Deux journées de conférences, de rencontres et de travaux ont été organisées par la Ligue islamique mondiale les 11 et 12 mars dernier. Un événement qui s’inscrit dans la continuité de la charte de la Mecque rédigée et signée en 2019 par 1200 savants et responsables musulmans. Le focus de Mizane.info.
En mai 2019, la Ligue islamique mondiale réunissait à La Mecque 1200 savants, érudits, responsables religieux musulmans, toutes écoles, tendances et particularités confondues, venus de 139 pays. Une rencontre qui avait abouti à la signature d’un document jugé historique, la Charte de la Mecque, une nomination en référence à la Charte de Médine signée entre le Prophète et les tribus juives de Médine et qui garantissait des droits et des devoirs à toute la population médinoise.
Reproduire la geste de Médine : tel était l’objectif de cette Charte de la Mecque, document constitué de 31 articles plaidant pour l’éducation, la tolérance, la bienfaisance, le respect et l’engagement à lutter contre le terrorisme, le racisme, la discrimination contre les minorités religieuses ou les femmes signés par des représentants de tous les courants de l’islam (sunnite, chiite…).
Pluralisme religieux et coexistence
Dans la continuité de cette charte, une rencontre s’est donc tenue à Londres les 11 et 12 mars, organisée par La Ligue islamique mondiale sous les auspices de son secrétaire général Mohammad bin Abdulkarim Al-Issa, et du « British Muslim council ».
Plus de 300 muftis, responsables, imams, juristes et leaders musulmans d’Europe et d’Angleterre se sont donc rencontrés, ont discuté de la situation des musulmans en Europe, des défis qu’ils devaient surmonter et ont partagé leurs expériences pour y parvenir. Des tables rondes ont été ouvertes sur des thématiques particulières comme le pluralisme religieux, l’unité et la coexistence, la liberté d’expression ou la fonction d’imam dans un contexte européen.
Des acteurs musulmans de France étaient également au rendez-vous. Le recteur de la Grande mosquée Chems-Eddine Hafiz a prononcé un discours appelant au respect des valeurs et à la mission spirituelle et morale des musulmans en Europe.
« Il nous faut renouer avec l’essence de l’islam, remettre en lumière ses valeurs les plus fondamentales. Il nous faut enseigner que l’islam nous oblige, en tout et partout, à la paix. (…) La fraternité interreligieuse et, plus largement, la fraternité humaine, sont notre avenir. »
Hafiz : «Nos propositions doivent être pensées selon les schèmes occidentaux»
Le recteur de la Grande mosquée de Paris a souligné en particulier le rôle du contexte politique et culturel des sociétés européennes, estimant nécessaire de s’aligner sur les normes occidentales.
« Toutes nos propositions doivent être pensées selon les schèmes occidentaux, selon les idées et les valeurs des sociétés occidentales, en montrant que celles de l’islam ne leur sont en rien opposées ou contradictoires. Nos propositions, sur tous les défis que nous identifions, ne peuvent pas ignorer les manières dont l’Occident pensent les résoudre. C’est ainsi que l’on fera comprendre, admettre et respecter les principes fondamentaux de l’islam, et sa pratique, à nos frères non-musulmans, croyants ou non croyants. »
Autre participant, Nourredine Belhout, directeur de la Faculté des sciences islamiques de Paris a fait le déplacement. Fort d’une expérience de dix ans à la tête de la FSIP, Nourredine Belhout était particulièrement attentif aux problématiques de l’éducation et de la contribution civile et culturelle des musulmans en Europe. Il s’en est confié à Mizane.info.
« La question de l’ouverture aux autres et de l’entre-connaissance en profondeur est un sujet fondamental pour les musulmans, au niveau international. Eviter la ghettoïsation et ne pas s’enfermer dans l’entre-soi exclusif est important. Le Prophète, que la paix soit sur lui, à travers la charte de Médine avait su édifier des règles de vivre-ensemble et d’interaction avec l’Autre qui étaient claires, généreuses et ouvertes. Cette démarche avait garantit la construction d’un climat de confiance indispensable au vivre-ensemble. »
La charte de La Mecque réunit tous les courants de l’islam
Conscient des critiques parfois faites contre la Ligue islamique mondiale et plus globalement au sujet de la diplomatie religieuse saoudienne, Nourredine Belhout rappelle que cette charte a été signée par l’ensemble des pays musulmans, ce qui lui donne une force symbolique.
« Malgré toutes les critiques que l’on peut faire, la charte de la Mecque a cette force de réunir tous les courants de l’islam et tente de renouer avec l’esprit de la Charte de Médine. Elle établit officiellement les engagements et les attentes des musulmans dans leurs rapports avec les non-musulmans, ce qui est important. La dimension pratique de cette rencontre était aussi essentielle puisque des groupes de travail se sont attelés à la tâche pour que des résultats soient obtenus sur le terrain. Des partages d’expériences très enrichissants se sont faits. Cette charte aborde enfin des sujets fondamentaux comme l’accès de la femme à l’éducation, la tolérance et d’autres valeurs et sa ratification par l’Organisation de la conférence islamique lui donne du crédit »