Que promettent les coachs en développement personnel ? Dans quel cadre idéologique leur travail rentre-t-il ? Dans sa dernière chronique que publie Mizane.info, Faouzia Zebdi-Ghorab énonce quelques critiques sur la nature de l’approche psychologique spécifique au développement personnel et montre en quel sens il sert les intérêts de l’idéologie libérale.
C’est un brave gars, c’est une brave femme… C’est la façon désormais politiquement correcte et donc plus hypocrite, voire même méprisante à certains égards, de désigner les personnes que l’on juge hors-jeux, démodés, ringards…
Ces personnes sont démodées au sens où elles n’ont pas appris à se « connaître elles-mêmes » à « dire non », à « se reprendre en main », à « saisir les opportunités », à « être soi-même », à « devenir la personne qu’elles ressentent en elles », à écouter « les messages lancés par leurs corps » …
Tous ces affreux « ringards » seraient-ils devenus en incapacité de déterminer clairement quand ils ont faim et quand ils ont soifs ?
Quand ils ont mal dans la moindre parcelle de leur corps d’avoir travaillé une journée durant, à la maison, dans une usine, dans des bureaux, ou dans les champs ?
C’est ce que l’on tente de nous dire à coups de vidéos promotionnelles où les personnes apparaissent épanouies radieuses comme tout droit sorties d’un studio photo hollywoodien, ou d’un paradis terrestre dont nous ignorions l’existence.
Pourquoi tous ces coachs nous aideraient-ils à devenir plus riches, plus prospères, plus heureux ? Pourquoi partageraient-ils avec nous leurs précieux secrets garantissant le succès ?
Ces questions me traversaient déjà l’esprit lorsque j’imaginais une voyante dans sa roulotte ou dans son appartement miteux en train de lire l’avenir sans savoir de quoi son propre lendemain sera fait.
« Du tout à l’égout au tout à l’égo[1] » ; un égo que ces formations flattent encore et sans cesse au point de transformer des individus ordinairement modestes, courtois et avenants en narcissiques pédants et sans scrupules.
Dans cette nouvelle école des gens branchés « marketing, bien être et communication », et donc pas ringards, tu dois apprendre à savoir ce que tu aimes manger. « Sinon ton âme n’aura pas envie de loger chez toi ! » La version consumériste d’un esprit sain dans un corps sain ?
« Tu dois commencer à vivre ! »
En changeant de quartier ? Je ne peux pas. En changeant de maison ? Je ne peux pas. En changeant d’emploi si j’en ai ? Je n’en ai pas.
Qu’importe ! Il vous suffit de cesser d’être sage, de cesser d’obéir, de cesser d’avoir honte, de cesser de vouloir aimer, de cesser de chercher à tout comprendre ! …. Pour devenir « la personne que vous ressentez en vous ! »
Dois-je apprendre à déterminer si mon patron, la société, les industries pharmaceutiques sont toxiques ??
Sûrement pas ! Vérifie juste si tes parents ou tes amis sont TOXIQUES !
Auquel cas je fais quoi ? Je les extermine comme de la vermine ? Et me retrouve « seul » dans un monde enfin en paix ?
Jusqu’à une époque pas très lointaine il suffisait de rappeler aux âmes pieuses que « le paradis était sous les pieds des mamans » toxiques et non toxiques. De rappeler l’exemple de cet homme qui porte sa vieille mère sur ses épaules lors de la circumambulation autour de la Kaaba, et qui par cet acte pense être quitte vis-à-vis d’elle jusqu’à ce que ‘Abdullah ibn ‘Umar lui rappelle : « Par Allah ! Tu ne t’es même pas acquitté d’un seul cri que ta mère a poussé le jour où elle t’a mis au monde. »
Ou cet autre hadith rapporté par Abu Hurayra à propos d’un homme qui vient voir le Prophète de Dieu et lui dit « Ô Envoyé de Dieu ! Quelle est la personne qui a plus le droit à ma bienveillante compagnie ? » Il lui répondit : « Ta mère. – Et ensuite ?. – Ta mère. – Et ensuite ? – Ta mère. – Et ensuite ? – Ensuite, ton père ».
Il suffisait de rappeler le verset suivant : « Et ton Seigneur a décrété: « N’adorez que Lui; et (marquez) de la bonté envers les père et mère: si l’un d’eux ou tous deux doivent atteindre la vieillesse auprès de toi, alors ne leur dis point: « Fi ! » et ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses. »
Mais tout cela c’est trop vieux, et pas vendeur. Il faut utiliser les CASSEROLES de l’Occident ; casseroles qui sont d’ailleurs en train de la couler. L’obscurité ne chasse pas l’obscurité aurait dit Martin Luther King.
On reprochait aux Anciens d’être hors sol et de se contenter de faire des citations coraniques ou hadiths hors contexte.
Aujourd’hui, nous avons la prétention de surfer sur les vagues des « vrais fausses questions sociétales » en ne citant aucune source à part des vœux pieux qui servent de caution d’islamité à toutes ces banalités.
Ces coachs semblent avoir remplacé la bonne voyante de jadis. À la différence que leurs formations ont l’immodeste prétention de se baser, dans cette période de scientisme acharné, sur des données « scientifiques » qui semblent prévaloir sur les vérités coraniques. Or ce sont les vérités coraniques et prophétiques qui confirment la science et non le contraire.
On en viendrait à regretter la bonne vieille voyante avec sa légendaire verrue sur le nez qui avec son air mi sérieux, mi hallucinés nous disait ce que nous avions envie d’entendre ou ce que nous savions déjà mais dans une atmosphère mystérieuse et feutrée, une ambiance surannée espérant un phénomène de synchronicité qui nous ferait prendre des vessies pour des lanternes ou nos rêves pour la réalité dans les meilleurs jours.
Il est indéniable que nous avons beaucoup à apprendre et parfois tout à apprendre sur nous-mêmes. Il s’agit du premier exercice imposé par la foi : connais-toi toi-même tu connaitras ton Seigneur.
Par l’exercice répété et l’effort personnel nous domptons nos peurs, nos hésitations, nos fantômes, nos démons. C’est alors que nous pourrons espérer voir s’éclairer le chemin vers la connaissance de Dieu, du monde et des autres.
Ces personnes sont toxiquement dangereuses car elles veulent nous convaincre que TOUS nos maux viennent uniquement de nous.
Et en cela elles font le jeu de l’idéologie dominante. La jungle économique, l’absence d’éthique en termes d’économie, le manque d’idéal, les luttes sociales et idéologiques, les banques, les crédits, les multinationales, la guerre contre tout ce qui est sacré…
Notre ennemi n’est pas en premier lieu nous-mêmes, ni mêmes nos parents, ni mêmes nos faux amis ou voisins.
Cessons de nous mirer dans notre nombril et désignons clairement les vrais dé-régulateurs de nos vies qui se rient d’avoir réussi à nous atomiser, à nous faire « oublier nos vrais ennemis » et à nous isoler même de nos amis et non proches qui sont surement les seuls sur lesquels dans cette période de folie nous puissions compter.
« Je te recommande le groupe car certes le loup mange la brebis qui s’est éloignée du troupeau. »
Faouzia Zebdi-Ghorab
Notes :
[1] Expression empruntée à Éric Naulleau – Alain Soral, dans « Dialogues désaccordés »
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