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jeudi 21 novembre 2024

Muhammad Ali, l’Amérique insoumise

Muhammad Ali ne fut pas qu’un simple boxeur. Il ne fut pas qu’un sportif professionnel ayant raflé tous les records de sa catégorie. Muhammad Ali fut bien plus que cela, il fut un témoin et un acteur de son temps. Une âme libre et pure qui gravit tous les échelons de la société via sa passion sportive mais n’hésita pas à la sacrifier pour ses convictions et la sauvegarde de son intégrité. Muhammad Ali fut tout simplement une légende. Portrait de « the greatest » l’un des plus grands de notre époque.

Le 3 juin 2016, après 32 ans de lutte contre la maladie de parkinson, le boxeur Muhammad Ali posait finalement un genou à terre et rendait les armes pour un repos éternel amplement mérité.

Après une vie, ou plutôt, des vies qui firent de lui un homme d’exception qui aura marqué, de son empreinte indélébile, l’histoire des légendes du sport. Ali quitta ce monde libéré des injustices et des entraves face auxquelles il ne cessa de se soulever tout au long de sa carrière.

Né le 17 janvier 1942 à Louisville, dans le Kentucky, Cassius Marcellus Clay grandit dans un quartier noir de la ville. C’est en 1954 à l’âge de 12 ans, à la suite du vol de son vélo, qu’il décide de se mettre à la boxe afin de pouvoir se défendre à l’avenir.

Vole comme un papillon, pique comme une abeille !

Le jeune Cassius se révélera être particulièrement doué dans son domaine. Après avoir remporté les compétitions de boxe amateure en 1959, il participera aux jeux olympiques de Rome en 1960 d’où il ressortira médaillé d’or et deviendra alors un visage célèbre aux Etats-Unis.

Passé professionnel dans la foulée, il gravira les échelons et les victoires jusqu’à l’obtention de l’ultime ceinture mondiale dans la catégorie poids lourd contre Sonny Liston en 1964. Aussi bien connu pour ses poings que pour son verbe foudroyant, Cassius Clay fera de son « trashtalking » une marque de fabrique galvanisant ses plus fidèles supporters et suscitant l’hostilité de ses opposants.

Le K.O de Muhammad Ali face à Sonny Liston

Durant cette même année, Cassius Clay deviendra Cassius X à la suite de son adhésion à la Nation of Islam sous l’égide du sulfureux Elijah Muhammad. Le chef suprême de la Nation lui décernera par la suite le nom définitif de Muhammad Ali.

Le boxeur sera alors très proche de l’un des plus influents prédicateurs du mouvement, Malcom X. Une influence qui finira par irriter Elijah Muhammad qui demandera à l’ensemble de ses disciples de boycotter le jeune prédicateur et de l’écarter du brillant boxeur Muhammad Ali.

Muhammad Ali en compagnie de Malcom X

« Un impertinent de plus faisant face aux conséquences »

Jusqu’en 1967, le boxeur domine incontestablement sa catégorie et conserve son titre sans jamais se départir de son verbe et de sa douce insolence contre tous ceux qui mettent en doute ses capacités.

C’est avec cette impertinence verbale ou plutôt cette dignité assumée qu’il refusera ouvertement d’être enrôlé dans l’armée américaine, durant la guerre du Vietnam, clamant cette parole célèbre :

Aucun vietnamien ne m’a jamais traité de nègre ! Je n’ai pas de problème avec les Vietcongs. Les Vietcongs sont des Asiatiques noirs. (…) Je ne veux pas avoir à combattre des Noirs.

Une position qui lui vaudra une accusation de fraude, une amende colossale mais surtout un retrait de son titre de champion et de sa licence de boxe qui l’écarteront des rings pendant quatre ans.

Les prises de positions politiques de Muhammad Ali couplé à sa conversion à l’Islam, dans une Amérique puritaine ségrégationniste, feront de lui aussi bien une cible d’indignation perpétuelle du pouvoir qu’une icône plébiscitée par la population noire du pays.

Ali n’a jamais craint de clamer, haut et fort, son adhésion religieuse et ses bienfaits, son opposition à la politique racialiste (et guerrière) de son pays ou encore son abnégation à imposer aux médias de l’appeler désormais par son nom de conversion Muhammad Ali et non plus Cassius Clay.

Une impertinence qui a fait de sa personne une véritable révolution sociale en soi qui paiera un lourd tribu pour cette liberté d’expression notamment son refus symbolique d’incorporer la puissante armée américaine.

En stand-by forcée de 1967 à 1970, le boxeur finira, tout de même, par gagner son procès devant la Cour suprême des Etats-Unis et récupérer sa licence de boxe. Quant à récupérer son titre de champion, ça sera une autre histoire.

Reconquête

 Seul l’homme qui sait ce que c’est d’être vaincu peut atteindre le plus profond de son âme et revenir avec le supplément de force qu’il faut pour gagner.

Ce n’est qu’en 1974, le 30 octobre plus précisément, à Kinshasa au Zaïre (actuel République Démocratique du Congo) sur le continent ancestral africain, que Muhammad Ali reconquière son titre face au non moins célèbre George Foreman.

C’est dans ce lieu hautement symbolique, devant 100 000 âmes en liesses, qu’il marquera la mémoire de plusieurs générations en battant par K.O son adversaire à la 8e reprise.

En tournée à Kinshasa en 1974

Le légendaire boxeur conservera son titre jusqu’en 1978 à l’issue de multiples confrontations dont celle, particulièrement intense, contre son adversaire de toujours Joe Frazier en 1975 à Manille aux Philippines.

Il perdra sa ceinture le 15 février 1978 face au champion olympique Léon Spinks avant de la reconquérir de nouveau pour la troisième fois traduisant ici sa volonté inébranlable de rester sur le toit du monde de la boxe sans aucun concurrent possible.

Muhammad Ali prendra sa retraite l’année suivante même s’il continuera sporadiquement à boxer pour diverses occasions.

Le combat continue

Après l’arrêt de sa riche carrière sportive, un nouveau défi se profilera à l’horizon pour notre boxeur : le combat contre la maladie de parkinson, diagnostiqué en 1984. Il prendra cette maladie comme une épreuve divine pour l’éduquer spirituellement et humainement :

 Il (Dieu) m’a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n’étais qu’un homme comme les autres, que j’avais des faiblesses, comme tout le monde. C’est tout ce que je suis : un homme.

Entre temps, et c’est important de le souligner, Muhammad Ali quittera définitivement la Nation of Islam pour adhérer à l’Islam sunnite et traditionnelle en 1975 à la suite de la nouvelle direction religieuse du mouvement prise par Warith Deen Muhammad, le fils du célèbre Elijah Muhammad (décédé la même année).

Malgré une sante déclinante, Ali continuera à œuvrer pour la paix via diverses actions de grande ampleur qu’il serait trop fastidieux d’énumérer ici.

Il sera littéralement inondé de distinctions honorifiques pour l’ensemble de sa carrière dont celui de « Personnalité sportive du siècle » attribuée par la BBC ou encore la médaille de la paix « Otto Hahn » accordé par l’Organisation des Nations Unies « pour son engagement en faveur du mouvement américain contre la ségrégation et pour l’émancipation culturelle des Noirs à l’échelle mondiale ».

On retiendra notamment l’épisode où obtenant son étoile sur Hollywood boulevard, alors que les étoiles des autres célébrités sont traditionnellement sur le sol du Walk of Fame, il refusera que la sienne le soit également se justifiant par ces mots forts :

Je ne veux pas que les gens marchent sur le nom du Prophète.

Montrant, par ce geste, son fort attachement à sa foi et à l’honneur du Prophète de l’Islam. Son étoile est donc la seule à être incrusté sur un mur.

La seule étoile accrochée au mur sur Hollywood Boulevard

Muhammad Ali fera diverses apparitions durant des cérémonies caritatives, médiatiques, sportives et olympiques ne craignant pas d’afficher publiquement sa faiblesse physique comme un symbole de force et de résilience.

Il nous quittera à l’âge de 74 ans, le 3 juin 2016, avec une bonne partie du monde à « ses pieds » mais bien conscient que cette vie ne fut « qu’illusion et vaine parure » comme il le témoignera lui-même :

Cette vie n’est pas réelle. J’ai conquis le monde et cela ne m’a pas apporté satisfaction.

Ibrahim Madras

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