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lundi 23 décembre 2024

Les frondeurs du CFCM annoncent la création d’une autre structure

Chems-Eddin Hafiz (GMP, à gauche) et Amar Lasfar (MF).

Les quatre fédérations qui ont claqué la porte du bureau exécutif du CFCM ont annoncé la création d’une Coordination « afin de continuer à être au service des musulmans de France ». Une manœuvre anti-démocratique pour le président du CFCM. Le zoom de la rédaction.

Après avoir quitté le bureau exécutif du Conseil Français du culte musulman (CFCM), les quatre fédérations (Musulmans de France, FFAIACA, Grande Mosquée de Paris, Rassemblement des musulmans de France) ont annoncé la création d’une nouvelle coordination.

Cette coordination aura pour objectif selon leurs termes « de mener une réflexion approfondie pour la refondation de la représentation du culte musulman en France pour mieux servir les Musulmans de France. »

« La nouvelle instance représentative incarnera les valeurs essentielles de l’islam authentique et ouvert, dans la dignité et l’équité, en parfaite symbiose avec les valeurs et principes de la République », écrivent les fédérations dans un communiqué disponible sur le site de la Grande mosquée de Paris.

Cette décision semble consommer la rupture soudaine annoncée il y a quelques jours par les quatre frondeurs du CFCM.

La cause ? Une réunion maintenue par Mohammed Moussaoui, actuel président du CFCM, pour choisir un nouvel aumônier des prisons. Une décision prise contre la volonté officieuse des quatre fédérations, avaient-elles alors affirmé.

Mais pour le président de l’institution entrée dans la plus grave crise de son histoire, les raisons de cette scission sont toutes autres.

La cooptation à tout prix !  

Les fédérations auraient officieusement exigé de suspendre les réunions du CFCM « tant que les deux fédérations non signataires de la charte des principes pour l’islam de France y siègent » selon les mots de M. Moussaoui.

Derrière cette question de nomination d’un aumônier se cacherait d’autres divergences profondes. Des divergences que l’accord entre ces fédérations et le président du CFCM, sur la charte de l’islam de France et la création du Conseil national des imams, n’a pas réussi à aplanir.

Il s’agirait notamment du projet de réforme du CFCM porté par Mohammed Moussaoui. Ce projet consisterait à restructurer en profondeur l’institution en créant « des conseils départementaux du culte Musulman qui auront la légitimité requise et aboliront par la même occasion les frontières et les divisions artificielles que créent les fédérations au sein même de l’instance représentative du culte musulman ».

Le principe étant de refonder par la base une institution qui n’a jamais réussi à gagner en légitimité auprès des fidèles en y intégrant les acteurs locaux du culte dans les processus de décision. Cette réforme verrait l’opposition des quatre fédérations attachées au principe de cooptation qui leur permet de désigner directement la moitié des membres du Conseil d’administration. Le principe de la cooptation est jugé non démocratique par l’actuel président du CFCM.

« Les quatre fédérations ont désigné 30 membres parmi les 43 cooptés du Conseil d’Administration du CFCM (MF, GMP, RMF : 9 chacune et 3 pour FFAIACA), alors que les quatre fédérations confondues ne disposent que de 12 sièges parmi les 44 élus du CFCM. L’UMF que je préside, à elle seule, a obtenu 18 élus parmi les 44, mais n’a le droit à aucun membre coopté. »

Le CFCM, victime de ses rivalités politiques

En terme d’influence politique, cette réforme bénéficierait essentiellement au Maroc et dans une moindre mesure à la Turquie, un grand nombre de mosquées étant proches, par leurs associations gestionnaires, de ces deux pays.

Cette configuration politique expliquerait l’alliance contre-nature entre Musulmans de France (ex-UOIF, proche des Frères musulmans) et la Grande Mosquée de Paris, dont l’actuel recteur, l’avocat Chems Eddin Hafiz s’était illustré par des sorties tonitruantes dénonçant la mainmise des islamistes au CFCM !

Elle justifierait la volonté de court-circuiter les « assises de la départementalisation du culte musulman » annoncée par Moussaoui au profit d’un appel des quatre fédérations à « l’ensemble des responsables des lieux de culte et mosquées à participer activement à ce travail de réflexion qui permettra l’émergence d’une structure représentative du culte musulman en France capable de répondre aux attentes et aspirations des musulmans de France. »

Notons enfin que le même Chems-edin Hafiz a reçu récemment la visite du président Macron à la GMP, le 8 mars dernier.

Une visite commentée sur les réseaux sociaux comme électoraliste à un an de la présidentielle. Faut-il voir dans cette nouvelle fronde l’ombre de l’Elysée ? Difficile de l’affirmer, même si cette visite surprise de Macron à la GMP fait suite à une politique récente de dégel des rapports franco-algérien. Le retrait de Hafiz soulève enfin la question de la présidence du CFCM en 2022, qu’il devait prendre.

La présence de RMF dans cette coalition s’expliquerait pour sa part par les rivalités intra-marocaines entre RMF et UMF. D’après la journaliste de Libération Bernadette Sauvaget, « sur l’échiquier de l’islam de France, le RMF ne pèse guère. Surtout depuis la création, en 2013, de l’UMF (Union des mosquées de France), le vrai canal du gouvernement marocain, présidée par Mohammed Moussaoui. »

L’opposition de Moussaoui au projet de conseil théologique proposé par Anouar Kbibech (RMF) n’ayant pu que renforcer cette opposition.

Il n’en reste pas moins que le maintien d’un statu quo entre les pays d’origine pour éviter le partage consulaire de l’islam de France entre Rabat et Ankara pourrait justifier un affaiblissement de la position de Moussaoui et de son projet de réforme institutionnel. La présidence tournante de deux ans seulement, établie comme règle de gouvernance, apparaissant déjà comme un garde-fou institutionnel pour la France. Il semble acquis en effet qu’il n’est pas dans l’intérêt de Paris de permettre le monopole consulaire de quelque nation que ce soit sur son propre territoire.

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