Mohammed Moussaoui, président du CFCM (à gauche) et Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris.
Alors que le CFCM annonçait dans un communiqué la volonté de M. Hafiz de prendre la direction de l’instance conformément à la présidence tournante, et l’organisation d’une assemblée générale extraordinaire pour décider de la dissolution de l’instance, le recteur de la Grande mosquée de Paris vient d’annoncer à son tour le retrait définitif de sa fédération « de toutes les instances du CFCM ». Les explications de Mizane.info.
Selon le dernier communiqué du bureau du Conseil français du culte musulman publié dimanche 16 janvier, un courriel daté du 14 janvier 2022, signé par les quatre fédérations (FFAIACA, FGMP, MF et RMF), a été adressé par le recteur de la mosquée de Paris, M. Chems-eddine Hafiz, aux membres du bureau du Conseil français du culte musulman. « Dans ce courriel, les quatre « fédérations signataires » soutiennent que la présidence du CFCM pour la période 20 janvier 2022 au 19 janvier 2024 reviendrait à M. Chems-eddine Hafiz, démissionnaire du bureau du CFCM depuis le 17 mars 2021 », mentionne le communiqué.
Une demande illégitime pour le bureau qui rappelle le départ du bureau de la FGMP et évoque une nécessaire assemblée générale préalable pour une possible réintégration des fédérations.
La réponse de M. Hafiz ne s’est pas faite attendre. « La Fédération de la Grande mosquée de Paris réitère son retrait définitif de toutes les instances du CFCM », précise un communiqué adressé à la rédaction de Mizane.info.
Un nouveau développement doublement surprenant pour les deux protagonistes d’un duel qui n’en finit plus à la tête des instances représentatives du culte musulman.
CFCM/GMP : Un double changement de scénario
Du côté de M. Hafiz, d’abord. Le départ du bureau du Conseil français du culte musulman en mars 2021 de sa fédération (FGMP) avec trois autres (MF, FAIACA, RMF) ne laissait pas augurer d’un retour à la tête d’un CFCM déjà extrêmement affaibli après l’annonce de « sa mort » par le ministre de l’Intérieur.
Dans le communiqué du CFCM, cette contradiction est répétée en boucle. « Depuis, M. Chems-eddine Hafiz n’a cessé de rappeler sa décision irrévocable de tourner la page du CFCM. La dernière date du 6 janvier 2022 au journal le Monde : « Le CFCM a fait son temps, il faut tourner la page, il faut le dissoudre », mentionne le communiqué.
Le courriel de la Coordination envoyé seulement six jours avant la demande de prise de fonction n’a sans doute pas contribué à un retour à la table des fédérations.
Pourtant, un appel de la Coordination à des discussions avec les fédérations du CFCM autour de l’avenir de la représentation du culte musulman en France avait été lancé le 13 janvier dernier. Un appel rejeté par le CFCM qui la présenté comme une volonté d' »intégrer leur CNI ». Le CFCM souligne lui aussi ses appels à la discussion. En vain.
Même surprise du côté du CFCM de M. Moussaoui. Dans un entretien publié sur Mizane.info, l’actuel président du CFCM déclarait vouloir rallier encore les fédérations de la Coordination à un projet de réforme du CFCM sur des bases départementales. Un projet qui permettrait de sauver l’instance du culte musulman d’une mort annoncée et éviterait le scénario n°2 d’une autodissolution.
Or, le dernier communiqué du Conseil français du culte musulman change de ton et propose comme seul ordre du jour la « Dissolution du CFCM pour permettre aux acteurs du culte musulman au niveau local de mettre en place une nouvelle forme de représentation démocratique du culte musulman ».
Comment expliquer ce revirement ?
Probablement par une nouvelle course de vitesse pour la direction des instances représentatives du culte musulman. La première décision de M. Hafiz a peut-être surpris M. Moussaoui qui voit sans doute dans cette décision de Hafiz une volonté de rebondir, après la mise à l’écart de toutes les instances et le lancement du FORIF.
Le gouvernement qui a annoncé sa volonté d’en finir avec l’islam consulaire, auquel le CFCM et un certain nombre de fédération sont identifiés, entend bien ramener chaque fédération à sa juste réalité. Le projet d’une nouvelle instance sur d’autres bases est au cœur de la réflexion lancé par le FORIF et le bureau central des cultes.
C’est ce qui peut expliquer la contradiction du communiqué du Conseil Français du Culte Musulman. D’une part, il stipule que « seule une Assemblée Générale Extraordinaire est habilitée, conformément aux statuts du CFCM, à réintégrer les démissionnaires dans le bureau et à prendre les décisions qui s’imposent pour le devenir du CFCM ».
D’autre part, en dehors du maintien de la tension persistante entre M. Moussaoui et M. Hafiz toujours perceptible dans le communiqué, l’organisation de la prochaine Assemblée générale autour de la seule dissolution de l’instance indique à présent la volonté de ne plus sauver le Conseil français du culte musulman, pourtant présentée comme l’option n°1, mais d’accélérer sa liquidation.
La tension entre les deux hommes a, il faut bien le dire, sensiblement tourné au vinaigre.
Pour Chems-Eddine Hafiz, l’actuel président du Conseil français du culte musulman se livre à des « calculs » au service de « ses intérêts personnels et de son désir de se maintenir illégalement à la tête du CFCM ». Il qualifie les dernières décisions de M. Moussaoui de « manigance » et de « calomnie ».
La décision du CFCM de confier sa direction à une « présidence collégiale qui sera composée par les deux vice-présidents du CFCM, Ibrahim ALCI et Mohammed MOUSSAOUI » a semble-t-il bouclé la boucle.
Et entériner cette fois-ci le départ de la FGMP du CFCM, avant une désormais autodissolution irréversible du Conseil français du culte musulman le 19 février 2022.