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mardi 03 décembre 2024

Le CFCM ne veut pas disparaître

Mohammed Moussaoui  (à droite) est l’actuel co-président du CFCM.

Trois jours après la rencontre du FORIF reçu par Emmanuel Macron et les propos du chef de l’état annonçant « avoir mis fin au CFCM de manière très claire et à son activité », le CFCM a exprimé sa volonté de ne pas mourir. Une assemblée générale a présenté de nouveaux statuts (article actualisé). Focus.

Faut-il y voir un défi de la part de Mohammed Moussaoui ? La tenue de l’assemblée générale du Conseil français du culte musulman (CFCM) ce 19 février pour présenter les nouveaux statuts portés et défendus par l’actuel co-président d’une institution qu’on pensait déjà enterrée, avait tous les signes d’une volonté obstinée de survivre contre vents et marées.

Des obsèques sans faire-part !

Tout avait commencé il y a un peu plus d’un an. Invité du Grand Jury LCI/RTL/Le Figaro, dimanche 12 décembre, le ministre des Cultes Gérald Darmanin prononçait en direct l’avis de décès du CFCM. « Le CFCM, pour les pouvoirs publics, pour la république française, n’existe plus, n’est plus l’interlocuteur de la République », avait-il déclaré. Des propos qui à l’époque avaient choqué. D’autant que les responsables de l’institution n’avaient pas reçu les faire-part de la cérémonie d’obsèques annoncée.

Un an après, c’était au tour du président de la République d’enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie. Le 16 février, au cours de son discours à l’occasion d’une rencontre/bilan du FORIF, cette instance de dialogue et de travail sur l’islam, Emmanuel Macron déclare « avoir mis fin au CFCM de manière très claire et à son activité ». Bis repetita.

Le « dont acte » du CFCM

Dans son dernier communiqué, le CFCM, co-présidé par Ibrahim Alci du Comité de coordination des musulmans turcs de France et Mohammed Moussaoui, revient de manière austère et diplomatique sur cet « incident ». « Le Président de la République, M. Emmanuel Macron, a annoncé le 16 février 2023, sa décision de mettre fin au rôle du CFCM dans le dialogue du culte musulman avec l’État, en choisissant un nouveau format. Les participants à l’assemblée Générale Extraordinaire de ce jour ont pris acte de ce choix et ont réaffirmé leur volonté de continuer à défendre les intérêts des membres du CFCM que sont les gestionnaires des mosquées et l’intérêt du culte musulman en général. Pour cela, ils utiliseront tous les moyens que leur offre notre État de droit et apporteront leur soutien à tous les acteurs qui œuvrent pour cet objectif. »

Les chiens aboient, la caravane passe. Ou trépasse.

Malgré tous leurs efforts pour conjurer la disparition d’une institution fantomatique qui n’avait servi, durant vingt années, ni les musulmans de France (qui boudaient l’institution), ni le culte musulman, une institution au bilan pratique quasi inexistant, Mohammed Moussaoui et Ibrahim Alci n’ont pas su convaincre au sein même de ce qu’il reste de l’institution. Les deux tiers du quorum requis pour voter les nouveaux statuts n’ont pas été réunis (seuls 55 % des participants étaient présents) obligeant les survivants du CFCM a organisé une nouvelle AG le 12 mars prochain.

Que prévoient les nouveaux statuts du Conseil français du culte musulman ?

Ces nouveaux statuts transposent deux axes d’une réforme portée depuis plusieurs années par Moussaoui qui a identifié les éléments de blocage du CFCM.

« Les nouveaux statuts prévoient une refonte du CFCM sur la base de structures départementales ; pourront y prendre part, d’une manière égalitaire, toutes les mosquées de France. Le bilan positif des structures départementales, créées ces dernières années dans des départements pilotes, nous conforte dans la pertinence de ce choix. Ils prévoient également la fin du système de cooptation (de la moitié des membres actuels du CFCM) par certaines fédérations dites statutaires. Ce système, qui s’est avéré antidémocratique et arbitraire, est la cause principale du blocage imposé au CFCM ces dernières années. »

Organisation du culte musulman sur une base démocratique à l’échelle départementale et fin de la cooptation par les fédérations. Voilà les deux mamelles statutaires du CFCM qui souhaite ainsi redonner la parole « aux acteurs locaux élus par leurs pairs qui auront la légitimité nécessaire ».

Un maigre bilan peu convaincant

Dans leur déclaration publique, les responsables tentent de défendre le bilan du CFCM. Et peine à convaincre. Le CFCM représente toujours selon eux plus de 1100 mosquées ayant participé à l’élection de 2020.

La nomination des aumôniers dans l’armée, les hôpitaux et les prisons, l’édition de guides pratiques et circulaires pour l’abattage selon les rites, le pèlerinage et l’organisation des espaces de sépultures dans les cimetières, ainsi qu’une avancée des travaux préliminaires qui ont contribué au Conseil national des imams, voilà en substance les résultats défendus. Pas de quoi fouetter un chat.

Le rôle de l’instance dans l’accompagnement des lieux de culte durant la crise du Covid a été aussi souligné par les signataires du communiqué.

La stratégie du tandem Moussaoui/Alci

Mohammed Moussaoui et Ibrahim Alci envisagent probablement de maintenir le bateau à flots en espérant un rabattage ultérieur des cartes dans un avenir incertain. Et jouer peut-être même sur la nécessité qu’une institution musulmane représentative du culte musulman existe, à l’instar des autres cultes.

Moussaoui lui-même n’a pas joué la carte de la confrontation. Il joue la durée et la discrétion pour un improbable come-back au cours d’une prochaine magistrature politique. 

Preuve en est, le co-président du CFCM n’a pas sorti son atout maître, la violation de la laïcité par le président de la République qui n’a pas le droit de s’ingérer dans les affaires internes d’un culte au nom de la séparation des pouvoirs. Au demeurant, cette carte n’est pas dans la main des bons joueurs, le CFCM étant lui-même née d’une violation de la laïcité, quoique moins brutale.

La volonté de replacer les imams au cœur du dispositif institutionnel est en soi une bonne idée, mais le FORIF a déjà damé le pion au CFCM. Et Moussaoui tout comme Ibrahim Alci et la plupart des représentants du CFCM sont des laïques.

L’ingérence consulaire, épine dans la chaussure du CFCM

La pire carte de l’actuel CFCM reste son lien organique avec les états étrangers. Essentiellement le Maroc. L’Union des Mosquées de France (UMF) présidée par un certain Mohammed Moussaoui revendique 750 lieux de culte sur les 2500 en France, soit 30 % de tous les lieux de culte dont plusieurs imams sont formés à l’institut Mohammed VI de Rabat. De quoi faire pencher la balance de la politique musulmane française en faveur du makhzen, si l’actuelle réforme départementale version CFCM advenait.

L’Algérie ne dispose pas de cette assise cultuelle et sa capacité réelle d’ingérence sur le culte à l’échelle nationale n’est pas comparable. L’influence de la Grande mosquée de Paris, proche de l’actuel président de la République pour lequel elle a fait campagne entre les deux tours de l’élection présidentielle, en violation là aussi de la séparation laïque des pouvoirs, ne dépasse pas le cadre des cercles officiels et protocolaires.

Quant à la Turquie, qui possède des liens historiques et organiques avec la CCMTF et une proximité culturelle et affective avec la CIMG, on connaît la détérioration des relations entre Erdogan et Macron. Ce qui ne va pas dans le sens d’un retour en grâce de l’actuelle direction du CFCM auprès du pouvoir français.

Raison pour laquelle la France, qui n’avait pas apprécié les ingérences des services de renseignement marocains dans la gestion locale du culte et qui de manière générale a souhaité rompre avec la tutelle étrangère des fédérations, a repris le dossier en main avec les Assises territoriales de l’islam de France. La différence étant que les participants sont cette fois triés sur le volet par les préfets sous la supervision du ministère de l’Intérieur. De quoi garantir le contrôle de la République sur ses ouailles. Et plonger le CFCM dans une grave crise existentielle. 

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