L’assassinat du général Qassem Souleimani en Irak par les Américains a sonné comme un coup de tonnerre dans la région. L’Iran a promis une vengeance en règle à Washington. Quant aux funérailles de Souleimani, elles ont réuni, selon la télévision nationale, des millions d’Iraniens. Se dirige-t-on pour autant vers une escalade militaire ? Quelles seront les conséquences de la mort de Souleimani dans la région ? Le focus de la rédaction.
Que faut-il penser de la mort du général Qassem Souleimani, tué par un tir de drone américain au cours d’un bombardement de l’aéroport de Bagdad ?
Souleimani, chef des brigades Al Qods, était incontestablement l’homme fort de Téhéran et le principal architecte de la présence militaire iranienne au Moyen-Orient, sous différentes formes selon les théâtres d’opération (Irak, Syrie, Liban).
En Iran, l’homme, un proche du Guide suprême Ali Khamenei, était populaire comme l’atteste la présence de millions d’Iraniens qui ont suivi sa dépouille au cours de la cérémonie funéraire.
D’après une étude publiée en 2018 par IranPoll et l’université de Maryland, 83 % des Iraniens avaient une opinion favorable de Souleimani, devant le président Hassan Rohani, ou le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif.
Souleimani était vu comme l’homme qui avait triomphé de Daesh et qui avait protégé la sécurité des Iraniens.
Pas de risque de conflit direct
Pour les experts de la région, cet assassinat a d’ailleurs paradoxalement renforcé politiquement Téhéran en réactivant son soutien populaire, les Iraniens ayant fait bloc derrière la disparition de celui qui était une icône dans le pays.
Mais quelles seront les conséquences concrètes de cet assassinat ?
D’abord, et incontestablement, un renforcement de la détermination des organisations militaires engagées dans la lutte contre la présence militaire américaine dans la région et contre ses principaux alliés, Tel Aviv en tête, et Riyad.
Au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et lui aussi un proche de Souleimani qui avait joué un rôle actif dans la résistance aux bombardements israéliens de 2006 sur le territoire libanais, a déjà multiplié les mises en garde au cours d’un discours d’hommage au général iranien dans lequel il promet de le venger et de poursuivre son oeuvre.
« Apporter le juste châtiment aux assassins criminels (…) sera la responsabilité et la tâche de tous les résistants et combattants à travers le monde entier », a-t-il ajouté.
Sur le terrain des opérations militaires, les avis divergent sur l’impact de cet assassinat qui a été reconnu par plusieurs responsables politiques occidentaux comme un acte de guerre.
Si la réponse militaire de Téhéran ne semble souffrir aucun doute, la forme exacte et l’ampleur de la riposte sont par définition imprévisibles.
Pour d’autres chercheurs comme Myriam Benraad, le risque d’une extension de la guerre n’est pas fondé.
« Donald Trump montre aux Iraniens qu’il est prêt à aller jusqu’à la guerre, même si en réalité il n’ira pas jusque-là. Ni les États-Unis – qui ne veulent pas rester en Irak – ni l’Iran – considérablement affaibli par les sanctions américaines – n’ont intérêt à se faire la guerre. Le plus probable est qu’ils continuent à se livrer cette « guerre par procuration », en multipliant les incidents à travers leurs relais dans la région », a confié la chercheuse française à nos confrères de La Croix.
Ce qui est certain est que l’Irak, affaibli par l’absence d’une structure étatique solide, restera le terrain d’une guerre de basse intensité que se livrent les Etats-Unis et l’Iran via des organisations paramilitaires chiites.
Des motivations électoralistes
Sur le terrain politique, les Iraniens ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils se considéraient libérés des engagements liés au dossier du nucléaire iranien, étant donné que Trump lui-même avait réordonné le blocus de Téhéran.
Officiellement, l’assassinat de Souleimani, qui était pourtant l’un des principaux artisans de la défaite de Daesh, est présenté comme la suite logique d’un conflit qui oppose Washington à l’Iran pour le contrôle et l’influence dans la région.
Pour les Etats-Unis, et surtout pour Israël dont l’Iran est le premier adversaire politique et militaire, la mort de Souleimani apparaît comme une aubaine, tout au moins à court terme.
Mais les motivations réelles derrière la décision d’américaine d’éliminer Souleimani, décision qu’avait refusé d’endosser Bush et Obama par crainte d’un embrassement de la région, seraient pour plusieurs politologues d’ordre interne et concerneraient la procédure d’impeachment (destitution) intentée contre Trump.
Le président américain tenterait de mobiliser son électorat républicain à un an de la prochaine présidentielle.
Cette stratégie consistant à réunifier les Américains derrière le succès d’une opération militaire est un classique de la politique américaine.
Une stratégie du chaos de Trump rompant radicalement avec l’approche d’Obama qui avait tenté un rapprochement avec Rohani pour une nouvelle politique américaine et une désescalade au Moyen-Orient.
Pour autant, la mort de Souleimani qui est aussi celle d’un symbole iranien, loin de l’affaiblir, ne devrait pas déstabiliser l’exécutif militaire iranien.
Le numéro deux et bras-droit de Souleimani lui a déjà succédé.
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