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jeudi 21 novembre 2024

La presse française découvre « timidement » le terrorisme d’extrême-droite

Manifestation néo-nazie à Wunsiedel, en Allemagne. (capture d’écran RT France).

L’attentat commis à la synagogue de Pittsburgh par Robert Bowers, un antisémite de 46 ans, a relancé le débat sur la dénomination des tueries racistes, longtemps épargnées par le qualificatif diabolisant de terroriste. Même si la tendance est limitée, quelques médias français commencent toutefois à employer le terme pour désigner la violence politique suprématiste.

Dans un article publié le 29 juin de cette année, au moment où un groupe d’extrême droite française, l’AFO, préparait une campagne d’attentat antimusulman sur le territoire national, nous avions mis en évidence le fait que la notion de terrorisme n’était employée quasi exclusivement que pour désigner des criminels de religion musulmane ou désignés comme tel.

Une analyse quantitative et qualitative de la médiatisation de cette affaire par la presse française nous avait permis de le démontrer. 48 heures après l’attentat antisémite qui a causé la mort de 11 juifs américains à la synagogue de Pittsburgh, il est intéressant de constater que ce débat récurrent en France a produit quelques petites évolutions dans la presse hexagonale.

Une évolution relative mais réelle

Certes, les changements sont marginaux et la tendance lourde reste la même : le terrorisme reste dans l’imaginaire français une fabrique made in islamique. Pour autant, ces évolutions sont importantes à signaler car elles pourraient augurer d’un changement de perception du phénomène de la violence politique suprématiste qui a tué, Outre-Atlantique, près d’une centaine de personnes depuis le 11 septembre 2001.

Ainsi, l’Express titrait-il le 30 octobre « Le terrorisme d’extrême droite, un fléau américain » en accordant une large place à la notion de « terrorisme intérieur » propre aux Etats-Unis et qui remonte à la guerre de Sécession.

Si LCI utilise pour sa part l’expression de « Tuerie antisémite de Pittsburgh » en titre d’un de ses sujets, la chaîne d’info désigne dans le chapeau du même article l’auteur de cette tuerie comme « un terroriste (qui) a ouvert le feu samedi 27 octobre dans une synagogue de Pittsburgh, en Pennsylvanie, tuant 11 personnes ». Même chose pour Nice-Matin qui parle d’un « attentat commis par un terroriste d’extrême droite ».

Les tensions terminologiques du Monde

Une autre observation intéressante qui reflète la tension visible entre la prégnance de l’utilisation politique de la notion de terrorisme, réservée aux terroristes musulmans, et la nécessité montante d’employer le même qualificatif pour les criminels d’extrême droite, se retrouve dans les colonnes du journal Le Monde.fr.

Si le quotidien de référence de la presse française n’utilise pas le terme de « terrorisme » ou « terroriste » pour qualifier l’acte de Robert Bowers dans ses articles d’information générale, il l’utilise dans la rubrique « Pixels : chroniques des révolutions numériques » dans l’article intitulé « Gab, le « Twitter d’extrême droite » fréquenté par le terroriste de Pittsburgh ».

Il est notamment intéressant de constater que le lien hypertexte de la phrase « Robert Bowers, identifié par les autorités comme l’auteur de l’attentat terroriste… » de cet article renvoie vers un autre article du Monde où le terme n’est pas employé à l’exception de la citation d’un communiqué de Gab qui condamne le terrorisme !

Le « terrorisme intérieur » : une notion d’état

Mais la palme revient à Slate qui publie une tribune de Daniel Byman qui aborde frontalement le sujet : « Pittsburgh: il faut appeler un terroriste un terroriste ».

Dans ce plaidoyer pour une reconnaissance des crimes racistes comme étant bien des attentats terroristes, l’auteur reprend entre autre le débat de la qualification judiciaire du terrorisme intérieur aux Etats-Unis, pays dans lequel il n’est possible de poursuivre pour terrorisme l’auteur d’un attentat que si et seulement si l’auteur en question est lié à un groupe inscrit sur la liste des organisations désignées comme terroristes par le gouvernement fédéral !

Les termes ubuesques de ce débat, qui enfonce visiblement le clou sur la politisation de l’usage du terme de terrorisme, sont repris tels quels dans un article de Libération.

Du communautarisme au terrorisme : la sélectivité des usages

Cette brève énumération dévoile ainsi simultanément de quelle manière la question tendancieuse du terrorisme et de son usage comme catégorie politique (qui n’est pas sans rappeler, à un autre niveau, l’emploi sélectif de la notion de communautarisme) demeure un arrière-plan privilégié pour désigner la violence politique commise par des activistes musulmans ou désignés comme tel et à quel point la même désignation pour qualifier des meurtres de civils inspirés par une idéologie politique, qui est la définition la plus courante du terrorisme, reste statistiquement insignifiante ou marginale dans les attentats racistes.

Une forme de résistance psychologique qui pourrait ne plus tenir très longtemps au vu de la constance tendancielle des assassinats de personnes racisées par des suprématistes blancs.

Fouad Bahri

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