Elise Saint-Jullian est l’auteure de l’ouvrage « Musulmanes du monde, à la rencontre de femmes inspirantes » illustré par L.K Imany. Un livre particulièrement destiné à la jeunesse féminine. A l’occasion de sa sortie vendredi 30 avril, Mizane.info a voulu en savoir plus. Entretien.
Mizane.info : D’où vous est venu l’idée de ce livre « Musulmanes du monde » ? Quelle en a été la genèse ?
Elise Saint-Jullian : J’écrivais en tant que journaliste des articles sur les droits des femmes et sur les religions en particulier sur l’islam. Je me suis vite intéressée à la place des femmes en islam. Je me suis aussi rendue compte des clichés qui étaient véhiculés sur les femmes musulmanes par beaucoup d’articles polémiques sur le voile. Dans mes articles j’essayais de mettre en avant des femmes musulmanes inspirantes en montrant ce qu’elles font et ce qu’elles sont plutôt que de focaliser sur leur voile. J’avais fait par exemple le portrait de Narimène Bey, une femme qui porte le voile et qui est chanteuse d’opéra. Je voulais mettre en avant ces personnes avec des parcours hors du commun et présenter ces modèles inspirants notamment aux adolescentes. Je me disais que c’était bien pour ces jeunes filles d’avoir des modèles qui leur ressemblent et que ces parcours puissent susciter des vocations de pionnières. La première rencontre à Nanterre avec l’une de mes amies qui porte le voile m’a beaucoup marqué et inspiré. Cela m’a aidé à déconstruire les propres préjugés que je pouvais avoir sur les femmes musulmanes. Ensuite, j’ai beaucoup lu sur les femmes et l’islam notamment les livres de la féministe Asma Lamrabet. Toutes ces rencontres m’ont inspiré et le livre s’inscrit dans leur continuité.
Quel type de préjugé avez-vous voulu déconstruire ?
Parmi les préjugés, celui par exemple selon lequel les femmes seraient opprimés par leurs pères, leurs frères, etc. Dans le livre, on a plusieurs exemples de femmes dont les pères les ont aidé dans leurs carrières. C’était le cas de la chanteuse Oumm Koulthoum, son père l’accompagna au Caire pour la soutenir. C’est le cas aussi de l’aviatrice marocaine Touria Chaoui. Son père l’a aidé à s’inscrire dans une école de pilotage, ce qui était incroyable à l’époque et réservée à l’élite française. Ce sont des femmes audacieuses qui allaient à contre-sens des normes sociales de leur époque.
Vous avez privilégié les femmes à contre-emplois ?
Il y a un peu de cela, oui. Par exemple, il y a des domaines encore réservés aux hommes comme l’aviation ou la boxe. C’était important que les adolescentes se disent : « En fait, je peux faire plein de choses, il y a beaucoup de domaines ouverts, il ne faut pas se limiter, que ce soit par sa religion ou son genre ».
Il y a des femmes de toutes les nationalités, y compris une française, Sarah Ourahmoune, une boxeuse !
Oui, il y a aussi une autre française, l’humoriste Samia Orosemane qui a rédigé la préface. C’était important pour moi de montrer la diversité des femmes musulmanes. Il y a des femmes d’une vingtaine de pays différents, arabes, kurdes, voilées, non voilées, il y a une femme handicapée aussi.
Comment avez-vous sélectionné ces femmes ?
La liste initiale comportait presque le double de noms. J’ai privilégié les femmes contemporaines parce qu’avec les femmes du passé, on a moins d’informations, et parce que les adolescentes pourront mieux s’identifier avec des femmes contemporaines. Le domaine de compétence est aussi entré en ligne de compte. Je voulais équilibrer ces domaines.
Quel rôle l’islam a joué dans l’engagement de ces femmes ?
Elles n’en parlent pas vraiment. Le concept n’était pas d’en faire un livre religieux. Il y a Ibtihaj Muhammad, la championne d’escrime américaine qui raconte avoir choisi ce sport parce que la tenue respectait ses prescriptions religieuses en matière de pudeur. D’autres évoquent leur fierté d’être musulmane, mais cela ne va pas plus loin.
Comment s’est faite la rencontre avec la dessinatrice L.K Imany ?
Je cherchais une dessinatrice musulmane et sur Instagram, je suis tombé sur son travail que j’ai apprécié. Elle s’attache à représenter les minorités. Je lui ai proposé des portraits, elle a tout de suite accepté.
Qu’attendez-vous de la réception de ce livre ?
Je voulais visibiliser ces femmes musulmanes parce que leur parcours ne sont pas vraiment connus. Les femmes musulmanes ne sont connues que par les articles polémiques sur les réseaux sociaux. Il y a par exemple le cas de la résistante arrivée en France et d’origine indo-britannique, Noor Inayat Khan, qui m’a beaucoup intéressé. C’était une espionne pour le compte des Britanniques. Elle avait vécu une partie de son enfance en France. Son père était soufi. C’était une opératrice radio morte très tôt puisqu’elle a été exécutée en 1944 à l’âge de 30 ans. Aujourd’hui, une école à Suresnes porte son nom. En France on ne connait pas son histoire. Je n’ai entendu parlé d’elle qu’il y a seulement deux ans. Je voulais rendre visibles ces femmes et c’est pour cette raison que j’ai fait appel à la dessinatrice L.K Imany (pseudonyme, ndlr).
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