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samedi 23 novembre 2024

Affaire Iquioussen, épisode 3 : Nous sommes partout !

Troisième épisode de la série consacrée aux leçons de l’affaire Hassan Iquioussen sur Mizane.info. Aujourd’hui, haro sur les libéraux

Si les motivations du Rassemblement national, dans son alliance avec les macronistes, consiste non seulement à expulser un maximum d’étrangers (comme dans l’affaire Iquioussen) mais aussi à mettre en place une politique de purification symbolique et pratique de la France de toute affiliation publique à l’islam, celles des ultralibéraux portés par l’actuel président de la République sont bien différentes. Les ultralibéraux ont massivement investi les rouages de l’Etat, bien avant l’actuel président de la République, mais bien davantage sous sa présidence qu’aucun autre avant lui.

Macron est le premier président de la République qui n’est pas issu du monde politique. Il n’a jamais été élu avant la présidentielle de 2017, ni comme député ou sénateur, ni comme président de région ni comme maire et il n’était pas même encarté dans un parti. Un homme dont l’ascension a été construite de toutes pièces par l’action d’un conglomérat politico-médiatico-financier. Une première dans l’histoire de la République française.

A lire aussi : Les leçons de l’affaire Iquioussen : épisode 1, la chasse à l’homme

Le premier objectif de l’élection de Macron est la liquidation de toutes les institutions, normes, lois et pratiques administratives de l’Etat qui font obstacle à la suprématie complète de l’idéologie libérale et de sa prise de contrôle intégrale de tous les aspects de la vie humaine. Nous pourrions prendre plusieurs exemples pour le démontrer. Nous en choisirons deux qui parleront à nos lecteurs.

L’éducation nationale tout d’abord. L’effondrement achevé du système éducatif français, avec une chute radicale du niveau des élèves dans de nombreuses matières fondamentales, la précarité du statut des enseignants qui démissionnent, l’incapacité à assurer la présence de personnels enseignants dans les écoles publiques au point où l’on recrute à tire-la-rigaud des personnels non formés afin d’aggraver encore la précarité du niveau… Cette politique ne peut pas s’expliquer autrement que par une volonté de faire émerger le secteur privé de l’enseignement comme le fleuron phare de la sélection sociale des élites libérales de demain.

D’ailleurs, dans ce protocole institutionnel informel, il existe une hiérarchie des écoles et des parcours destinés à limiter autant que possible l’accès à la crème des dirigeants français dans le concert des élites mondialisés.

La même politique est menée sur le front de la santé. La mise à mort des hôpitaux publics français, dont les locaux vétustes et les murs lézardés témoignent de la cruelle réalité, le déremboursement massif, euphémisme de la novlangue libérale signifiant le refus de remboursement de très nombreux médicaments, l’ouverture de nombreux hôpitaux privés payant, gavés de spécialistes aux actes médicaux surfacturés et non remboursés même par les mutuelles, avec des parkings privés payants et des procédures de rendez-vous systématisés par des sites comme Doctolib permettant aux nouveaux rentiers de la médecine de refuser à volonté les rendez-vous et donc de limiter l’accès aux soins : le constat de l’avancée des forces libérales et de leur percée foudroyante dans les défenses sociales de l’Etat n’est plus un objectif mais une réalité observable par tout un chacun.

Le pragmatisme des libéraux

La logique est simple. L’argent sera ponctionné dans les bourses de toutes les classes inférieures à la haute bourgeoisie française et à l’hyper classe mondialisée, tandis que l’ISF (impôt sur la fortune) était aboli. CQFD.

Pour parvenir à cet objectif de destruction de l’Etat et des normes de régulation sociale, les libéraux ont besoin de prendre le contrôle à peu près complet de l’Etat, de le délester de ce qui freine leur propre expansion et de réorienter l’usage des services les plus utiles (sécurité, police, armée) à cette fin. Mais pas seulement.

Pragmatiques, les libéraux se sont toujours appuyés politiquement sur les forces les plus dynamiques, hier le Parti socialiste mitterrandien, aujourd’hui l’extrême droite, les forces les plus ancrés dans les territoires en favorisant, via leurs classes moyennes supérieures, les éléments les moins éloignés de l’idéologie libérale.

Et pour consolider ces alliances et pour dériver les colères populaires contre les conséquences d’une politique à vocation totalitaire dont le modèle est celui d’une société de maîtres et d’esclaves, il faut des contre-feux efficaces, des épouvantails. L’islam, en France, est le premier d’entre eux. Avec plus ou moins de succès. Invité ce lundi 5 septembre sur BFM TV, Eric Zemmour se voyait reprocher le fait d’avoir fait de la lutte contre l’islam et l’immigration sa priorité quant celle des Français étaient l’inflation, le pouvoir d’achat et le réchauffement climatique. Comme quoi, tirer trop souvent sur la même corde peut affaiblir l’effet à terme.

Il ne faut jamais perdre de vue cette explication. Les ultralibéraux ont aujourd’hui les moyens financiers, médiatiques et politiques de produire cette fabrique de ciblage islamophobe à répétition tout comme ils pourraient dans un avenir lointain, et dans un retournement tout aussi spectaculaire, s’allier avec des responsables politiques islamophiles, organiser totalement le contrôle de la filière agro-alimentaire du halal, produire de la norme identitaire musulmane libéralo-compatible avec le totalitarisme marchand et ainsi de suite. Les studio Disney ont déjà commencé ce travail, sur le plan culturel. Et les acteurs du marché n’ont eu aucun mal à s’emparer du business du hajj au sein même du temple de la Kaaba. On appelle cela des accommodements raisonnables.

A lire aussi, épisode 2 : islam politique, mode d’emploi

La coloration politique islamophobe, dominante en France, a toutefois maintenu largement le libéralisme français, nous le reconnaissons volontiers, dans les ornières d’un discours et d’une pratique libérale-nationale (libérale dans la destruction des entraves sociales de l’Etat, ultranationaliste dans les discours et les mesures de rétorsion contre les étrangers et l’islam).

Beaucoup de militants n’accepte pas cette analyse en estimant qu’elle affaiblirait la spécificité du racisme islamophobe. Une forme d’atténuation de la gravité du phénomène. C’est une erreur de le penser car dans la galaxie des acteurs qui régentent l’institutionnalisation de l’islamophobie, il y a une hiérarchie, des parcours, des idéologies et des objectifs qui ne sont pas exactement les mêmes. Mettre les nationalistes et les ultralibéraux dans le même sac, sous prétexte que les seconds recrutent et paient les premiers, et que les premiers donnent le ton de la politique des seconds, leur fait perdre de vue la nature plurielle du mal qui leur faut combattre. Cela ne fait pas des ultralibéraux des islamophobes par défaut mais cela apporte un éclairage différent sur la nature de l’idéologie et de ses finalités à l’œuvre dans cette politique.

Le cas des hauts fonctionnaires diffère puisqu’ils s’inscrivent dans la logique administrative de la continuité étatique, contribuant à maintenir le statu quo d’une doctrine informelle d’état sur l’islam largement axée sur le registre politique de la menace, de son incompatibilité normative avec la France, de sa force politique latente, appelant comme seule réponse possible une gestion sécuritaire optimale (l’ensemble des rapports parlementaires témoigne de cette doctrine d’état). La volatilité temporelle des postes de direction du bureau central des cultes ne fait qu’accroître l’emprise de cette action politique d’état.

Tisser des liens avec la société civile

Par ailleurs, il faut comprendre que ni les ultralibéraux, ni les ultranationalistes n’ont intérêt à ce qu’un discours islamique d’ancrage dans la société française ne se développe un jour. Ce n’est pas un hasard si Hassan Iquioussen et d’autres figures de proue avant lui, et sûrement d’autres après lui, ont été ciblés. Les élites politiques françaises engagées dans cette orientation ont plutôt intérêt à ce que des formes extrémistes de l’islam se développent en France, des discours ou des pratiques de rupture au sens communautariste, comme le fait de ruminer une hostilité de repli, ou de cultiver un entre-soi exclusif (enfermement) sur le plan social, quand cet entre-soi n’est pas déjà imposé d’office par la politique du logement.

Bien que cette tentation, nourrie et abreuvée par une politique de persécution médiatique et administrative des musulmans, apparait logiquement pour certains d’entre eux comme une nécessité ou un effet inévitable, elle accompagne sa propre exclusion sociale vécue comme une fatalité, les découragent d’aller voter, de construire des ponts dans la société avec d’autres acteurs citoyens ou sociaux, et par extension de tisser des liens naturels qui témoignent de leur appartenance citoyenne et nationale à la France. En allant parfois très loin. Certains éléments irresponsables, ayant fait les frais de cette politique de persécution administrative, ont été jusqu’à donner raison au candidat Zemmour en lui proposant d’organiser un exode des musulmans hors de France !

Ces relations avec la société civile sont vitales et l’affaire Iquioussen l’a encore démontré. Le soutien de plusieurs organisations non musulmanes (LDH, UJFP, GISTI, Syndicat des avocats de France) et de quelques intellectuels et politiques ont largement pesé, en dépit de la mécanique d’Etat bien huilée qui a triomphé mais sans jamais emporter l’adhésion.

Hassan Iquioussen.

A l’époque de la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l’école, une dynamique sociale intelligente avait déjà réuni des associations citoyennes musulmanes qui travaillaient avec d’autres structures sur des questions d’intérêts communs : l’éducation, la défense d’une citoyenneté égalitaire, l’insertion sociale, etc. La Ligue de l’enseignement, le MRAP, des syndicats d’étudiants : ce type de coalition à laquelle beaucoup d’intellectuels de gauche s’étaient agrégés, n’étaient pas vu d’un bon œil Place Beauvau.

La thématique de l’islamogauchisme à l’université, médiatisée près de 20 ans plus tard, témoigne de la permanence de cette politique de destruction, d’endiguement, de diabolisation ou de frein de toute initiative d’ancrage d’un islam civil épanoui au profit d’un islam gallican castré sous le contrôle de l’état. On ne confie le harem qu’aux eunuques.

Le CCIF avait donc raison !

Une communauté de citoyens musulmans épars et œuvrant à tisser des liens et à agir sur des questions d’intérêt général et de salubrité publique, pesant politiquement et économiquement, actifs dans l’éducation, la production éditoriale, artistique, intellectuelle, l’engagement social et la prospective nationale et internationale est très nettement perçue comme une menace pour les élites libérales, séculières et nationalistes françaises.

Ce qui explique l’acharnement institutionnel contre les Frères musulmans et les acteurs les plus structurés de l’espace social musulman (CCIF). Soit dit en passant, les plus récalcitrants ne pourront plus nier que les thèses du CCIF sur une islamophobie d’état ou politique étaient vraies. L’actuel gouvernement en a fait lui-même la démonstration la plus convaincante.

Fouad Bahri

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