Les corps de deux femmes, disparues le 26 novembre, ont été retrouvés à côté de leur lieu de travail à Lahore, au Pakistan. Employées dans une usine, elles avaient subi du harcèlement de la part de deux collègues. Un crime qui relance la question de la protection des minorités religieuses.
Au Pakistan, la vie sociale des femmes de confession chrétienne n’est pas un long fleuve au cours tranquille. La découverte des corps de deux jeunes femmes, Sajida et Abida, deux sœurs chrétiennes qui avaient été portées disparues en novembre 2020 le rappelle tristement.
Agées de 26 et 28 ans, les deux femmes travaillaient à Lahore, dans le Pendjab, dans une usine de fabrication de médicaments, selon une information fournie par nos confrères de La Croix.
D’après le Pakistan Christian Post, cité par la même source, des traces montrent que les deux jeunes femmes ont été menottées et étranglées.
L’un des deux criminels a été relâché à l’issue d’une « procédure de libération sous caution », obtenue probablement par corruption des agents, une pratique qui serait courante.
La discrimination sociale, un autre facteur
La famille avait signalé la disparition des deux victimes le 26 novembre 2020, alors qu’elles se rendaient sur leur lieu de travail.
Les défuntes avaient mentionné avoir été harcelé sexuellement et avoir subi des pressions les incitant à la conversion à l’islam selon la source locale pakistanaise.
Des mineures sont souvent ciblées et victimes de sévices.
Une jeune chrétienne de 16, Shiza Maqsood, avait pu s’échapper des mains de ravisseurs qui l’avaient kidnappé pour un mariage forcé.
Le mois dernier, une cour de justice de Karachi étudiait la libération d’un homme accusé d’avoir violé et épousé sous la contrainte une jeune fille de 13 ans.
Interviewé par La Croix, l’anthropologue Paul Rollier considère que ces traitements ne s’expliquent pas seulement par le facteur de discrimination religieuse mais aussi sociale.
« Historiquement, les Pakistanais chrétiens sont à 80 % des convertis issus des castes d’intouchables. Ce sont souvent des populations pauvres, déconsidérées, travaillant dans l’assainissement ou le traitement des ordures. Cette condition sociale partagée les rend vulnérables, avec une grande difficulté à recourir à la justice dans un pays où le capital social est déterminant ».
Enseignant, fondateur de l’Institut Sira, Shakeel Siddiq connait bien le Pakistan.
Interrogé par Mizane.info, il nous a confirmé la réalité de ce phénomène social mais nuance sur la spécificité confessionnelle des violences.
« La discrimination religieuse est une réalité au Pakistan, comme elle peut exister pour d’autres communautés dans d’autres pays. Cela est incontestable et j’ajoute que c’est déplorable. Il faut pourtant dire que le phénomène des discriminations visant les chrétiens a tendanciellement baissé depuis des décennies. Les Pakistanais chrétiens sont organisés, ils ont des commerces, sont représentés politiquement et le gouvernement a instauré une loi de discrimination positive avec quota pour lutter contre les discriminations. »
Par ailleurs, M. Siddiq rappelle que les violences sexuelles sont un problème qui vise la femme en tant que telle, y compris musulmane.
« Toutes les femmes sont indifféremment visées par ces violences. Il n’y a pas, à ma connaissance, de ciblage confessionnel dans le choix des victimes. »
Pour l’enseignant, il y a une distinction à opérer entre la réalité de ces crimes et celle d’affaires du type d’Asia Bibi, cette Pakistanaise chrétienne condamnée à la prison pour blasphème et qui a pu quitter le territoire pakistanais en 2019.
« La figure du Prophète est éminemment sacré au Pakistan, bien plus que dans d’autres pays musulmans. Des Pakistanais peuvent aller jusqu’à tuer pour cela et les plus militants se retrouvent non pas nécessairement chez les courants salafistes mais dans des courants soufis. Pour vous donner une idée, un ministre avait voulu abroger la peine de mort pour blasphème. Il a été assassiné par son garde du corps ».
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