Premier calife de l’histoire, plus proche compagnon du Prophète Muhammad ﷺ, Abu Bakr as Sadiq, mort durant le mois d’août de l’an 634 (l’an 13 de l’hégire), aura été aussi l’artisan des premières conquêtes musulmanes et le premier à avoir travaillé à une mise à l’écrit du Coran. Mizane.info publie, avec l’aimable autorisation de la maison d’édition Sarrazins, un portrait du premier commandeur des croyants, le « deuxième des deux », rédigé par l’auteur Renaud Klinger.
Né dans une famille de Quraysh à La Mecque autour de l’an 573 de l’ère chrétienne, Abu Bakr, aussi nommé Abdullah bin Abi Quhafa, aura avant la Révélation d’abord réalisé une conséquente carrière dans le commerce. Riche et influent, il est alors un personnage éminent de ce centre religieux et économique qu’était La Mecque.
C’est vers 610, quand Muhammad ﷺ reçoit ses premiers versets devenant par là le dernier des Prophètes d’Allah, qu’Abu Bakr fait à la surprise de tous l’annonce de sa conversion à l’islam. L’un des premiers hommes en dehors du cercle familial prophétique à se faire musulman, son statut lui évite un premier temps les brimades et violences subies par les convertis suivants.
Il va sans dire que l’homme est aussi des plus respectés par ses pairs ; il est d’ailleurs reconnu pour sa noblesse de caractère et sa véridicité. Sa conversion va aussi en amener bien d’autres. Si sa première femme le quitte peu après, sa seconde, elle, se convertit comme ses enfants à l’exception d’Abd ar Rahman. Ce sont encore Uthman ibn Affan (3ème calife), Sa’ad ibn Abi Waqqas ou Az Zubayr qui vont prendre l’islam pour voie sous l’insistance d’Abu Bakr.
Dépensant de sa fortune sans compter, il va se faire rapidement une réputation en libérant à tour de bras servants et esclaves, convertis à l’islam persécutés pour leur religion. Parmi eux, va figurer le 1er muezzin de l’histoire : le célèbre Bilal ibn Rabah. Trois ans après le début de la Révélation, les premiers appels publics à l’islam seront aussi l’œuvre d’Abu Bakr. Dès lors la cible répétée des attaques des idolâtres mecquois, l’homme ne pliera cependant jamais genou. En 617, alors que les Musulmans ont été chassés de chez eux, lui reviendra aux côtés du Prophète ﷺ à La Mecque, tandis que tous partiront en Afrique trouver refuge chez le roi chrétien d’Abyssinie.
Trois ans plus tard, alors que le Prophète ﷺ perdit sa femme et son oncle, Abu Bakr lui offrait en mariage la jeune et future mère des croyants : Aïcha bint Abu Bakr. Il devenait là le beau-père du Messager d’Allah ﷺ. La même année, il est encore le premier à témoigner de son célèbre voyage nocturne. En 622, il est celui qui accompagnera le Prophète ﷺ lors de la grande migration des Musulmans vers Médine. Des versets du Coran vont même être révélés relatant le célèbre épisode de la caverne.
Dans la cité médinoise, Abu Bakr va se trouver frère de foi d’un certain Khaarij ah bin Zaid Ansari, avec lequel il se liera d’amitié, ce dernier lui offrant sa fille, Habiba, en mariage. Reprenant là-bas ses activités de commerçant, il dépensera encore de ses sous à l’établissement de la célèbre mosquée : Masjid an Nabawi. En 624 et 625, il participe aussi aux deux premières et plus connues des batailles opposant les Musulmans aux idolâtres : Badr et Uhud.
En cette dernière, son seul fils resté dans l’incroyance tentera même de l’affronter en duel ; il se convertira plus tard. Participant encore à la bataille du fossé comme à la campagne de Khaybar, il ne cessera durant toutes ces années de se rapprocher du Prophète, le conseillant sur différents points, devenant définitivement son plus proche ami.
En 628, il mène encore une campagne qui portera son nom en direction du Nejd. En 630, au moment où La Mecque s’apprête à être prise par les mlusulmans désormais en position de force, Abu Bakr verra pour sa plus grande joie son père enfin accepter l’islam. Peu après le siège de Ta’if dont il aura eu la gestion, il est désigné encore par le Messager d’Allah ﷺ en 631 comme le chef des délégations se rendant au Hajj, le premier du nom.
Le Prophète ﷺ ayant quitté ce monde, les plus reconnus des compagnons le désignent alors après concertation comme leur nouveau leader. Premier commandeur des croyants de l’histoire, il restera à son poste jusqu’à sa mort, 27 mois plus tard. Le défi est grand, d’autant plus que les troubles sont déjà là : c’est l’ère des guerres d’apostasie qui démarre sous son règne.
De toute l’Arabie, des tribus ayant fraîchement déclaré leur adhésion à l’islam refusent de prêter allégeance à Abu Bakr. Trois des principaux leaders de la rébellion, Tulayha, Musaylima et Sajjah, prétendront même à la prophétie. Afin de ramener l’union et l’islam, Abu Bakr fait, afin de mater la rébellion, mander de nombreux compagnons dont le plus grand et craint des mujahidins de son temps : Khalid ibn al Walid. En quelques mois seulement, les apostats tombent tous sous le coup des sabres ou reviennent à l’islam, certains devenant parfois de futurs grands dévots et artisans du Jihad à leur tour.
Le calme revenu en terre arabe, Abu Bakr décide alors de procéder à l’expansion du Califat, posant les jalons de ce qui sera le plus grand « empire » de l’époque. Avec l’aide de Khalid et de milliers d’hommes, il fait en quelques batailles tomber les deux plus puissantes entités politiques du moment : les empires perses et byzantins. Les Arabes se faisant les nouveaux conquérants et victorieux sur le champ de bataille, Abu Bakr n’oubliera pas de rappeler à la bienséance ses troupes portant l’étendard de l’islam :
« Évitez la trahison. Si vous faites du butin, ne dérobez rien. Si vous êtes victorieux, ne tuez ni les femmes ni les enfants sans armes. Ne détruisez rien, ne coupez pas les arbres fruitiers, n’égorgez pas le bétail, à l’exception de ce que vous mangez. Il y a en Syrie, des prêtres chrétiens qui ne cherchent querelle à personne. Ne les inquiétez pas et ne tuez aucun d’entre eux. »
Avec les guerres d’apostasie, un grand nombre de Compagnons et de mémorisateurs du Coran tombèrent aussi au combat. Certains craignaient pour la conservation, orale, du Coran. C’est ainsi qu’Umar Ibn Al-Khattab suggéra au calife de poser sur papier la dernière des Révélations. D’abord réticent, Abu Bakr chargea finalement Zayd Ibn Thabit, scribe du Prophète, dans la réalisation de cette œuvre.
Atteint par la maladie, il fait alors réunir les plus éminents des compagnons afin de discuter de sa succession. L’affaire est vite close, le titre de second calife échouera à Umar ibn al Khattab. Abu Bakr, premier calife de l’histoire, s’éteindra peu après, au mois de Jumadah Al Akhirah de la 13ème année de l’hégire. Il sera mort à 63 ans, soit le même âge que le Prophète Muhammad ﷺ, et mis en terre à ses côtés, dans la maison de sa fille Aïcha.
Renaud Klinger