L’annonce d’une rupture diplomatique entre les deux pays, sur l’initiative d’Alger, a créé la surprise. Les organisations arabes et islamiques appellent au calme et à la retenue. Retour sur les éléments d’une fausse polémique.
L’information tourne en boucle sur les réseaux sociaux. La rupture officielle des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, décidée par l’Algérie, nourrit les échanges et alimente les commentaires de consternation, de déception. Seule remarque positive : la réaffirmation que cette rupture n’engage que les deux états, les deux peuples se manifestant un amour réciproque.
Le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra a justifié cette décision en accusant le Maroc d’avoir « introduit une puissance militaire étrangère dans le champ maghrébin », une référence à l’accord de normalisation du Maroc avec Israël.
Le Maroc a dénoncé une décision « complètement injustifiée » de l’Algérie, évoquant une « logique d’escalade » et condamnant « les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent ».
Cette annonce est en réalité aussi véhémente qu’inutile. L’état des relations diplomatiques entre les deux pays étant au point mort depuis des décennies, quasiment depuis l’indépendance algérienne arrachée à la France au prix d’une guerre sanglante. On ne peut donc rompre ce qui n’était pas uni.
L’inquiétude des pays arabes
Ce n’est pourtant pas ce qui ressort de l’inquiétude des pays arabes et musulmans exprimée à l’issue de cette annonce. L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a ainsi appelé les deux pays au « dialogue pour résoudre les divergences éventuelles », tandis que le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, leur a demandé de « faire preuve de retenue et éviter une nouvelle escalade ».
Même son de cloche pour l’Arabie Saoudite. « Le royaume (…) appelle les deux pays à prioriser le dialogue et la diplomatie pour ouvrir un nouveau chapitre dans les relations (…) afin de garantir la sécurité et la stabilité ». La Libye n’est pas en reste, estimant que Alger et Rabat devaient faire preuve de « retenue », « éviter l’escalade » et « s’accrocher aux principes et aux objectifs communs qui ont mené à la création de l’Union du Maghreb arabe (UMA) ».
Les causes de l’embrouille algéro-marocaines sont nombreuses.
La question du Sahara-occidentale, que le Maroc a réclamé après la fin de la colonisation espagnole, est un territoire dont 20 % est sous le contrôle des Sahraouis qui réclament leur souveraineté. La République arabe sahraouie démocratique (RASD), autoproclamée par le Front polisario, bénéficie du soutien de l’Algérie ce qui avait déjà provoqué la rupture des relations diplomatiques, décidée cette fois par Rabat en 1976. Le territoire est riche en phosphates et avec de fortes ressources maritimes (pêche).
La récente reconnaissance américaine par Trump de la souveraineté marocaine sur ce territoire en échange d’une officialisation des relations israélo-marocaines, a durci le ton entre les deux capitales. Alger, politiquement attachée à la reconnaissance de la souveraineté palestinienne, y voit le signe d’une ingérence israélienne en Afrique du Nord.
« Les révélations du consortium Forbidden Stories et Amnesty International selon lesquelles le Maroc aurait eu recours au logiciel israélien Pegasus pour espionner des responsables et des citoyens algériens ont contribué à exacerber le ressentiment d’Alger », écrit par ailleurs l’Obs sur son site.
Pas de réelle rupture, estime un chercheur
Enfin, la note de l’ambassadeur du Maroc remise le 13 juillet à l’ONU estimant que le peuple kabyle méritait « plus que tout autre de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination » a fait l’effet d’une déclaration de guerre pour Alger.
Il n’en fallait pas plus pour que les autorités algériennes accusent, sans preuve, les Marocains d’être derrière les incendies qui ont ravagé le pays, provoqués, selon elle, par des militants du Mak (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie).
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