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mercredi 04 décembre 2024

La révolte d’Abdallah ibn Zubayr 1/2

La prise du pouvoir par Yazid fils de Mu’awwiya a été le déclencheur d’une série de révoltes politiques dont la plus importante fut celle d’Abdallah ibn Zubayr qui, pendant près de dix ans, tint tête à Yazid et Marwan ibn Al Hakam, jusqu’à sa mort sous le règne d’Abdelmalik. Un récit en deux parties sur Mizane.info.

La fondation de l’empire omeyyade, bâti sur la puissance armée, ne s’est pas faite sans remous. Les territoires islamiques ont été le théâtre de plusieurs révoltes contestant le principe dynastique institué par Mou’awiyya et inauguré à sa mort par le règne de son fils, Yazid Ier. Ces révoltes musulmanes, initiées par Hussain ibn A’li, se poursuivirent tout au long du règne omeyyade qui n’a jamais réussi à éteindre le feu de la contestation. Mizane.info publie le récit de la révolte d’Abdallah ibn Zubayr, fils du compagnon du Prophète Zubayr ibn al Awwam, qui gouverna La Mecque et une partie du Sham durant près de dix ans avant d’être tué et crucifié par le sombre Al Hajjaj. Un récit séquentiel et épisodique établi sur la base des chroniques de l’exégète et savant musulman Tabari.

« Mou’âwiya mourut au mois de Rajab de l’an 60 (682, ndlr). Avant d’expirer, il fit à son fils Yazid les recommandations suivantes : « Sache, ô mon fils, que j’ai fait tout ce qu’il fallait faire pour te préparer l’empire. Tu as été reconnu comme mon successeur au califat par tous les musulmans. Quatre hommes seulement ont refusé de prêter le serment et voici quelle doit être ta conduite à leur égard. Quant à ‘Abd-er-Ra’hmân, fils d’Abou Bakr, c’est un homme qui aime les plaisirs. Donne-lui tout ce qu’il désire, afin que sa vie soit absorbée par les jouissances. Abdallah, fils d’Omar, adonné à la vie religieuse, ne songera pas à rechercher le pouvoir. C’est Abdallah, fils de Zubayr, qui est le plus dangereux de tous. Cherche de toutes manières à obtenir qu’il te prête le serment de fidélité. Quant à Hussain, fils d’Alî, invite-le à te reconnaître. S’il refuse, tiens-toi sur tes gardes ; mais s’il consent, accorde-lui tout ce qu’il demandera et traite-le avec bonté; car nous avons dépossédé sa famille par la violence. Traite avec bonté les habitants de la Mecque et de Médine qui ont été les soutiens de ton père. »

(…)

Walid (gouverneur de Médine nommé par Yazid Ier, ndlr) avait, à trois reprises différentes, fait inviter Abdallah, fils de Zubayr, à se rendre auprès de lui. Abdallah avait répondu chaque fois qu’il allait venir immédiatement. Enfin Walid fit occuper l’entrée de sa maison par des soldats. Abdallah envoya son frère Dja’far, afin de demander à Walid s’il n’avait pas d’autre ordre à faire exécuter que celui de faire prêter le serment. Walîd ayant déclaré qu’il n’avait pas d’autres instructions, ajouta : « Pourquoi donc tant de craintes à ce propos ? » Dja’far répliqua que son frère avait perdu la tête et que si l’émir voulait retirer ces soldats qui gardaient sa maison, il s’engageait à amener Abdallah, le lendemain, auprès de lui. Walîd consentit. A la tombée de la nuit, Abdallah, avec Dja’far et tous les gens de sa maison, s’enfuit, se dirigeant par des routes détournées vers la Mecque. Le lendemain matin, Walîd, ayant été informé de sa fuite, le fit poursuivre par un de ses affranchis à la tête de trente cavaliers. Ces hommes, après avoir vainement exploré la contrée, revinrent à Médine.

(…)

Abdallah, fils de Zubayr (dont l’un des frères était resté à Médine), et Hussain se tenaient cachés à la Mecque. Cependant Abdallah nourrissait le projet de lever ouvertement l’étendard de la révolte et de s’emparer de la Mecque. Hussain ne lui prêta aucune assistance, disant qu’ils devaient se tenir tranquilles, n’ayant point d’armée à leur disposition, et ne pouvant pas compter sur les habitants de la Mecque, qui n’étaient pas des hommes de guerre. Abdallah, malgré cet avis, déclara la guerre à l’autorité, s’arrogea le droit de présider à la prière du matin à la place de ‘Hârith, le gouverneur, qu’il chassa, occupa le palais du gouvernement et s’empara de l’administration de la ville.

Yazid, informé par une lettre de ‘Hârith, fils de Khâlid, qui était resté caché à la Mecque, de ce qui venait de se passer, envoya à ‘Amr, fils de Sa’d, l’ordre de diriger de Médine une armée contre Abdallah, fils de Zubayr. ‘Amr, fils de Sa’id, fit appeler ‘Amr, fils de Zubayr, et lui demanda qui il pourrait charger de cette expédition. ‘Amr, fils de Zubayr, s’offrit lui- même. ‘Amr, fils de Sa’îd, lui dit de se préparer pour partir et lui communiqua les termes de la lettre qu’il avait reçue de Yazid, et dans laquelle celui-ci disait que, en apprenant la révolte d »Abdallah, fils de Zubayr, il avait juré de n’agréer son serment d’obéissance que s’il fût amené devant lui pieds et poings liés, et le carcan au cou.

« J’en fais mon affaire », dit ‘Amr, fils de Zubayr, et il se mit en route pour la Mecque à la tête de sept cents soldats, dont l’avant-garde, composée de deux cents hommes, était commandée par Onaïs, fils d »Amr. Il emporta avec lui un carcan en argent, qu’il voulait mettre au cou d’Abdallah, lorsqu’il l’aurait pris. Abdallah avait formé un corps de troupes, composé de gens de la Mecque, de Bédouins et d’Abyssins. Arrivés devant la Mecque, ‘Amr divisa son détachement en deux corps. Il s’établit lui-même avec cinq cents hommes au Bat’hâ de la Mecque, et envoya Onaîs à Dsou-Towa, son plan étant de pénétrer dans la ville sur deux points différents.

Il adressa ensuite à son frère Abdallah une lettre ainsi conçue : « Ne profane pas le sanctuaire de Dieu et n’y verse pas du sang. Si tu veux en venir aux armes, sors de la ville ; si, au contraire, tu veux la paix, prête le serment d’hommage à Yazîd. Yazîd a juré qu’il ne recevra ton serment que lorsque tu seras amené devant lui, le carcan au cou. J’ai l’intention de te mettre un collier d’argent caché sous la chemise et un manteau, et de te diriger ainsi vers Yazîd. »

Abdallah ibn Zubayr répondit (à son frère) : « Tu devrais être honteux de vouloir charger ton frère d’un carcan et le livrer à un usurpateur ! Mais ta haine envers moi date de loin. Le jour est venu où je veux en finir avec toutes ces menées. »

Abdallah, qui avait un millier de soldats à sa disposition, confia la moitié de ces troupes à Abdallah, fils de Çafwân, fils d’Omayya, l’un des notables de la Mecque, qui avait fait cause commune avec lui, ainsi que tous les Benî-Djouma’h. Abdallah, fils de Çafwân, attaqua Onaîs à Dsou-Towa, sur le territoire sacré, le tua et mit son armée en déroute.

Moç’ab, [fils d’Abd-er-Ra’hmàn], livra combat à ‘Amr, fils de Zubayr, qui, après avoir vu la défaite de ses troupes, erra toute la journée en cherchant un refuge. A la tombée de la nuit, il abandonna son cheval et entra dans la maison d »Obaïda, fils de Zubayr, qui lui accorda la protection demandée. ‘Obaïda était établi à la Mecque à demeure, et y avait acquis une propriété. Sa vie tout entière était consacrée à la dévotion, et il ne se mêlait pas aux luttes de ses frères, qui le respectaient à cause de son âge (car il était l’aîné d’entre eux) et à cause de sa piété.

Abdallah, qui savait que ‘Amr était dans la ville, le fit rechercher sans relâche, et ‘Obaïda finit par lui dire qu’il avait asile à ‘Amr dans sa maison et qu’il lui avait promis la rie. Abdallah dit : Je t’accorde sa vie ; amène-le ; mais il est impossible de lui pardonner tout le sang qu’il a versé. Il fit chercher ‘Amr et le mettre en prison [se proposant de le faire maltraiter]. Ses frères vinrent ensuite le trouver et lui déclarèrent que, pour leur part, ils voulaient faire grâce à ‘Amr du châtiment qui lui était réservé. Abdallah répondit que, quant à lui, il n’y renoncerait pas. Il donna l’ordre de l’amener et le fit étriller. ‘Amr expira pendant l’exécution. Abdallah, s’étant emparé de la Mecque, se fit reconnaître comme souverain à la place de Yazid. Hussain, qui ne quittait pas sa maison, ne prêta pas le serment d’hommage à Abdallah, et n’assistait jamais à la prière publique, à laquelle Abdallah présidait. Tous les membres de sa famille s’abstinrent également. Abdallah ne chercha pas à les contraindre, sachant qu’ils ne consentiraient pas. Ces événements se passèrent au mois de Dhul Hidja de l’an 60 de l’hégire.

(…)

Yazid avait donné le gouvernement de la Mecque à ‘Amr, fils de Sa’id, et celui de Médine à Walîd, fils d »Otba. Lorsque Abdallah, fils de Zubayr, s’enfuit de Médine et vint à la Mecque, sans être inquiété par ‘Amr, Yazid soupçonna ce dernier de connivence avec lui et le destitua, en le remplaçant par Walid, fils d »Otba, qui continua à résider à Médine et fit gouverner la Mecque par un lieutenant. Abdallah avait gagné à sa cause une partie des habitants de la Mecque, tandis que les autres demeuraient attachés à Yazid.

(…)

Abdallah et son parti accomplissaient la prière publique à part, et n’assistaient pas à la prière présidée par le lieutenant de Walîd. Cependant, aussi longtemps que Hussain restait à la Mecque, Abdallah observa envers lui certains égards.

Après la mort de Hussain, Abdallah ibn Zubayr appela les habitants de la Mecque à lui prêter serment, en disant : « Voyez comment les gens de l’Irâq ont traité Hussain ! » Il fit son éloge et le pleura; et le peuple lui dit : « Maintenant il n’y a personne qui ait plus de droits au pouvoir que toi ».

Et on lui prêta serment. Lorsque Yazid fut informé de ces faits, il jura qu’il ferait amener Abdallah en sa présence le carcan au cou. En effet, il fit faire un carcan d’argent et l’expédia à Walîd par deux messagers, avec l’ordre d’en charger Abdallah et de le faire conduire ainsi à Damas. Walîd envoya les messagers à la Mecque, pour communiquer le message de Yazid à Abdallah. Celui-ci prit le carcan, le plaça devant lui, secoua la tête, et pour toute réponse, récita les deux vers suivants : « Certes, je suis d’un bois (nab’a) qui résiste au choc des tempêtes et des mauvais temps. Et je ne céderai pas à l’injustice une parcelle jusqu’à ce que la pierre s’amollisse sous la dent de celui qui la mâche. » Les messagers revinrent auprès de Yazid et lui dirent les deux vers qu’ils avaient entendus de la bouche d’Abdallah. Yazid garda le silence.

(…)

Cette année, au temps du pèlerinage, Walîd vint à la Mecque et en présida les cérémonies pour un groupe de pèlerins, tandis qu’Abdallah, fils de Zubayr, présidait le pèlerinage d’un autre groupe, composé de ses adhérents. Au commencement de l’an 62, Walîd [sur l’ordre de Yazid] songea à faire arrêter Abdallah. Celui-ci, averti, écrivit à Yazid une lettre, dans laquelle il lui dit : « Ce Walid est extrêmement sot et inepte, et par son ineptie, il perd tes affaires. Envoie un autre gouverneur, pour y mettre ordre ». Yazid, voyant avec plaisir qu’Abdallah lui avait écrit, et espérant qu’il se soumettrait, révoqua Walîd, et le remplaça par son cousin ‘Othmân, fils de Mo’hammed, un jeune homme sans expérience. Celui-ci se rendit à Médine, où il passait son temps dans les plaisirs.

(…)

Au mois de mo’harrem de l’an 64, Mouslim étant à Médine, sa maladie devint plus grave. Il reçut une lettre de Yazid, qui lui ordonna, aussitôt qu’il aurait complété la réduction de Médine, de marcher sur la Mecque, pour attaquer Ibn Zubayr, dont les forces étaient devenues menaçantes. Mouslim établit comme gouverneur de Médine Rau’h, fils de Zinbâ’, et partit pour la Mecque. A trois journées de marche de cette dernière ville, son état empira. Il fît appeler Hoçaïn, fils de Nomaïr, et lui remit le commandement. Il mourut le lendemain. ‘Hoçaïn fît avancer l’armée jusques sur le territoire de la Mecque. Les habitants de la Mecque et les Médinois qui s’étaient réfugiés dans cette ville avaient prêté le serment d’hommage à Abdallah, fils de Zubayr. Celui-ci fît sortir ses troupes de la ville, et attaqua aussitôt les Syriens, avant qu’ils fussent reposés. Le premier qui trouva la mort, fut Moundsir, le frère d’Abdallah, fils de Zubayr.

Les Syriens chargèrent les Mecquois avec vigueur et en tuèrent un grand nombre. Abdallah rentra en fuyant dans la ville que les Syriens investirent complètement.

Puis, ils établirent des machines de siège et lancèrent sur la Kaaba des pierres, qui brisèrent les colonnes de la mosquée. Celui qui dirigeait les machines était un infidèle, un Abyssin, qui, en exécutant son œuvre chantait des vers arabes. Il lança aussi des vases remplis de naphte allumé, qui mirent le feu aux étoffes qui couvraient la Kaaba, de sorte qu’elle resta complètement nue.

Un jour, lorsque cet Abyssin lançait ses projectiles enflammés, il se leva un vent qui mit le feu à la machine et atteignit l’Abyssin et tous ceux qui avaient desservi la machine, au nombre de dix, et les brûla. Cet événement eut lieu le jour même où mourut Yazid, fils de Mou’awiya, en Syrie. Les Syriens, témoins de cette scène, se retirèrent en disant : « Nous ne voulons pas avoir affaire au temple de Dieu ! » L’attaque fût suspendue le lendemain.

(…)

Hoçaïn écrivit une lettre à Yazid (dont il ignorait la mort) et lui rendit compte de la situation d’Abdallah, fils de Zubayr. Le quatrième jour, Abdallah envoya à Hoçaïn le message suivant : « Au nom de qui faites-vous la guerre ? Yazid est mort ». Hoçaïn ne voulut pas croire à cette nouvelle. Enfin Thâbit, fils de Qaïs, arriva de Médine, et confirma la nouvelle de la mort de Yazid, ainsi que celle de l’élection de son fils Mou’awiya. ‘Hoçaïn fit dire à ‘Abdallah : « Yazid est mort, et son fils est incapable de tenir le pouvoir. Viens avec moi en Syrie; nous te donnerons le gouvernement du monde. » ‘Abdallah refusa de quitter la Mecque.

(…)

Le pouvoir d’Abdallah, fils de Zubayr, grandit à la Mecque; ses adhérents se multiplièrent et l’engagèrent à se rendre en Syrie et en Iraq, dont les habitants, lui disait-on, le désiraient. Mais Abdallah n’osa pas sortir de la Mecque. Il se décida enfin à envoyer à Koufa un gouverneur, nommé Abdallah, fils de Yazid, l’Ançâr, et nomma Ans, fils de Mâlik, gouverneur de Baçra. Mais Ans ne sut pas faire reconnaître son autorité à Baçra. lbn-Zubayr envoya ensuite ‘Obaïdallah, fils de Ma’mar.

(…)

Les habitants de Syrie envoyèrent un messager à Abdallah, fils de Zubayr, pour l’engager à venir à Damas, où ils voulaient le proclamer. Abdallah répondit : « Que ceux qui veulent me prêter serment viennent auprès de moi ». Étant reconnu par toute la province de l’Iraq, il envoya en Égypte, comme gouverneur, Abder-Ra’hmân, fils de Dja’hdam ; ‘Ibdân, fils de Râschid, dans le Yémen, et son propre frère ‘Obaïda, à Médine.

Les habitants de Syrie étaient partagés en deux factions. Les uns voulaient proclamer comme calife Khâlid, fils de Yazid ; les autres Abdallah, fils de Zubayr. Les cinq gouverneurs de Syrie qui, à la mort de Yazid, se trouvaient en fonctions, étaient No’mân, fils de Beschîr, l’Ançâr, gouverneur d’Émèse ; Dahhak, fils de Qaïs, le Fihrite, gouverneur de Damas; Zofar, fils de Hârith, gouverneur de Qinnesrîn; Natal, fils de Qaïs, gouverneur de Philistin; et Hassan, fils de Mâlik, gouverneur de Fourdounn. Quatre de ces gouverneurs étaient partisans d’Abdallah, fils de Zubayr ; il n’y avait que ‘Hassan, fils de Màlik, qui fût dévoué à la cause de Khâlid, fils de Yazid; et Khâlid se rendit auprès de lui. Lorsque Hoçaïn, fils de Nomaïr, revint avec ses troupes de la Mecque, et qu’il vit les gens de Syrie ainsi divisés, il leur dit : « Nommez Khâlid ; car Abdallah, fils de Zubayr, ne se soucie pas de vous. J’ai fait tous mes efforts pour le décider à venir avec moi, et il n’a pas voulu. » Marwan, fils de ‘Hakam, en revenant de Médine, se prononça en faveur d’Abdallah, fils de Zubayr; car Khâlid était fort jeune, il n’avait que seize ans, tandis que, disait Marwan, le fils de Zubayr était un homme âgé, sage, et un homme de bien, et de plus parent du Prophète. Marwan ne songea pas un instant à la possibilité de se voir lui-même investi du califat.

‘Obaïdallah, fils de Ziyàd, qui, après sa fuite de Baçra, s’était retiré en Syrie, était opposé à l’élection de Khâlid, à cause des griefs qu’il avait à l’égard de son père Yazid. En effet, lorsque Yazid avait envoyé l’ordre à ‘Obaïdallah de se rendre à la Mecque et d’attaquer Abdallah, fils de Zubayr, ‘Obaïdallah avait refusé de marcher, en disant qu’il était malade ; et Yazid lui avait écrit une lettre ainsi conçue : « Lorsque tu as tué Hussain et les enfants du Prophète, tu n’étais pas malade ; maintenant qu’il s’agit de faire la guerre au fils de Zubayr, tu es malade ». Et Yazid songea à lui ôter le gouvernement de l »Irâq; mais il mourut avant d’avoir pris une décision. ‘Obaïdallah, étant ainsi devenu ennemi de Yazid, se tourna vers Marwan. Celui-ci était dans l’intention de se rendre auprès d » Abdallah, fils de Zubayr, à la Mecque, lorsque ‘Obaïdallah vint le trouver et lui dit : « J’ai appris que tu veux partir pour la Mecque et prêter serment à Abdallah, fils de Zubayr. —En effet, répondit Marwan, qui pourrait-on nommer, si ce n’est lui ; car Khâlid est un enfant ? — Il n’y a que toi, reprit ‘Obaïdallah, qui en sois digne. — Tu veux te moquer de moi, dit Marwan ». Alors ‘Obaïdallah insista tant sur sa proposition, que Marwan se laissa persuader.

Le lendemain du jour où avait eu lieu cette conversation, Dhahhak, le gouverneur de Damas, voulut faire proclamer Abdallah, fils de Zubayr, et faire prêter le serment en son nom. Il monta en chaire et prononça un discours, dans lequel il parla en termes énergiques de la mauvaise conduite de Yazid, tout en faisant l’éloge de son fils Khâlid. Celui-ci, qui se trouvait parmi les assistants, se leva et dit : « Musulmans, vous savez quels sont les bienfaits que Dhahhak a reçus de mon père. Aujourd’hui, il l’insulte et engage le peuple à reconnaître comme souverain le fils de Zubayr ! » Trois hommes de l’armée, Walid, fils d’Otba ; Yazid [fils d’Abou’i-Ghams] le Ghassânide, et Sofyân [fils d’Alabrad] se levèrent successivement et réfutèrent le discours de Dhahhak, en disant : « Est-ce là la récompense des bienfaits de Yazid, que tu appelles le peuple à reconnaître le fils de Zubayr qui est un hypocrite et dont le père était un malfaiteur, lequel a fait venir les gens de Koufa pour tuer ‘Othmân ? Il ne faut pas que la souveraineté sorte de la famille d’Oumayya. Elle appartient de droit à Khâlid, fils de Yazid. »

‘Amr, fils de Yazid, le Hakémite, parla ensuite dans le même sens que Dhahhak, en disant : « C’est à Abdallah, fils de Zubayr, que le pouvoir doit appartenir. Il est parent du Prophète, et par son âge et sa science il est le plus digne de commander. Il est le plus vénérable des Qoraïschites. La Syrie, T’Irâq, la Mecque et Médine et tout le Yémen ont reconnu Ibn Zoubayr ; pour quelle raison, vous, habitants de Damas, voudriez-vous le rejeter ? » Dhahhak, encouragé par ce discours, donna l’ordre d’arrêter les trois hommes, qui venaient de parler contre lui. Alors il s’éleva un tumulte dans la mosquée, on se battait et on lançait des pierres contre Dhahhak.

Celui-ci descendit de la chaire et se retira dans le palais, dont il fit fermer les portes, tandis que Khâlid, fils de Yazid, avec la foule, se rendit à la prison, en enfonça la porte et délivra les prisonniers. L’émeute se propagea dans toute la ville. ‘Obaïdallah et Marwan, avaient assisté, cachés dans un coin, à la scène qui eut lieu dans la mosquée. ‘Obaïdallah dit à Marwan : « Quand l’émeute aura fini son affaire, nous ferons la nôtre. » L’émeute dura à Damas toute la journée. A la tombée de la nuit, Dhahhak avec les siens, sortit de la ville et, ayant marché toute la nuit, s’arrêta dans un lieu nommé Merdj Râhit.

Le lendemain, les habitants de Damas se réunirent pour délibérer. Ils inclinaient vers Khâlid, fils de Yeztd, mais ils hésitaient à se mettre en opposition avec le monde entier, qui avait reconnu Abdallah, fils de Zubayr ; et cependant ils [ne] voulaient [pas] que la souveraineté sortit de la famille d’Oumayya. En voyant venir de loin ‘Obaïdallah, fils de Ziyâd, les chefs de la ville dirent qu’il fallait demander son avis. On le fit entrer et on lui demanda de faire connaître son opinion.

‘Obaïdallah dit : « Il n’est pas opportun de prêter le serment au fils de Zubayr, et il ne faut pas faire sortir la souveraineté de la famille d’Omayya. Vous savez combien de guerres les Syriens ont soutenu pour Mou ‘âwiya, afin de lui assurer le pouvoir. Si, aujourd’hui, on l’ôtait à sa famille, ce serait comme si vous méprisiez vos pères.

Quant à Khâlid, fils de Yazid, il n’a aucun droit de monter sur le trône ; car aujourd’hui le droit n’appartient à personne. Celui qui montera sur le trône aura beaucoup à lutter contre le fils de Zubayr. Or Khalid est jeune et sans expérience. Il nous faut quelqu’un de la famille d’Oumayya, et je ne vois personne qui soit plus apte au califat, par sa prudence et son expérience, que Marwan, fils de ‘Hakam. » Tous les assistants s’écrièrent : « Tu as raison ! » Et on lui prêta serment sur-le-champ.

Lorsque Dhahhak apprit que l’on avait proclamé Marwan, il s’écria : « Tant que je respirerai, je n’y consentirai jamais ! » Il adressa des lettres aux gouverneurs des différentes provinces de la Syrie, qui avaient reconnu Abdallah, fils de Zubayr : à No’mân, fils de Beschîr, à Nâtal, et aux autres, leur annonça ce qui s’était passé, et leur demanda des troupes, afin d’attaquer Merwàn. Il écrivit aussi à Abdallah, fils de Zubayr, et lui demanda de lui envoyer des soldats, et recommanda aux gens de Damas de se préparer à la guerre contre MerwAn. Des forces considérables d’Émèse, de » Qinnesrîn, de Philistîn, vinrent grossir l’armée de Dhah’hâk.

Marwan, ayant nommé ‘Obaïdallah, fils de Ziyâd, général en chef de l’armée de Damas, marcha à Merdj-Râhit. On lutta pendant vingt jours avec acharnement, et il y eut un grand nombre de morts. Enfin l’armée de Dhahhak fut mise en déroute et se dispersa, chacun regagnant ses foyers. Alors il y eut, dans les différentes villes, des émeutes contre les gouverneurs partisans d’Ibn-Zobaîr. No’mân, fils de Beschîr, s’étant enfui d’Émèse, fut poursuivi et tué. Marwan, après avoir pris, à Damas, possession du pouvoir, envoya des gouverneurs dans les provinces. Puis il partit pour l’Égypte. Les habitants de cette province qui avaient reconnu Abdallah, fils de Zubayr, reconnurent maintenant Marwan, et le gouverneur d »Abdallah s’enfuit. Marwan , après avoir séjourné un mois en Égypte, y établit un lieutenant et retourna en Syrie. Il nomma Khâlid, fils de Yazid, gouverneur d’Émèse.

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