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jeudi 21 novembre 2024

“A la recherche du Mahomet de l’histoire” : réponse à Jacqueline Chabbi 2/2

Sur Mizane.info, deuxième partie du texte de réponse de l’imam et écrivain Ahmad Kanté à l’entretien de Jacqueline Chabbi au Monde des Religions. Lire la 1ere partie de ce texte.

Quand on lit les premiers versets révélés à Muhammad (saws) à la Mecque, on voit cette expression de la professeure Chabbi : « C’est ainsi qu’une première forme de monothéisme pragmatique s’invite dans le discours. » n’a aucun sens et n’est étayé par rien du tout. La professeure ajoute « Muhammad signifie « celui qui est louangé » – non par les hommes, mais par Dieu. Cette dénomination se trouve inscrite à plusieurs reprises sur la coupole du Rocher, à Jérusalem, achevée en 692 à l’époque omeyyade, comme pour faire un affichage destiné à être vu urbi et orbi. S’agit-il de son nom réel ? Sans doute pas. Il est possible qu’il s’agisse d’un nom destiné à renforcer son prestige. Certaines sources lui donnent un autre nom plus ordinaire : Qutham (qui signifie « celui qui distribue sa part de butin »). »

Observation

Une étrangeté de plus dans les réponses de la professeure Chabbi : Muhammad ne serait pas le nom réel (« sans doute pas » !) et comme à l’accoutumée, sans aucune démonstration pour une négation aussi lourde de conséquence et aussi inédite.

Sans oublier qu’utiliser l’expression « sans doute pas » qui est catégorique dans la négation, pour ensuite nous parler de possibilité «Il est possible qu’il s’agisse d’un nom destiné à renforcer son prestige. », relève d’un genre de raisonnement tout sauf rigoureux.

Muhammad et Ahmad (saws) sont les deux seuls noms qui désignent ce prophète dans le Coran. Notre professeure le sait mais préfère cette fois-ci disserter sur ce qui a été écrit sur la coupole du Rocher, à Jérusalem, bien après la fin de la révélation coranique, où se trouve mentionné le nom Muhammad (rappelé à Dieu en 632) ! Donc, il faut dire clairement que c’est le Coran qui a mentionné son prestige bien avant ce qui est écrit sur la coupole du Rocher.

Pour la professeure Chabbi, ce sont des noms plus ordinaires qui sont les vrais, comme celui de Qutham ! On voit où mènent des idées préconçues. Pourtant, on trouve dans les sources que la professeure a certainement consultées les « noms » de « Mustafa », « Moukhtar », « ‘aquib », etc et de Muhammad et Ahmad mentionnés dans le Coran. Mais pour la professeure Chabbi, seuls les noms « plus ordinaires » qui ne « renforcent pas son prestige sont vrais » !

La professeure Chabbi de dire : « Mahomet n’a pas voulu fonder une nouvelle religion. Son objectif était de réunir les tribus dans une alliance qui profite à tous. Ce qui était recherché, c’est avant tout la prospérité terrestre. Dans un milieu aride et hostile règne la terreur du lendemain. Le Dieu protecteur doit donner un avenir au groupe humain qu’il protège. Je suis persuadée que les hommes de tribu n’ont jamais cru aux promesses de paradis ni aux menaces de l’enfer qui étaient étrangères à leur imaginaire collectif. Leur obsession était de continuer à vivre ici et maintenant. C’était d’autant plus le cas à La Mecque, qui n’était pas une oasis. Il n’y avait aucune production agricole locale. Il fallait aller chercher l’approvisionnement à plusieurs jours de marche au pas des chameaux. La sourate 106, 4 souligne que c’est le « Rabb de la Demeure » (la Kaaba) qui fait échapper la cité à la famine et à la peur (des attaques). »

Observation

La Zakat qui est un des cinq piliers de l’islam illustrant l’obligation de solidarité n’est prescrite qu’à la deuxième année de l’hégire à Médine, c’est-à-dire, 15 ans après le début de la révélation coranique. Les premiers versets à être révélés à la Mecque ne font pas du tout référence à des questions de justice clanique. La sourate 106 que la professeure aime bien mentionner parle du devoir de reconnaissance de la Tribu des Quraychites à l’égard du vrai Dieu et Maitre de la Kabba qui assure leur sécurité physique et alimentaire.

Où le prophète Muhammad (saws) à-t-il dit qu’il voulait fonder une nouvelle religion ? Le Coran rappelle qu’il n’est pas autre ni plus qu’un prophète dans la lignée de ces prédécesseurs (3, 144 ; 33, 40).

Aussi, où a-t-il dit que son objectif était de réunir les tribus dans une alliance qui profite à tous ? Quel était le contenu de cette alliance ? Où dit-il que le but recherché avant tout, c’est la prospérité terrestre ? Et pourquoi l’endroit de sa tribu dont l’imaginaire collectif rejetait le prophétisme, la résurrection des corps et la vie dans l’au-delà comme c’est mentionné dans le Coran ?

Comment expliquer que ceux qui ont adhéré au message de Muhammad (saws) aient accepté le martyr, le bannissement, l’exil, le conflit et la rupture avec leurs proches, toutes choses qui n’ont rien à voir avec la justice clanique et la recherche de la prospérité ? Comment expliquer qu’après son rappel à Dieu, ses compagnons ont continué à propager l’islam qui remettait en cause leur imaginaire collectif, et disons tout leur mode de vie et leurs croyances ancestrales, alors que notre professeure nous dit que « leur obsession était de continuer à vivre ici et maintenant » !

Le prophète Muhammad (saws) n’emprunte pas, comme le soutient la professeure Chabbi, des concepts de monothéisme au judaïsme et au christianisme mais il récite des versets du Coran qui rappellent aux Quraychites ceci : si vous êtes en sécurité malgré votre vulnérabilité géographique et humaine en plein désert, et si vous n’êtes pas menacés par la famine, c’est l’effet d’une immense faveur du Maitre de cette Demeure, la Kaaba alors vous devez Lui manifester votre gratitude par un culte exclusif. Ce qui veut dire que cette sourate appelait les Quraychites à abandonner le culte de faux dieux appelés « arbaab », pluriel de « rabb » qui ne sont pas les maitres de la Kaaba et ne leur assurent ni sécurité ni protection contre la famine.

A la question : Pourquoi Mahomet, en butte à l’hostilité des Mecquois, choisit-il de se réfugier à Médine en 622 ? La professeure Chabbi répond : « Parce qu’il aurait eu une grand-mère paternelle issue d’un clan médinois, et non parce qu’il était attendu en tant que prophète, comme le fantasme la tradition musulmane postérieure. Contrairement à La Mecque, Médine était une grande oasis prospère qui nourrissait cinq tribus. L’exil médinois de Mahomet lui donne des moyens d’action dont il ne disposait pas à La Mecque. Il n’est plus contraint à la loyauté envers sa tribu d’origine, puisqu’elle l’a banni. Il va donc pouvoir se lancer dans un jeu politique alternant actions de force et négociation dès que cela devient possible. Son but est en effet de devenir un interlocuteur politique crédible. Deux ans avant sa mort, il prend le contrôle de La Mecque à l’issue d’une négociation avec son clan, dont sortira plus tard la dynastie omeyyade ».

Observation

Si sa tribu l’avait banni cela voudrait dire qu’il représentait une menace mais difficile à admettre pour la professeure qui préfère soutenir que personne ne l’écoutait à la Mecque et personne ne l’attendait à Médine !

Encore une réponse étrange : « parce qu’il aurait eu une grand-mère paternelle issue d’un clan médinois… » Avec la professeure Chabbi, le recours au conditionnel finit par devenir la panacée là où soit elle n’a pas de réponse et ne veut pas le dire soit pour « corroborer » son idée préconçue d’un Mahomet « imposteur » dont l’unique et ultime objectif serait de provoquer la solidarité tribale ! Pourquoi évacuer les sources musulmanes qui rapportent toutes les étapes qui ont abouti à des serments d’allégeance avec des Médinois venus en pèlerinage à la Mecque, à l’envoi d’un compagnon pour prêcher l’islam à Médine, et finalement à l’arrivée de Muhammad (saws) dans cette cité ?

Il faudrait démontrer en quoi ces sources seraient fausses et un simple fantasme entretenu par la tradition musulmane. Pour des exigences de cohérence, la professeure Chabbi doit nous expliquer en quoi la prise de contrôle de la Mecque était liée au supposé objectif de solidarité tribale puisque Muhammad (saws) n’y reste pas après y être revenu triomphalement. Il se contente d’accomplir le pèlerinage et puis revient à Médine pour y rester jusqu’à la fin de sa vie.

La professeure Chabbi ne nous dit pas aussi quels sont les termes de la négociation entre Muhammad (saws) et son clan. C’est au regard d’un rapport de force qui leur était défavorable que les Mecquois vont se soumettre et laisser le prophète et la dizaine de milliers de ses compagnons entrer à la Mecque. Pour clore sa réponse, elle dit que c’est du clan de Muhammad que sortira la dynastie omeyade. En vérité, le prophète Muhammad (saws) appartient au clan des Banû Hâchim (Hachémites) et pas à celui des Banû Umayya (Umeyades), tous issus de la tribu des Quraychites.

Question : Si la négociation est souvent privilégiée, les choses ont néanmoins très mal fini avec une tribu juive de Médine, que Mahomet a éliminée.

C’est vrai, mais les raisons sont politiques et non religieuses. Les juifs de Médine, organisés en trois tribus, étaient des membres à part entière de la communauté médinoise, qui comptait également deux tribus arabes, dont celle à laquelle Mahomet aurait été apparenté. Mais sur le plan religieux, les notabilités juives refusent catégoriquement de discuter avec Mahomet, qui ne trouve aucun compromis pour les rallier à sa cause. Ses rabbins ne peuvent prendre au sérieux les récits bibliques coranisés. Mahomet ne peut toutefois pas adopter un axe d’attaque idéologique, les règles de l’alliance intertribale ne le permettant pas. Il va d’abord trouver des prétextes politiques pour faire expulser deux tribus. Et au moment où les Mecquois font le siège de Médine, la troisième tribu aurait pactisé avec les assaillants, ce qui entraîne une riposte tribale automatique. Les hommes sont exécutés, les femmes et les enfants réduits en esclavage.

Observation

Ce qu’on sait des sources musulmanes, c’est que Muhammad a établi une convention ou charte de Médine où il était stipulé que les musulmans et les juifs sont dans la même Oumma (Communauté) et que la liberté religieuse est garantie à chacune d’elle. On ne peut pas dire que « les notabilités juives refusent catégoriquement de discuter avec Mahomet » En effet, aussi bien le Coran que les sources de la Sira rapportent des discussions entre les notables juifs et Muhammad ainsi que des chrétiens venus du Yémen et reçus dans la Mosquée de Médine.

La professeure nous fait encore le coup des affirmations lapidaires et non démontrées « il va d’abord trouver des prétextes politiques pour faire expulser deux tribus » ! Passons sur l’expression « prétextes politiques » car elle ne pourra jamais démontrer cette assertion. Et voilà encore un recours tellement abusif du conditionnel quand il s’agit de semer le doute sur ce que les sources musulmanes rapportent « la troisième tribu aurait pactisé avec les assaillants, ce qui entraine une riposte tribale automatique… »

Quand on veut imposer une lecture tribale des actes que posent le prophète Muhammad (saws), c’est à ce genre d’affirmations faciles et orientées qu’on aboutit inévitablement. La professeure parle sans la mentionner de la bataille des coalisés dont parle la sourate éponyme ? Selon les sources de la Sira (biographie du prophète Muhammad – saws -), c’est quand des faits de trahison ont été établis en rapport avec la clause de solidarité sécuritaire incluse dans la charte de Médine que Muhammad (saws) demande à une notabilité juive d’appliquer la sanction prévue dans leur Livre, la Thora.

Sur une question relative à la violence, la professeure Chabbi qui rend globalement justice à l’islam sur ce sujet en rejetant la posture essentialiste et par un détour comparatiste avec la Bible, ajoute ce qui suit : « Ce n’est pas le Coran qui impose des règles à la société de son temps. C’est la société qui impose des règles au Coran, lequel prend bien soin de ne jamais les transgresser. Sinon, il aurait été impossible à Mahomet de réussir en politique. » S’il s’agissait juste pour le Coran de ne pas transgresser les règles de la société, pourquoi Muhammad va-t-il rencontrer toutes ces difficultés ? Pourquoi cherche-t-il à changer les règles non solidaires qui régissent le fonctionnement de sa tribu ?

N’oublions pas que la professeure Chabbi soutient dès le début de cet entretien que Muhammad a un seul but, à savoir, réaliser la justice clanique au sein de sa tribu ! Il faudra bien que la professeure Chabbi nous dise si les termes Coran et Muhammad sont interchangeables, car on ne s’y retrouve pas. C’est vrai que Muhammad a laissé en place certaines règles de la société de son temps mais il est faux d’en déduire que c’est cette société arabe-là qui a imposé des règles au Coran. Beaucoup d’exemples infirment cette affirmation : interdiction de la vendetta et de l’usure (riba) prescription de la Zakaat, libération d’esclaves, limitation de la polygamie, part d’héritage pour les femmes, interdiction de l’infanticide (enterrement de petites filles), prescription du voile, etc.

« Le djihad désigne l’effort que l’on fait pour aboutir à un objectif. Dans la partie mecquoise du Coran, il est dit que si des parents « font le djihad », donc « tous leurs efforts », contre leur enfant pour l’écarter de la voie d’Allah, il ne faut pas leur obéir (31, 15) : c’est le sens de base. « (…) A Médine, lorsque Mahomet voulait lancer une action, il devait faire appel aux volontaires car on était dans une société où nul ne pouvait contraindre quelqu’un à s’engager. Cela valait au cas par cas, pour chaque action en particulier. Le djihad dans la voie d’Allah est donc simplement le fait d’accepter de s’engager temporairement dans une action. »

Cette assertion de la professeure Chabbi contient une définition fausse du mot djihad. En effet, quand on regarde les occurrences de ce mot selon la racine «j-h-d», on trouve des sens qui vont au-delà « du fait de s’engager temporairement dans une action ». Dans le Coran, le caractère temporaire du djihad est l’exception et revêt souvent la modalité de la lutte armée (qitâl). L’engagement continuel pour la cause de Dieu (fî sabîlillah) est la règle. Aussi, il est important de noter que ce n’est pas simplement comme le dit la professeure Chabbi, « dans une action », qui serait alors à caractère indéterminé, mais plutôt pour la cause de Dieu.

Question : Mahomet a-t-il pensé fonder une religion universelle ?

Jacqueline Chaabi : « Bien sûr que non ! C’était au-delà de ses horizons de pensée. Mahomet s’adresse initialement à sa seule tribu. A partir du moment où il est banni, son horizon s’élargit. Mais cela ne va pas au-delà de sa société. C’est d’un point de vue tribal que Mahomet réussit à rallier ses contemporains, pas en tant que prophète. »

Observation

Si cette assertion de la professeure est vraie, alors il faudrait « supprimer » du Coran tout ce qui a été révélé à la Mecque avant l’hégire. En effet, pendant environ 13 ans, le Prophète Muhammad (saws) récite des versets et lance des expressions qui dépassent les horizons de sa pensée et de ceux des membres de sa tribu. A commencer par «La ilaha illallah».

Les versets qu’il récite à la Mecque regorgent de thèmes que sa tribu ignore ou rejette comme les récits sur les prophètes Bibliques ou pas (certains prophètes du Coran ne sont pas mentionnés dans la Bible), la résurrection, le jugement dernier, l’ascension nocturne, le rituel de la prière, l’égale dignité des humains, hommes et femmes, des anges, des noms et attributs de Dieu comme « Ar rahman » (le Miséricordieux), la victoire miraculeuse de Byzance sur la Perse, etc.

On peut rajouter les versets qui parlent de l’unité de l’humanité, de la condamnation des injustices faites aux femmes et aux filles, de la primauté de la vertu de « taqwa » (crainte de Dieu), du salut dans l’au-delà, autant de sujets qui n’avaient rien à voir avec ce que croyaient, pensaient et faisaient les Quraichites au temps du prophète Muhammad (saws).

Ce qui précède nous met en droit de demander où se trouvent alors les limites des horizons de la pensée de Muhammad ? Comment pertinemment soutenir qu’il ne s’adresse initialement qu’à sa seule tribu ? Aussi, le style du Coran n’a rien à voir avec le parler ordinaire de sa tribu ! Il suffit de comparer les hadiths aux versets du Coran pour en avoir une preuve irréfutable.

S’il est vrai qu’il est rejeté par la grande majorité de sa tribu à la Mecque, à Médine il unit les tribus arabes non pas sur une base tribale mais sur celle de la foi (8, 63 ; 3, 103). En effet, pour des Arabes qu’ils étaient, les clans qu’il a trouvés sur place s’affrontaient souvent. De son vivant comme après sa mort, des tensions tribales vont persister. C’est l’adhésion à l’islam qui a uni les arabes devenus musulmans et surnommés al muhâjirûn (les émigrés) et les médinois, al ansâr (les auxiliaires).

La professeure Chabbi ajoute : « Avant sa mort, il réussit à mettre sur pied, non un Etat musulman, mais une confédération tribale conforme au modèle politique que lui permet sa société. La socialité tribale reposait sur le principe de l’alliance. Mahomet est obligé de se plier à ce jeu. On attendait de l’allié divin qu’il garantisse à la fois la sécurité des tribus, leurs moyens d’existence et si possible leur expansion. Le Coran ne se lasse pas d’apporter des assurances sur ce plan. »

Observation

A Médine, le prophète Muhammad (saws) met en place une Oumma qui unissait, d’une part, les tribus arabes de la Mecque et de Médine par le lien de la foi et de l’islam. Ce type de lien était inédit chez les Arabes mecquois comme médinois car relevant d’une fraternité qui transcendait l’alliance tribale traditionnelle basée sur le sang et la sauvegarde de la tribu. C’est ce nouveau lien de foi au Coran comme Parole de Dieu révélée au prophète Muhammad (saws) et l’espérance du Salut dans l’au-delà qui va tout changer.

C’est ainsi qu’on peut comprendre la signification cruciale de la dénomination de « muhâjirûn » (émigrés) et « ansâr » (auxiliaires) que le Coran donne aux Mécquois qui ont tout abandonné, motivés par une foi sincère et prêts à tous les sacrifices pour le triomphe de l’islam et aux Médinois qui vont les accueillir en tant que frères et sœurs de foi (2, 218 ; 3, 195 ; 4, 100 ; 8, 72-74 ; 9, 20 ; 59, 8-9).

Contrairement à ce que soutient la professeure Chabbi, le Coran ne cesse de rappeler à ces nouveaux musulmans que c’est la foi et l’alliance entre croyants qui priment sur les liens de sang et les préoccupations matérielles (9, 24). D’ailleurs, chaque fois que des troubles risquent de conduire à des conflits dans cette nouvelle communauté musulmane, et que les références aux tribus originelles et aux lieux d’origine sont brandies, le Coran et le prophète (saws) rappellent la primauté du lien de foi et de l’action rien que pour obtenir l’agrément de Dieu.

Il y a donc clairement naissance d’un lien nouveau de nature radicalement différente de ce qu’il y avait avant. C’est maintenant Dieu qui est le seul Maitre, le Coran est Sa parole venue guider l’humanité une et diverse et Muhammad (saws) qui est son messager est l’exemple à suivre dans son application de la Loi de Dieu.

D’autre part, ces musulmans sont liés aux non musulmans que sont les juifs de Médine par une convention ou charte dont l’essentiel du contenu dit que la liberté de religion est garantie à toutes les parties et la solidarité entre elles surtout en matière de sécurité est la règle. Le lien de l’islam a donné à la cité de Médine un nouveau visage et une stabilité qui n’existait pas avant. Ces tribus juives de Médine, aidées en cela par certains arabes qui cachaient leur mécréance (al munâfiqûn – hypocrites), ne cesseront de fomenter des troubles et de chercher à soulever les tribus arabes contre le prophète (saws) jusqu’à son rappel à Dieu.

La professeure Jacqueline Chabbi ajoute : « Après la mort de Mahomet, en 632, le moteur des conquêtes que l’on dit « musulmanes » mais qui sont, en réalité, une expansion tribale, repose sur la conviction que l’allié divin donne la victoire. Quand cette victoire se concrétise, la conquête ne peut que s’étendre tant qu’elle ne rencontre pas d’obstacle ».

Observation

Commençons par dire que cette notion d’allié divin apparait dans cette réponse sans aucune explication ! En outre, c’est faux de dire que c’est l’expansion tribale qui était recherchée ou, à tout le moins, faudrait-il le démontrer. On ne voit pas dans les réponses de la professeure l’ombre d’un début de preuve de cette assertion. Quand on regarde par exemple, les courriers que le prophète (saws) envoie aux souverains de son époque, nulle trace de quelque chose qui soit liée à sa tribu…la victoire de Badr est celle des musulmans émigrés (al muhâjirûn) et auxiliaires (al ansâr) contre les Mecquois hostiles à l’islam et non celle d’une tribu contre une autre, etc.

La professeure Chabbi de dire : « On ne peut pas parler de normes archaïques : c’était celles de cette époque et de cette société. Je dirais qu’il a été relativement favorable aux femmes, sauf en politique, domaine réservé des hommes. Dans l’économie de survie qui était celle de l’Arabie aride, il arrivait, en cas de famine, notamment chez les nomades, que l’on supprime les nouveau-nées ; on leur préférait les garçons, car ils étaient les futurs défenseurs de la tribu. Mahomet, dont seules les filles sont arrivées à l’âge adulte, a dénoncé ce comportement (Coran 16 : 58-59). »

Observation

Sur la question du statut de la femme comme sur celle de la violence, notre professeure rend justice à l’islam. Le Coran rapporte que des filles étaient enterrées vivantes sans qu’on sache de façon catégorique quelles étaient les motivations des auteurs de ces faits abominables. « De même, on glose souvent sur le fait rapporté par la tradition musulmane qu’il aurait épousé Aïcha alors qu’elle n’aurait eu que 9 ans 1. Mais c’est ce qui se faisait à l’époque. Le mariage était un moyen de contracter une alliance. En Occident, on faisait de même avec les mariages royaux sous l’Ancien Régime. Il ne s’agissait nullement de pédophilie, puisque le mariage n’était jamais consommé avant la puberté. On ne peut porter de jugement de valeur sur des sociétés qui ne sont pas les nôtres. »

Elle rend justice au prophète (saws) sur cette question que des féministes et autres mal intentionnés ou incultes manipulent à dessein. Aussi, on peut se poser la question de savoir comment le prophète (saws) pouvait-il se permettre certains comportements (qui seraient en porte à faux avec les us et coutumes de sa tribu) avec la fille de son plus proche compagnon au su et au vu de tout le monde ! Tout en ajoutant que personne parmi ceux et celles qui lui étaient le plus hostile de son vivant n’ont trouvé là une occasion de le dénigrer et de lui faire perdre sa crédibilité morale. Pourtant, Aicha sera plus tard la victime d’une fausse accusation tout simplement parce qu’elle a été ramené par un compagnon après avoir été oubliée dans un campement !

Peut-on dire que Mahomet a inventé l’islam politique ?

Non ! Le mot islam lui-même est très peu présent dans le Coran. On le traduit habituellement par « soumission ». Ce n’est pas du tout cela. Ce mot dérive plutôt de salam, shalom : « la paix ». L’islam, c’est le fait de se mettre sous la sauvegarde d’un protecteur dans le cadre d’une alliance avec lui. De même, c’est à tort que l’on emploie le mot « croyant » : dans cette société-là, on ne croit pas, on s’allie. Le croyant, c’est celui qui se rallie fidèlement parce qu’il veut être en sécurité, et qui agit en fonction de cette alliance, laquelle lui donne certes des droits, mais aussi des devoirs. Le croyant dans la voie d’Allah est celui qui se montre fidèle à l’alliance d’Allah.

Observation

Là aussi, on peut faire les mêmes remarques à notre professeure sur sa définition du mot « jihad » discuté plus haut. Elle réduit tout à ses préférences motivées par ses idées préconçues. Qui regarde attentivement les occurrences des termes coraniques « islam », « muslimûn » et différentes conjugaisons du verbe « aslama » ne peut exclure le sens de soumission au sens d’obéir à Dieu et d’observer Ses commandements (2, 130-133 ; 31, 22) Qu’y a t-il dans ses versets, qui autorise à penser à une tribu qui se met en alliance avec un protecteur ?

« Alors que le Coran précise que Muhammad n’est « qu’un homme comme les autres » (41,6), il fait l’objet d’une vénération particulière. Comment l’expliquer ? Ce sont les convertis du IXe siècle qui ont développé cette figure sacralisée de Mahomet car ils ont fantasmé le passé, ayant besoin de se rattacher à un mythe unificateur. Le problème du monde musulman, c’est qu’il est resté ancré dans l’histoire sacrée et n’a pas accompli sa révolution critique. Aujourd’hui encore, si on a envie de connaître l’histoire de la première période, on ne trouve qu’une histoire sacrée en face de soi ».

Difficile de savoir à quoi renvoie l’expression « convertis du IXe siècle » que la professeure Chabbi utilise de même que pour celle de « figure sacralisée de Mahomet »… On aurait pu en dire plus si elle avait accompagné ces expressions de quelques illustrations.

Ahmad Kanté

Notes :

1-Note de la rédaction : D’autres avis sur l’âge réel de ‘Aïcha au moment de la consommation de son mariage existent, selon lequel elle était âgée non pas de neuf mais de dix-neuf ans. Un seul hadith présent dans les recueils mentionne 9 ans, mais en langue arabe il est fréquent de mentionner un chiffre ou un nombre, sous-entendant qu’il se trouve après une autre valeur. Le 9 signifierait 9 au-delà d’une autre valeur (تسعة بعد, neuf après, après 10 par exemple). Tous les recueils de traditions précise en outre que la sœur de ‘Aïcha, Asma, avait dix ans de plus qu’elle. Or, au moment du mariage de Aïcha, Asma avait 29 ans, un âge déduit à partir de son âge et de sa date de décès tardive, à savoir autour de 100 ans en l’an 73 de l’Hégire. En outre, aucune tradition ne mentionne la naissance de Aïcha après la révélation et les ennemis du Prophète comme le signale l’imam Kanté n’ont jamais exploité cet âge dans leurs attaques contre lui. Il n’y a donc pas de preuve décisive que Aïcha avait neuf ans.

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