Mizane.info publie en exclusivité un commentaire de Maurice Gloton consacré au jeûne et à son esprit, dans le cadre de l’ouvrage traduit d’Al Ghazali sur « Les secrets du jeûne ».
De la racine S W M proviennent deux termes pour exprimer le jeûne : Sawm et Siyâm. Le premier qualifie, dans le Coran, le jeûne non obligatoire et libre ou d’initiative, le second, le jeûne légal d’obligation divine. Cette racine S W M se trouve treize fois, dans le Coran.
Le terme Sawm est appliqué une fois à Maryam et le terme Siyâm est trouvé huit fois dont deux concernent le jeûne du mois de Ramadân. Les significations de cette racine, que Ghazâli ne mentionne pas dans son traité sur le jeûne, permettent de dégager quelques aspects importants du jeûne islamique.
Le dictionnaire donne les acceptions suivantes : s’abstenir, renoncer à, s’interdire, se taire, se radoucir en parlant du vent, atteindre le zénith.
Une relation certaine s’établit entre cette racine et celle du mot Ramadân mentionné une seule fois dans le Coran. R. M. ä. connote les sens de rôtir, brûler, embraser, être brûlant.
Selon ces constatations sémantiques, le jeûne est pure abstention, silence, adoucissement et élévation pour tempérer et neutraliser la brûlure inhérente au mois de Ramadân.
Le jeûne par vœu ou d’initiative est mis en relation avec Marie et Jésus dans le Coran. L’Ange ou Jésus – le personnage n’est pas identifié dans l’épisode – dit à Marie :
« Mange et bois et rafraîchis ton œil. Si tu vois un être d’apparence humaine, dis : « Certes quant à moi, j’ai voué un jeûne silencieux (sawm) au Tout-Rayonnant-d’Amour (Rahmân) et, ce jour, je ne parlerai à aucun être humain« » (Coran 19-26).
Les vertus du jeûne
La nature de ce jeûne n’est pas précisée et l’on peut imaginer qu’il s’agit d’un jeûne assez libre dans ses modalités du fait que le début du verset précise « mange et bois et rafraîchis ton œil« . Marie, accusée d’adultère à cause de la naissance miraculeuse de Jésus, amoindrira les réactions hostiles de son entourage par son mutisme (sawm) ou son abstention de parler.
Son attitude présente une certaine analogie avec celle que mentionne le hadith suivant que Ghazâlî cite. Abû Hurayra rapporte que le Messager de Dieu – sur lui la grâce et la Paix – a dit :
« Tout acte du fils d’Adam lui appartient sauf le jeûne (sawm) car (le jeûne) est à Moi et c’est Moi qui rétribue par lui. Le jeûne (siyâm) est protection et quand c’est pour l’un de vous, jour de jeûne (sawm), qu’il ne tienne pas de propos indécents et qu’il ne vocifère pas. Si quelqu’un l’insulte ou l’agresse, qu’il dise : « Je jeûne, je jeûne (Innî sâ’imun)… »
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« O porteurs de la Foi ! Le Jeûne vous a été prescrit, pendant un nombre de jours déterminé, comme il a été prescrit à ceux qui vous ont précédés – peut-être vous garderez-vous ! Quiconque se trouve malade ou en voyage, doit alors [jeûner] un nombre équivalent d’autres jours. Il incombe à ceux qui le peuvent de compenser en nourrissant un pauvre.
Quiconque donc fait spontanément davantage, c’est alors un bien pour lui. Que vous jeûniez est un bien pour vous si vous vous trouviez savoir ! Le mois de Ramadân est celui pendant lequel on a fait descendre le Qur’ân comme guidance pour les êtres humains et comme évidences émanant de la guidance et du discernement.
Que celui d’entre vous qui a été témoin (du début) du mois, jeûne ! Quiconque se trouve malade ou en voyage doit alors un nombre égal d’autres jours. Allâh veut ce qui est aisé pour vous ; Il ne veut pas ce qui est malaisé. Il vous appartient de compléter ce nombre et de magnifier Allâh en raison de la Guidance qu’Il vous a offerte. Il se peut que vous soyez reconnaissants !
Quand Mes adorateurs t’interrogent sur Moi : Alors Je suis proche, Je réponds favorablement à l’appel de celui qui appelle quand il M’appelle. Qu’ils se disposent à Me répondre favorablement et qu’ils portent la foi en Moi ! Puissent-t-ils suivre la bonne direction !
Le jeûne, qui est pure abstention et attitude intérieure, fera ressortir dans l’être, les dispositions et traits de caractères non conformes à la seule orientation vers Dieu. Il sera donc le moyen inégalable pour mettre dans le champ de la conscience claire et distincte toutes les tendances troubles de l’âme qui restent habituellement subconscientes dans un équilibre trompeur.
Les comportements d’intimité envers vos femmes vous sont permis pendant la nuit du jeûne. Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles. Allâh savait que vous vous trompiez vous-mêmes ; aussi est-Il revenu à vous et vous a absous.
Maintenant donc, ayez un contact réjouissant avec elles et recherchez la convenance de ce qu’Allâh a prescrit pour vous. Mangez et buvez jusqu’à ce que la trace blanche se distingue pour vous de la trace noire au lever du jour. Puis parachevez le jeûne jusqu’à la nuit. N’ayez pas de rapports intimes avec elles alors que vous partagez une retraite dans les mosquées.
Voilà les limites qu’Allâh impose (hudûd) ! Ne les approchez point ! Ainsi Allâh explicite Ses signes aux humains, peut-être se garderont-ils ? » (Coran 2-183 à 187).
Le jeûne, une pratique réservée à Dieu
Selon le hadîth que nous avons déjà cité, « tout acte du fils d’Adam lui appartient sauf le Jeûne car celui-ci est à Moi et c’est Moi qui rétribue par lui… »
Aussi peut-on en déduire que le jeûneur doit s’efforcer de se détourner de tout ce qui vient contrarier la pure appartenance du Jeûne à Dieu. Il exige donc une totale disponibilité de la part du jeûneur, extérieure et intérieure, pour ressentir que le Jeûne n’est pas à lui mais à Dieu.
En effet, comme Dieu n’a aucun semblable – aucune chose n’étant semblable à Lui (Coran 42-11) -, le jeûne n’en a pas davantage.
On trouve deux hadîths qui justifient ce rapprochement. Abû Usama rapporte ces paroles du Messager de Dieu : « O Messager de Dieu, ordonne-moi un comportement (`amal) ! » Il répondit : « Le Jeûne (sawm) est à ta charge car il n’a pas d’équivalent. »
Je répétais deux fois ma demande et le Prophète ajouta : « Il te revient de jeûner car il n’a pas de semblable (`alay-ka bi-s-sawm. Fa’inna-hu lâ mithla la-hu.) » in Nasâ’î.
Cette interprétation est confirmée par un autre hadith dit « faible » provenant d’Abû Hurayrâ transmis par Abû Ma`shar selon lequel le Prophète – sur lui la Grâce et la Paix – a dit : « Ne dites pas Ramadân car Ramadân est l’un des Noms d’Allâh – exalté soit-Il : le mois de Ramadân est le mois d’Allâh. »
Anas Ibn Malik rapporte que le Prophète a dit : « Ne dites pas Ramadân mais mettez-le en relation comme Dieu l’a fait dans le Qur’ân en disant : « le mois de Ramadân ». »
Tant que le jeûneur ne vérifiera pas intimement que le jeûne est en réalité à Allâh, son jeûne ne sera pas parfait ; et alors bien des sollicitations extérieures et des réactions intérieures viendront empêcher qu’il le ressente comme tel.
Il sera concerné, dans une certaine mesure, par ce hadith : « Combien de jeûneurs ne retirent de leur jeûne que faim et soif. » (In Nasâ’î et Ibn Mâjah, rapporté par Abû Hurayrâ).
Le jeûne, qui est pure abstention et attitude intérieure, fera ressortir dans l’être, les dispositions et traits de caractères non conformes à la seule orientation vers Dieu. Il sera donc le moyen inégalable pour mettre dans le champ de la conscience claire et distincte toutes les tendances troubles de l’âme qui restent habituellement subconscientes dans un équilibre trompeur.
Avant que le jeûne ne remplisse la fonction de s’emparer de l’être tout entier, il commencera à le purifier pour finalement le rendre transparent comme un diamant. Qui donc alors pourra être présent au Jeûneur sinon Dieu qui est présent en tout être et plus près de lui que sa veine jugulaire ? (Cf. Coran 50-16)
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