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samedi 27 avril 2024

La confrérie Tidjaniya au cœur d’une bataille entre Rabat et Alger

Confrérie soufie créé en 1782, regroupant plus de 200 millions d’adeptes, la Tidjaniya a été fondée par Ahmed Tijani né dans l’actuelle ville algérienne de Aïn Mahdi et mort à Fès (Maroc). Depuis quelques années, les deux pays rivaux d’Afrique du nord redoublent d’efforts pour s’approprier la légitimité du mouvement. Le focus de la rédaction.

Le ridicule ne tue pas. En politique, moins qu’ailleurs. Dans la guerre psychologique que se livrent les gouvernements algérien et marocain pour la suprématie politique et culturelle dans la région, après le couscous, et les maillots d’Adidas, voici venu le tour de… la confrérie Tidjani.

Une bataille infernale pour le contrôle diplomatique du mouvement qui a commencé en réalité il y a quelques décennies. Et les Marocains ont pris de l’avance.

Tidjaniya, une confrérie de 200 millions d’adeptes

Le roi Hassan II.

Dès le règne de Hassan II, le Maroc a entrepris une politique de soft power basé sur les confréries soufies dont la tidjaniya, explique Jeune Afrique, avec comme but affiché de prendre la tête du leadership maghrébin en Afrique. « Le roi Hassan II tisse des liens très forts avec le Sénégal (…) en 1963, le souverain finance et inaugure la Grande Mosquée de Dakar ; en 1985, il crée la Ligue des oulémas du Maroc et du Sénégal. »

À la mort du souverain marocain, en 1999, son successeur Mohamed VI « fait lire par son ministre des Affaires religieuses un long message traduit en wolof aux Tijanis sénégalais. » L’un des chouyoukhs (savants) sénégalais de la Tiddjaniya Maodo Sy, prête allégeance au trône alaouite.

L’enjeu est important pour Rabat comme pour Alger. La Tidjaniya créée en 1782, compte plus de 200 millions d’adeptes essentiellement en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Nigeria). Son fondateur, Ahmed Tidjani, est né à Aïn Mahdi et mort à Fès. Deux villes, deux pays, deux candidats.

La tentative d’OPA marocaine sur la Tidjaniya

Les Marocains estiment que la Tidjaniya est indéfectiblement liée au royaume. Ahmed Tijani, fuyant les Ottomans, s’était réfugié au Maroc en 1799 sous la protection du sultan Moulay Slimane et aurait via son grand-père des ascendances tribales marocaines.

Chaque année, Fès accueille aussi le plus grand rassemblement tidjani (1,5 million de fidèles ).

Rabat n’hésite d’ailleurs pas à s’appuyer sur le réseau confrérique dans sa lutte de pouvoir sur le sahara occidental ou pour contrer l’influence wahhabite en Afrique.

Malgré cela, l’Algérie entend elle aussi jouer toutes ses cartes. A l’occasion de la 17e conférence de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui se tiendra à Alger, avec 57 chefs d’états musulmans, le président Abdelmadjid Tebboune a d’ores et déjà prévu une visite à Aïn Mahdi, lieu de naissance du fondateur de la Tidjaniya, « en présence du leader spirituel de la branche algérienne de la Tijaniya : Sidi Ali Belarbi Tijani »

Le retard d’Alger

L’intérêt d’Alger envers la confrérie remonte aux années 1980. En 1983, Alger rapatrie à titre d’exemple le corps du cheikh Mohammed El Habib, descendant d’Ahmed Tijani, installé au Sénégal depuis 1950.

« Le président sénégalais de l’époque, Abdou Diouf, lui avait donné une dimension politique et diplomatique en mettant son avion personnel à la disposition des cheikhs de la Tijaniya », relate l’historien sénégalais Bakary Sambe. Mohammed El Habib a été enterré à Kourdane tout près d’ «Ahmed Tijani»… le petit-fils du fondateur de la Tijaniya, inhumé quant à lui à Fès. « Mais jusqu’à aujourd’hui, les autorités algériennes jouent sur l’ambiguïté pour attirer les Sénégalais et court-circuiter Fès », commente l’historien marocain Jilali El Adnani.

Une rivalité entre deux pays frères

En 1984, l’Algérie organise un rassemblement de Tijanes venus d’Algérie, de Tunisie, d’Égypte et d’Afrique (pas du Maroc) à Aïn Mahdi. 20 millions de dollars serviront également à financer la construction d’un complexe de logement social à Dakar. Abdou Diouf, le président sénégalais, reconnaît dans la foulée la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et le Front Polisario.

Le Maroc riposte l’année suivante. Un Colloque international sur la Tijaniya est organisé à Fès en 1985, devenu entre-temps un événement annuel. Au cours de ce colloque, plusieurs leaders spirituels de la confrérie adouberont la marocanité du sahara occidental. De quoi aiguiser un peu plus la rivalité entre les deux frères d’Afrique du Nord.

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