La déferlante de propos pointant un doigt accusateur contre le Coran, les mosquées et l’islam dans l’antisémitisme. La manœuvre consistant à assimiler antisémitisme et antisionisme. La tentative désespérée de diaboliser le mouvement des gilets jaunes par ces deux cartes. Tous ces procédés politico-médiatique ne doivent pas nous tromper. L’éditorial de la rédaction de Mizane.info.
Le président de la République Emmanuel Macron se rend au traditionnel dîner du Conseil représentatif des juifs de France et y prononce un discours fort.
Pêle-mêle. L’antisémitisme tue en France. L’hypercasher, Ilan Halimi. L’antisémitisme n’est pas mort. Alain Finkielkraut. BDS sera condamné. L’antisionisme est la forme moderne de l’antisémitisme. L’antisémitisme vient de l’islamisme dans les quartiers.
Reconquérir les territoires perdus (abandonnés) de la République. La haine contre le juif est l’avant-garde de la haine de l’Autre. La haine des musulmans, des LGBT. La haine de l’autorité…
Rarement un discours aura rassemblé autant d’inversions. L’islam(isme) est le coupable, les musulmans sont les victimes. L’antisionisme est un crime, puisque masque de l’antisémitisme, mais critiquer la politique d’Israël est légitime… sauf pour BDS !
Comprendre les racines d’un mal
Ne nous le cachons pas, ce sujet est devenu un nœud de vipères, pour plusieurs raisons. L’antisémitisme existe toujours en France. Ses manifestations sont incontestables (croix gammées, profanation de tombes) et elles doivent faire l’objet de condamnations par la justice.
Tout comme les autres atteintes au droit.
Le premier problème qui se pose dans ce sujet est l’absence d’analyse froide et équilibrée. Il est pratiquement impossible de penser ce qu’est l’antisémitisme, ses causes et ses conséquences, sans faire l’objet soi-même d’une accusation pour antisémitisme potentiel.
« Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser » disait Valls. « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal » lui répondait pourtant Hannah Arendt, bien avant sa naissance.
Comprendre les causes de l’antisémitisme, c’est faire la moitié du travail de son éradication. Tout comme pour l’islamophobie et les autres formes de racisme viscéral. L’hystérisation de ce débat renforce le phénomène.
L’instrumentalisation de l’antisémitisme
Le second problème est l’instrumentalisation politique éhonté de l’antisémitisme.
Utiliser ce racisme pour intimider les opposants et les critiques d’une politique elle-même raciste (la politique israélienne), tout ceci pour plaire au CRIF qui milite pour un soutien inconditionnel des juifs de France envers Israël, est une méthode basse qui se passe de commentaires.
Cette instrumentalisation qui permet aux politiques qui dirigent ce pays de tenter (vainement) de disqualifier le mouvement de contestation profond des Gilets jaunes doit être pris pour ce qu’il est vraiment : un aveu de faiblesse.
La dernière cartouche pour des élites politico-médiatique qui ont beaucoup à perdre si les Gilets jaunes provoquent une redistribution des cartes.
La dernière sortie de Finkielkraut a fort malheureusement bouclé la boucle, juste avant le dîner du CRIF.
Insulté violemment par un fou furieux qui n’avait de jaune que la fièvre, et qui se trouvait là par hasard, un homme accusé d’avoir flirté avec le salafisme (le visage du mal dans la France du XXIe siècle), cette sortie a dévoilé une fois de plus les ressorts tordus de notre système.
Le chaînon manquant
La violence verbale la plus crû et la plus condamnable permet à un intellectuel qui a grandement contribué à la fracture française et qui a mené campagne depuis longtemps pour une reconquête des « territoires perdus » (abandonnés) de la République, perdus car habités par des populations étrangères qui n’aimeraient pas la France, d’être blanchi moralement.
Exit les multiples provocations passées. Il n’y aura pas d’appel à la responsabilisation des élites de ce pays dans la parole publique. Cette responsabilisation n’a pas pour objectif d’atténuer la gravité des insultes dont Finkielkraut a fait l’objet.
Elle viserait à rationaliser un sujet traité sur le mode obsessionnel.
Dernier acte : le chaînon manquant islamique. On entend depuis plusieurs jours (années) des polémistes et autres philosophes nous certifier que le Coran serait bien la source d’inspiration de Mein Kampf, que la fréquentation des mosquées nourrirait même les préjugés antisémites.
On imagine en entendant ces contre-vérité répétées en boucle et sans aucun contradicteur en face que les khotbas al jumu’a seraient des pamphlets antisémites lus en place publique. La fièvre jaune a contaminé les plateaux télés. Le pays de Descartes perd la raison.
L’antisémitisme est utilisé comme contre-feux de l’indignation au mouvement des Gilets jaunes désormais présenté comme autoritaire, violent et proto-fasciste. Et, nous dit-on, sans doute déjà infiltré par la peste « verte ».
Face à ces manipulations (réelles) sur fond d’antisémitisme (tout aussi réel), comment réagir ?
Garder la tête froide
En commençant par garder le sens du discernement et la tête froide. Ne pas se laisser entraîner, ne pas contribuer à alimenter nous-mêmes les incendies que d’aucuns rêvent de voir dévaster la France.
Les provocations qui font mouche ne font que confirmer les fausses accusations qu’il s’agit de réfuter.
En soutenant les bonnes causes pour les bonnes raisons. La cause palestinienne est légitime et aucun sophisme ne travestira cette réalité. L’antisémitisme est condamnable et aucun prétexte n’y changera rien.
L’antisionisme politique est une exigence de la conscience politique contemporaine et aucune forme d’insulte (comme dans l’agression de Finkielkraut) ne peut s’en revendiquer.
En conservant son esprit critique, en cultivant la prudence et la patience. Choisir ses débats est le signe d’une maturité. Certains plateaux télé sont des tribunaux de grande instance médiatique, des corridas en quête de taureaux et de mise à mort.
Il faut parler lorsque cela est utile, lorsqu’on peut être entendu, et non nécessairement lorsqu’on nous convie à des guet-apens faussement présentés comme des émissions au traitement équilibré.
Engageons-nous. Notre société meurt de son hyper-individualisme et de son consumérisme omniprésent. Nous restons en grande partie des spectateurs-consommateurs. Cette situation n’est confortable pour personne et satisfait de moins en moins de monde.
Il est peut-être grand temps de consacrer une partie de son temps à des engagements fondamentaux et en prise avec la réalité pour apporter notre contribution intelligente, éthique, volontaire et patiente dans la construction de ce monde. Car c’est aussi dans le vide social que s’insinue la discorde.
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