidaires avec ceux restés sur place, pour s’occuper notamment du culte de la Kaaba. L’inspiration première de Mahomet consiste à « avertir » la tribu que si elle persiste dans cette conduite inique, elle va en subir les conséquences. Un homme de tribu devait en effet avertir les siens de tout danger qui les menacerait. »
Observation
Sur la base du conditionnel, la professeure Jacqueline Chabbi va nous expliquer ce qui motive « l’inspiration première de Mahomet ». Selon elle, certains clans se seraient enrichis. A cette assertion au conditionnel, on peut associer les questions suivantes : lesquels ? Et comment cela s’est manifesté à l’époque ?
On comprend bien que pour la professeure, Mahomet n’est pas un prophète, c’est un imposteur qui aurait profité d’une fracture clanique pour dérouler son agenda. Mais, se posent alors entre autres questions, celle de savoir pourquoi brusquement Muhammad (saws) tire inspiration de ce supposé manque de solidarité entre les clans de la tribu des Quraychites pour se déclarer prophète car c’est de cela qu’il s’agit ? Combien d’individus ont combattu des injustices sociales sans pour autant se prévaloir du statut de prophète ?
Il serait donc intéressant que la professeure nous explique en quoi Muhammad (saws) a trouvé nécessaire de le faire. Mais, déjà qu’elle parle au conditionnel…En outre, les sources de l’histoire dite sacrée indiquent clairement que les premiers versets révélés à Mahomet ne laissent en rien apparaitre des questions de justice clanique (Coran, 96 : 1 – 5).
De plus, les premières paroles que Muhammad (saws) prononce quand il reçoit les premières révélations se rapportent à l’Unicité de Dieu « La ilaha illallah » (il n’y a de dieu que Dieu) et les premières obligations qui lui sont adressées sont relatives à la prière nocturne. (Coran, 73 : 1-6).
Que la professeure nous donne des sources qui indiquent que Muhammad (saws) qui se dit prophète insiste particulièrement sur les injustices claniques au sein de sa tribu lors de son « inspiration première ».
Question : « Sa tribu le prend-elle au sérieux ? »
Jacqueline Chaabi : « Pas du tout. On lui rit au nez. C’est à ce moment-là que commencent à se développer des thématiques issues du monde biblique. Il faut savoir que le judaïsme était implanté au Yémen depuis un peu plus de deux siècles. Le christianisme avait suivi à un siècle d’écart. Mahomet a dû avoir accès à des récits provenant de cette source. La première thématique empruntée à la Bible est celle de l’eschatologie [la fin des temps] : si vous n’écoutez pas les avertissements, vous allez être jugés et la tribu va disparaître. »
Observation
Selon cette réponse, la professeure soutient que c’est parce « qu’on lui rit au nez » que Muhammad (saws) va puiser dans la Bible des thématiques et en premier celle de la fin des temps ! L’accusation de plagiat et de remise en cause de son illettrisme (« Mahomet a dû avoir accès à des récits provenant de cette source ») revient, mais notre observation ne portera pas sur ce sujet. Elle consiste plutôt à demander à la professeure de nous expliquer ce qui a motivé cette deuxième inspiration de Muhammad (saws).
Ce n’est pas convainquant d’aligner « n inspirations » chez Muhammad (saws) sans rien démontrer ou se contenter d’utiliser au conditionnel des expressions qui cachent mal les préjugés de notre professeure. La tribu de Muhammad (saws) ne croyait pas à la résurrection et au jugement dernier alors pourquoi ce dernier va-t-il penser que c’est à travers cette thématique qu’elle va accepter son message ?
D’ailleurs, à travers ce que le Coran rapporte sur les croyances des Mecquois à l’époque, il apparait que ces derniers ne croyaient pas au prophétisme. Donc, on ne voit pas en quoi s’inspirer d’un Livre qui contient des récits de prophètes (paix sur eux), de surcroît non arabes, pouvaient donner plus de crédit à la prédication de Muhammad (saws).
La professeure admet elle-même que le soi-disant recours à la Bible va échouer quand elle écrit : « Le Coran dit que « celui dont la balance ne sera pas suffisamment lourde », c’est-à-dire lourde de bonnes actions, ira dans un « lieu de feu ». Il faut entendre par là une relégation dans le désert brûlant où l’on serait à jamais séparé des siens, image terrifiante pour un sédentaire d’Arabie. Au contraire, si votre balance est lourde (d’actions solidaires), vous resterez réunis aux vôtres (Coran 101). Dans ce passage ancien, il n’est pas encore question de paradis. Mais cette menace ne fait ni chaud ni froid à son entourage. »
Observation
Jacqueline Chaabi dit qu’il « faut » entendre par « lieu de feu », c’est sa traduction (sans préciser le ou les versets auxquels renvoie cette expression), «une relégation dans le désert brûlant où l’on serait à jamais séparé des siens, image terrifiante pour un sédentaire d’Arabie.» D’autorité, elle nous impose son interprétation du « lieu de feu » coranique.
La même remarque vaut quand elle nous dit qu’il faut comprendre par balance lourde, des « actions solidaires » grâce auxquelles « vous resterez réunis aux vôtres » ! On a beau chercher dans la sourate 101 qu’elle donne en référence, pour voir que rien qui indique des « actions solidaires » ou de familles réunies ne s’y trouve !
Tout cela s’inscrit bien sûr dans le présupposé de départ, à savoir que Muhammad (saws) n’avait qu’un seul but : susciter un sursaut de solidarité dans sa tribu. Elle clôt la réponse à cette question en nous disant que dans ce passage ancien (lequel, et ancien par rapport à quoi ?) il n’est pas encore question de paradis.
Pourtant si, étant donné que tout ce qui est dit dans cette sourate reste relative aux évènements du jugement dernier : le salut et la félicité pour qui aura une balance où les bonnes œuvres pèseront plus lourdes que les mauvaises, l’enfer pour le damné dont le poids des bonnes œuvres sera plus faible que celui des mauvaises.
De toute façon, on peut encore se demander en quoi la référence à ces expressions eschatologiques sont-elles pertinentes étant donné que les Mecquois ne croient pas à la résurrection et au jugement dernier ?
La professeure Jacqueline Chabbi ajoute : « Pour contrer le refus d’écoute, d’autres thématiques vont apparaître dans son discours, notamment celle du Dieu créateur, emprunté là encore au judaïsme et au christianisme. Au début, ce dieu porte encore le nom local de rabb, le « Seigneur (maître de territoire) » (87, 1). C’était le titre donné au protecteur du point d’eau mecquois (Coran 106, 3). Le nom divin Allah, qui signifie « le Dieu » avec valeur de nom propre, ne s’impose que lorsque a été gagné ce que j’appelle « la bataille des dieux ». Durant une grande partie de la période dite « mecquoise », c’est-à-dire la plus ancienne du Coran, le rabb déclaré créateur doit en effet affronter les trois divinités féminines locales (53, 20-21) pour montrer que c’est lui seul qui garantit la prospérité de la tribu. C’est ainsi qu’une première forme de monothéisme pragmatique s’invite dans le discours. »
Observation
C’est quand même étrange de voir que Jacqueline Chabbi, sans jamais nous expliquer pourquoi Muhammad (saws), désespéré de ne pas être écouté, va puiser dans la Bible des avertissements et face à un refus persistant, se met à changer de thématiques Bibliques !
A supposer que Muhammad (saws) aurait pris connaissance de la Bible, d’autres Mecquois devaient être dans la même situation sans pour autant adhérer à son (de la Bible) message notamment eschatologique ! Pourquoi alors Muhammad (saws) va-t-il tenter sa « chance » du côté de la Bible pour faire accepter son message ? Surtout qu’il « échoue » malgré cette tentative.
En effet, notre professeure nous dit que n’étant écouté par personne, Muhammad (saws) finit par être banni et doit se résoudre à quitter la Mecque ! « Maintenant, c’est la notion de Dieu créateur que Muhammad va brandir. Il porte le nom local de rabb « Seigneur (maitre de territoire), nous dit la professeure.
D’abord, il ne devrait pas être difficile pour notre professeure de savoir que dans les premiers versets révélés à Muhammad (saws), il est mentionné le terme « rabb » comme au tout début de la sourate « iqra » associé à la notion de création « bismi rabbikallazî khalaq ».
Donc ce n’est pas juste de lier la mention du terme « rabb », dans le message de Mahomet à une « astuce de ce dernier « pour contrer le refus d’écoute. »
Aussi, la professeure Jacqueline Chabbi devrait savoir que nombre de versets rapportent des échanges entre Muhammad (saws) et les Mecquois où il est question du Dieu créateur que ces derniers connaissaient sans l’associer au judaïsme et au christianisme : à la question « qui a créé les cieux et la terre ?», les Mecquois répondaient : Allah ! (Coran, 29 : 61).
On reste perplexe devant l’affirmation de Jacqueline Chabbi selon laquelle le terme « rabb » était « le titre donné au protecteur du point d’eau mecquois (Coran 106, 3) !
Ce qui est gênant ici, c’est la référence à la sourate 106 où on ne trouve rien qui étaye ce qu’elle soutient. Dans cette sourate, Les Mecquois sont invités à vouer un culte exclusif au « rabb » (Maitre) de cette « bayt » (la Kaaba, maison de Dieu) : aucune mention d’un point d’eau dans cette sourate. D’où lui vient alors l’idée que le « rabb » était le titre donné au protecteur du point d’eau mecquois.
Quel point d’eau mecquois ? Cette sourate vient rappeler aux Quraychites un « oubli » grave et un manque de reconnaissance flagrant à l’égard de Celui pour Qui cette maison a été édifiée et Qui leur assure Sécurité alimentaire et humaine ou tribale.
Fin de la première partie.
Ahmad Kanté