Au cours de l’exercice 2016/2017, la Fondation Friedrich Ebert a mené une vaste enquête auprès des jeunes dans huit pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Les résultats fournissent un aperçu fascinant des attitudes, des perceptions et des ambitions de quelque 9 000 jeunes âgés de 16 à 30 ans en Egypte, Bahreïn, Yémen, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine, Syrie et Tunisie. Les auteurs de l’étude ont comparé ces résultats avec ceux de jeunes vivant en Allemagne, musulmans et non-musulmans. Entres autres choses, l’étude montre que les jeunes des pays arabophones ont une vision optimiste de la vie, mais une profonde méfiance de la politique. Elle montre également les similitudes entre jeunes allemands au-delà des particularismes confessionnels. Jorg Gertel de la Fondation Ebert, s’en est expliqué dans les colonnes de nos confrères de Qantara.de.
Quelles conclusions de l’étude vous ont le plus surpris ?
Je trouve très surprenant le contraste entre la situation économique, politique et sécuritaire instable de la région et la vision optimiste des jeunes de l’avenir.
Comment expliquez-vous cela ?
Les parents de ces adolescents sont entrés sur le marché du travail à une époque où de nombreux emplois étaient garantis par l’État. Ces jeunes ont bénéficié d’une meilleure éducation que leurs parents. Certains vivent encore à la maison, d’autres ont déménagé. C’est une distinction importante à faire: ceux qui vivent encore avec leurs parents se sentent protégés et jugent leur situation économique plutôt prometteuse. Alors que ceux qui ont déménagé et ont fondé leur propre famille disent que leur situation est mauvaise ou même très mauvaise. Une fois qu’une personne commence à assumer la responsabilité économique de sa propre vie – et de celle des autres – sa perception change.
Et pourtant, 65 % des jeunes sont optimistes quant à l’avenir ?
Nous pouvons dire qu’il y a un échange et un processus d’apprentissage mutuel entre les jeunes musulmans et non-musulmans en Allemagne : ils commencent à partager les mêmes valeurs. Si vous regardez ce que les musulmans en Allemagne apprécient le plus, vous constatez que leurs choix sont similaires à ceux de leurs pairs. C’est l’une des découvertes les plus intéressantes de l’étude. Entre la moitié et les deux tiers des personnes interrogées ont déclaré que l’immigration n’était pas une option. Seulement 7% ont dit vouloir déménager à l’étranger. Un tiers ont dit qu’ils étaient indécis sur cette question.
Le printemps arabe a eu un fort impact sur ces adolescents. Ont-ils perdu espoir dans les réformes démocratiques ?
Il est clair que pratiquement personne ne veut s’impliquer dans la politique – et la politique partisane en particulier. L’étude montre que la plupart des jeunes placent leur confiance en Dieu et dans les réseaux familiaux. Cette foi n’est pas de nature politique, c’est une affaire privée. Les jeunes se méfient de la classe politique. Ils ne veulent rien avoir à faire avec elle. Un profond fossé les sépare du monde politique. L’étude montre que cette foi est considérée comme une affaire personnelle et que personne d’autre ne devrait interférer avec.
A quel point les expériences de vie et les croyances des adolescents allemands et de leurs pairs arabes sont-elles similaires ou différentes ?
Il y a plusieurs différences mais aussi des similitudes majeures. Quand il s’agit de valeurs, Dieu joue un grand rôle pour la jeunesse arabe. Les adolescents allemands disent qu’ils apprécient un partenaire en qui ils peuvent avoir confiance et de bons amis qui les acceptent tels qu’ils sont. Surtout, ils rejettent la conformité. Les jeunes allemands et arabes partagent le respect de la loi et de l’ordre ; ils valorisent la vie familiale, le travail acharné et le dévouement. Les deux groupes ont également accordé une importance similaire à l’acceptation d’opinions divergentes et au soutien de ceux qui ont été marginalisés par la société. Ici, la jeunesse allemande et arabe partagent les mêmes opinions.
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