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lundi 23 décembre 2024

Frantz Fanon, la dignité en héritage

« Nul n’est prophète en son pays », nous rappelle l’adage. C’est particulièrement le cas pour l’écrivain et figure majeure de l’anticolonialisme, Frantz Fanon, dont les œuvres et les idées sont très peu célébrées en France. Son occultation volontaire contraste avec sa renommée et son influence internationale. Sur Mizane.info portrait d’un homme libre et d’une autre France des lumières, signé Ibrahim Madras.

Il y a tout juste 61 ans, le 6 décembre 1961, Frantz Fanon- écrivain, psychiatre et militant anticoloniale – rendait son dernier souffle à Bethesda dans la banlieue de Washington aux Etats-Unis.

Atteint d’une leucémie, le militant martiniquais s’était retiré pour se soigner et finir son célèbre ouvrage « Les damnés de la terre » véritable manifeste pour la lutte anti-impérialiste et l’émancipation des opprimés.

« Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! »

Né le 20 juillet 1925 à Fort de France en Martinique, Frantz Fanon fait ses classes au lycée Schoelcher où un certain Aimé Césaire fut enseignant. Après une parenthèse militaire marquante en 1943 au sein des Forces françaises libres du Général de Gaulle, où il fait l’amère expérience du racisme décomplexé, il obtient son baccalauréat en 1946.

Il rejoint ensuite la France métropolitaine, grâce à une bourse, pour suivre des études de médecine à Lyon. Il obtient sa thèse en psychiatrie en 1951 et publie son premier essai « Peau noire, masques blancs ».

Un ouvrage faisant suite à ses observations sociologiques sur l’état de la société française vis à vis de ses minorités indigènes et des conséquences psychologiques généré par l’attitude du colon sur le colonisé.

En 1953, il devient médecin chef d’une division de l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie. Confronté aux injustices de l’entreprise coloniale sur place, il s’engage rapidement auprès de la résistance nationaliste algérienne et noue des relations avec des cadres du Front de libération nationale (FLN).

Hôpital Psychiatrique de Blida-Joinville en 1933

Il concrétise ce faisant une pensée, un état d’esprit déjà notifié dans son premier livre « Peau noire, masques blancs » :

Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte. 1

Fanon démissionne de son poste hospitalier en 1956 et abandonne avec sa nationalité française. Expulsé vers la Tunisie en Janvier 1957, il se rattache officiellement à l’antenne du FLN sur place.

Une mémoire vivante et éternelle

Ayant fait sienne la cause des opprimés et des indépendantistes africains, il multipliera les articles dans l’organe de presse du FLN « El Moudjahid » et deviendra un des visages internationaux du mouvement anticolonial dans le monde.

Nous ne sommes rien sur terre si nous ne sommes d’abord esclaves d’une cause : celle des peuples, celle de la justice et celle de la liberté. 2

Joignant les paroles aux actes, ses ouvrages « L’an V de la révolution algérienne » et « Les damnés de la terre » deviendront des textes influents et étudiés aussi bien au sein de divers mouvements de résistances populaires que dans les universités américaines.

Frantz Omar Ibrahim Fanon décédera le 6 décembre 1961 à Washington peu de temps avant l’indépendance officielle de l’Algérie à laquelle il avait grandement contribué.

Frantz Fanon en conférence à Tunis. 1959.

Son analyse psychologique et psychiatrique de la violence coloniale sur la personnalité et l’identité du colonisé est un élément majeur et singulier de son œuvre.

Des observations de terrain, loin des théories élitistes habituelles, et qui restent, jusqu’à nos jours, des cas d’études d’autorités dans de nombreux cercles altermondialistes.

Très peu reconnu en France, les œuvres et la personne de Fanon demeurent malgré tout une mémoire vivante et inspiratrice dans la pensée post-coloniale et panafricaine.

Le penseur martiniquais reste un miroir incommodant qui a cristallisé un ensemble de sujets encore tabou que la République ne souhaite toujours pas aborder. Il le faudra pourtant bien un jour.

Ibrahim Madras

1-Extrait de son livre « Peau noire, masques blancs« 
2-Extrait d’une lettre envoyée un mois avant sa mort, à l’un de ses amis, Roger Taib.

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