Dans sa dernière chronique, Faouzia Zebdi-Ghorab nous parle de ces femmes musulmanes déconsidérées pour leur engagement familial et culinaire durant le Ramadan. Elle leur rend hommage avec un style et une plume toujours aussi bien aiguisée. Sur Mizane.info.
Pour ces femmes-là, le combat de la modernité est loin d’être gagné. Le mois de ramadan en est chaque année le triste spectacle et la déplorable preuve.
Préparation de mets aussi variés que nombreux. Les mains dans le « cambouis » fidèle au rendez-vous, la ménagère musulmane s’affaire parfois plusieurs heures, dans SA cuisine afin de nourrir une famille plutôt réduite en cette période de confinement. Mais vaille que vaille, elle s’attèle autant qu’avant, si ce n’est plus, car il faut désormais consoler par quelques mets gourmets et gourmands, les esprits relativement dépités par la situation sanitaire et le confinement
Les musulmanes, intellectuelles, laïques, féministes, bisexuelles… ont bien du pain sur la planche. Elles ont de quoi en effet, être dépitées par toutes ces musulmanes qui sont la preuve sur pied que leur travail de désaliénation est loin d’avoir même commencé.
Ces affranchies définitivement libérées de l’emprise de cet homme dominateur et oppresseur considèrent bien sûr, qu’on ne les a pas assez entendues, qu’elles n’ont pas suffisamment usé les planches des salles, des colloques, des conférences internationales, et autres plateaux télé.
Le combat ne sera pas gagné tant que cette musulmane, vile caricature de l’humanité, dégradera l’image de la femme moderne, symbole de l’émancipation et de la liberté. Elles réalisent exaspérées que l’on ne les écoute pas assez, qu’Il leur faudra encore beaucoup de temps et d’arguments pour que ces cuisinières patentées arrêtent de frire leurs bricks, viande hachée, thon, ou saumon, et s’élancent enfin dé-chainées, dans l’espace libre de la sacrale modernité.
« Mais il faut bien manger ! » Rétorqueront tous ces barbus machos et bornés !
Un n-ième scandale pour ces partisanes de « l’égalité ». La mayonnaise ne prend pas. On veut arracher ces musulmanes à leur statut d’esclave, mais elles s’y accrochent. Syndrome de Stockholm ? Surement !
Sur le devant de la scène chaque année
Le sujet du ramadan et de la femme musulmane revient sur le devant de la scène chaque année. Et si tant est que l’on soit un peu fatigué par les discours des unes et des autres, ces blablateries peuvent finir par nous miner.
La cuisine et la maternité qui obsèdent les féministes commencent également à obséder certaines youtubeuses et blogueuses musulmanes qui se font de façon involontaire ou pas, le relais de cette modernité imposée.
La ménagère PERD SON TEMPS dans la cuisine alors qu’elle devrait multiplier les actes de cultes et d’adoration !
D’où la multiplication des discours et autres formations pour apprendre à la femme musulmane à organiser sa journée comme un bon PDG.
Pourtant…
Pourtant QUE DE TEMPS PERDU par ailleurs au téléphone, devant la télé, au shoping, à choisir le bon vêtement, à s’habiller, à décorer son intérieur par quelques gadgets empruntés à la modernité … Alors pourquoi focaliser uniquement sur la femme maternelle et nourricière ?
Cette manie de certains et certaines à vouloir constamment dire à la femme –musulmane- ce qu’elle doit faire, penser, changer, en devient, pour rester polie, plus qu’excédant.
Trop ceci et pas assez cela
Tu es trop dans LA cuisine disent les féministes. Tu n’es pas assez dans TA cuisine diront ces musulmans qui n’ont pas compris qu’il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger.
La musulmane doit trouver un juste équilibre entre son temps de cuisine et son temps d’adoration disent enfin les musulmanes multitâches, ces wonder women de l’organisation et de l’efficacité qui culpabilisent les 90 % des autres musulmanes qui n’ont ni leur « intelligence » ni leur dextérité.
5 moyens pour OPTIMISER SON TEMPS, 7 méthodes pour ORGANISER SON TEMPS, 3 secrets pour GERER SON TEMPS, 11 astuces pour GAGNER DU TEMPS, X façons pour ne pas PERDRE SON TEMPS ….
Mais qui dit que cette « pauvre bonniche » debout dans sa cuisine « perd son temps » ? De quel droit s’autorise-t-on cette intrusion dans sa conscience ?
Peut-être profite-t-elle d’un cours audio ? Peut-être est-elle en profonde réflexion ou méditation ? Peut-être est-elle dans une discussion affectueuse et enrichissante avec un de ces enfants ? Peut-être en profite-t-elle pour, dans son for intérieur, en toute intimité, invoquer Dieu ?
Sont-ce vraiment ces heures passées à la cuisine qui font de la ménagère une mauvaise gestionnaire de son temps ? Ce débat ne relève-t-il pas d’une vaste hypocrisie ? Le temps que l’on perd aux yeux de certains n’est-il pas plutôt le temps que l’on ne prend pas à CONSOMMER, PRODUIRE, RENTABILISER, S’ALIÉNER PAR DE LA SOUS CULTURE ?
L’horloge du temps
Si l’horloge du temps devait nous obséder c’est parce que le temps défile sans que nous puissions le contrôler et qu’il nous rapproche inéluctablement de la mort, véritable HEURE de vérité.
Faouzia Zebdi-Ghorab
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