Le Centre Islam in spanish de Dallas.
La communauté latino-américaine se tourne de plus en plus vers l’islam. Conversions, mariages et natalités ont provoqué un changement culturel majeur. De plus en plus de familles catholiques latinos sont confrontées à la conversion de l’un de leur membre. Mizane. Info vous plonge dans un reportage à Philadelphie du journal The Inquirer, que nous rendons accessible en français, pour découvrir l’ampleur de ce phénomène social.
Quand elle avait 19 ans et vivait dans le sud de la Floride, Bianca Guerrero, une immigrée chrétienne du Salvador, s’est convertie à l’islam. Sa décision n’a pas été bien prise.
« Je me suis faite virer de la maison », a déclaré Guerrero, aujourd’hui âgé de 35 ans et habitant à Philadelphie Ouest.
Sa situation n’est pas unique. Guerrero était l’une des quelque 30 personnes ayant participé à un programme organisé le mois dernier à Masjid Al-Hidayah, dans le nord de Philadelphie, par l’organisation Islam in spanish basée au Texas.
Cette organisation, qui a été créé en 2001 dans le but de fournir des corans, des brochures et des vidéos aux personnes souhaitant en savoir plus sur la religion dans leur langue maternelle, a vu 160 hispanophones se convertir dans la région de Houston au cours des trois dernières années.
Une croissance de conversion continue
Les nouvelles statistiques publiées par l’Institut pour la politique sociale et la compréhension en Colombie, basé à Washington, démontrent que les Hispaniques sont le groupe du pays qui connaît la plus forte croissance dans sa conversion à l’islam.
En 2009, seulement 1 % des hispaniques étaient musulmans. En 2018, ils étaient 7 %, d’après le rapport annuel « Prédire et prévenir l’islamophobie ».
Les raisons pour lesquelles les Latinos se sont convertis à l’islam sont diverses : de la culture hip-hop des années 1990 (…) à la recherche spirituelle d’une religion qui leur ressemble fidèlement, ou encore à une résurgence de la quête de leurs racines andalouses lorsque les musulmans ont gouverné l’Espagne pendant 700 ans, jusqu’en 1492.
Il existe 250 000 musulmans latinos aux États-Unis, selon l’institut Islam in spanish.
« C’est une croissance de 700 % en moins de 10 ans, et aucun autre groupe n’a connu une telle croissance », a écrit Dalia Mogahed, directrice de la recherche de l’institut, dans un courrier électronique.
Parmi les autres conclusions de l’enquête : les Hispaniques et les Juifs ont les points de vue les plus favorables envers les musulmans, tandis que les évangéliques blancs leurs sont les moins favorables.
La croissance de l’islam est en partie due à la conversion mais aussi à un taux de natalité élevé chez les musulmans.
« Les gens qui se convertissent expliquent qu’ils sont attirés par l’islam, parce que l’islam établit un lien personnel et direct avec Dieu », a-t-elle écrit, « sans l’interférence d’une institution ou d’un clergé ».
Les circonstances d’un phénomène de conversion
Les raisons pour lesquelles les Latinos se sont convertis à l’islam sont diverses : de la culture hip-hop des années 1990, lorsque les adolescents portaient des chapeaux Malcolm X et des informations sur le leader des droits civiques, à la recherche spirituelle d’une religion qui leur ressemble fidèlement, ou encore à une résurgence de la quête de leurs racines andalouses lorsque les musulmans ont gouverné l’Espagne pendant 700 ans, jusqu’en 1492.
« Je dis aux Latinos : l’islam n’est pas aussi étranger que vous le pensez », a déclaré l’Imam Isa Parada, responsable d’une mosquée de Houston où les sermons sont en espagnol.
Quelques 4 000 mots en espagnol dérivent de l’arabe, tels que camisa pour une chemise, pantalon pour un pantalon et azúcar pour le sucre.
À Philadelphie, 1% de la population serait musulmane, selon le centre de recherches Pew. Mais la conseillère municipale Maria D. Quiñones-Sánchez, qui a participé au programme dans son district, ne pouvait pas citer de données sur le nombre de Latinos convertis à l’islam.
Naser Khatib, l’imam de la mosquée Al-Hidaya, ne le pouvait pas non plus.
Parada a demandé à ses parents, préoccupés par sa conversion, de lire un chapitre du Coran sur Marie et Jésus. « La plupart des Latinos pensent que les musulmans ne croient pas en Jésus et à Marie », a-t-il déclaré. « Cela leur a donné une perspective différente sur l’islam. »
L’imam a cependant ajouté que les musulmans latinos de sa mosquée étaient principalement des femmes qui sont venues à la religion par le mariage.
Le but de l’institut Islam n’est pas de convertir les autres, a cependant déclaré Jalil Navarro, directeur du centre Islam in spanish de Dallas.
« Notre travail consiste simplement à partager », a-t-il déclaré. « Seul Dieu guide. »
Jaime Mujahid Fletcher, un converti né en Colombie, co-fondateur de l’institut Islam, a déclaré qu’une nouvelle mosquée Centro Islámico était sur le point d’ouvrir à Houston, avec l’objectif d’en faire la première mosquée autonome dirigée par des musulmans latinos aux États-Unis.
« Nous espérions que la mosquée serait ouverte pour le ramadan », a déclaré Fletcher. Mais des problèmes avec le système de climatisation ont retardé l’ouverture.
« Notre centre sera orné des magnifiques dessins de l’ancienne Espagne musulmane, tels que ceux de la Grande Mosquée de Cordoue. »
Un facteur décisif de transformation moral
À Philadelphie, Navarro et Parada, qui est également directeur pédagogique du Centro Islámico, ont parlé de leur propre expérience en tant que convertis, y compris de certains des défis qui concernent les Latinos.
Parada, 43 ans, est née à New York de parents salvadoriens et fréquentait la paroisse catholique de sa famille.
D’après son témoignage, c’est la culture hip-hop qui l’a conduit à l’islam.
Il avait 14 ans lors d’un voyage à New York en provenance de Houston, où sa famille avait déménagé depuis, et il a vu des amis non musulmans se saluer avec les formules « As-salaam-Alaikum » et « Wa-alaikum-salaam ». Cela a amené Parada à lire The Autobiography of Malcolm X.
« Je l’ai vu suivre ce processus et sortir de sa situation de criminel », a déclaré Parada. Il a également lu comment Malcolm X avait cessé de haïr les Blancs après avoir voyagé en Afrique et au Moyen-Orient et vu des musulmans de toutes les races communier ensemble.
Parada a demandé à ses parents, préoccupés par sa conversion, de lire un chapitre du Coran sur Marie et Jésus.
« La plupart des Latinos pensent que les musulmans ne croient pas en Jésus et à Marie », a-t-il déclaré. « Cela leur a donné une perspective différente sur l’islam. »
Parada a expliqué que comme beaucoup de Latinos étaient catholiques ou chrétiens, il était courant que les membres de la famille s’opposent aux conversions.
Il a exhorté toutes les personnes intéressées par l’islam à faire preuve de patience envers leurs familles et a expliqué comment le Centro Islámico organisait des dîners mensuels afin que les familles puissent rencontrer la communauté musulmane.
« Ils ont vu l’islam en moi et comment cela a changé ma vie »
Navarro, catholique, est également né à Monterey, au Mexique, et a déménagé à Dallas, à 23 ans, pour fuir la drogue et le crime.
Alors qu’il suivait des cours d’anglais dans un collège communautaire, il intimidait ses camarades musulmans, en les appelant « des terroristes ».
Mais ses camarades de classe ne se laissaient pas faire. En fréquentant les musulmans, Navarro s’est rendu compte qu’elles n’étaient pas les mauvaises personnes qu’il pensait être.
« J’ai réalisé que c’était moi le problème. … C’est là que j’ai commencé à en apprendre un peu plus. Mais il n’y avait pas grand-chose en espagnol. »
Un jour, a-t-il dit, un de ses camarades lui a apporté des livres sur l’islam en espagnol. Après trois ans d’études et de lectures sur l’islam, Navarro s’est converti.
Et sa famille au Mexique a accepté sa décision.
« Ils ont vu l’islam en moi et comment cela a changé ma vie et la personne que je suis devenue », a déclaré Navarro. « Ils se sont dits: Wow, c’est incroyable ! »
La famille de Guerrero a finalement accepté sa décision. Depuis, sa mère et sa sœur aînée se sont aussi converties à l’islam.
« Pas mon père », a expliqué Navarro. « Il ne l’a pas encore fait, mais il est très fier de la femme que je suis devenue », commente sa femme.
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