Le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a ordonné lundi 16 mai 2022 la « réouverture provisoire » de la grande mosquée de Beauvais. Une décision fondée sur plusieurs « changements » apportés par l’association musulmane gestionnaire du lieu. L’éclairage de Mizane.info.
Après Pessac, c’est au tour de la mosquée de Beauvais de rouvrir ses portes. Le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a effectivement ordonné lundi 16 mai 2022 la « réouverture provisoire » de la grande mosquée de Beauvais. Une décision motivée par « les changements intervenus », depuis la fermeture de la mosquée en décembre par la préfecture de l’Oise. De quels changements est-il question ? Retour sur les faits.
L’éviction de l’imam Eddy Lecocq
Le 27 décembre 2021, la préfète de l’Oise avait prononcé, sur le fondement de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, la fermeture administrative, pour une durée de six mois, de la Grande mosquée de Beauvais, précise le communiqué du tribunal.
En cause, des propos tenus par l’imam décrits comme une « provocation à la violence, à la haine et à la discrimination ». Avec le risque que ces propos incitent à la « commission d’actes de terrorisme. »
L’association socio-culturelle espoir et fraternité (ASCEF), gestionnaire de la mosquée, avait saisi le juge des référés pour obtenir une suspension de cette décision préfectorale de fermeture.
Le 31 décembre 2021, le juge des référés rejetait cette demande dans une ordonnance. La raison ? Le juge des référés estimait « que les prêches de l’imam, au surplus diffusés sur les réseaux sociaux, constituaient une provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme. » La possibilité de rouvrir la mosquée sous conditions d’apporter certains changements était néanmoins établie.
A la suite de ce rejet, l’ASCEF a donc décidé de se séparer de l’imam Eddy Lecocq. L’ex-imam de la mosquée de Beauvais rejette pour sa part catégoriquement ces allégations et a déjà déposé plainte contre X pour dénonciations calomnieuses. L’ancien imam estime que ces accusations sont sans fondements et qu’elles relèvent d’interprétations fausses et abusives, n’ayant fait lui-même l’objet d’aucune convocation policière ou judiciaire.
L’obstination de la préfecture
Toujours est-il que l’ASCEF, ayant estimé avoir apporté les modifications exigées, a demandé à la préfète de l’Oise d’autoriser la réouverture de la mosquée. Mais selon les informations de Mizane.info, la préfète de l’Oise aurait estimé que l’éviction de l’imam et l’effacement de ses prêches et vidéos n’étaient pas suffisant. La préfète aurait réclamé la démission du bureau de l’ASCEF, impliquant la tenue de nouvelles élections. Une exigence jugée inadmissible par l’ASCEF, l’élection de son bureau étant légale.
A la suite du refus de la préfète de l’Oise d’autoriser la réouverture de la mosquée, l’ASCEF a donc saisi à nouveau le juge des référés qui lui a donné raison.
« Le juge des référés a constaté que l’ASCEF avait procédé à l’éviction de l’imam officiant régulièrement dans la mosquée et à l’effacement du contenu de ses prêches et des textes qui y étaient liés sur ses comptes des réseaux sociaux », précise le communiqué.
Le juge des référés met également en avant d’autres modifications apportées par l’ASCEF. Le vice-président incriminé pour avoir relayé « sur les réseaux sociaux les propos du précédent imam » a depuis « quitté ses fonctions ». Deux nouveaux imams ont été suggérés pour remplacer M. Lecoq, « aucun élément défavorable à leur encontre » n’ayant été remarqués, selon les termes du juge.
« L’attachement aux valeurs républicaines » de la mosquée de Beauvais
Enfin, l’ASCEF a procédé à une modification de ses statuts pour y intégrer « une déclaration sur son attachement aux valeurs républicaines » et pour instaurer un « conseil des sages consultatif sur tous les aspects du culte. »
Sur le versant politique de l’affaire, le juge des référés a relevé le fait que « le maintien de la fermeture de la mosquée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte », enjoignant à la préfète de l’Oise « de réexaminer la demande de réouverture de la mosquée » et, dans l’attente de sa nouvelle décision, « d’autoriser immédiatement la réouverture provisoire de la mosquée de Beauvais. »