Selon un sondage Ifop pour l’Association des journalistes d’information sur les religions, 49 % des Français sondés parmi un échantillon de mille personne ont déclaré croire en Dieu contre 51 % qui n’y croient pas. Le focus de la rédaction.
La baisse est tendancielle, s’il on en croit le sondage IFOP pour l’Association des journalistes d’information sur les religions. Le nombre de Français sondés qui croient en Dieu est pour la première fois légèrement inférieur à ceux qui n’y croient pas. 51 % de Français sondés par l’Ifop disent ne pas croire en Dieu (ils étaient 44 % depuis 2004) contre 49 % qui y croient (ils étaient 55/56 % depuis 2004). En tenant compte de la marge d’erreur du sondage qui est à 50 % de l’ordre de 3,1 %, on peut dire que les deux franges sont au coude à coude, puisque dans la fourchette favorable aux croyants, les 49 % passent à 52 %. Mais la baisse de fond est incontestable.
Quelle méthode ?
L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 018 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 24 au 25 août 2021.
Que dit le sondage ?
À la question « Vous, personnellement croyez-vous en Dieu ? », 51 % des sondés répondent « non » (contre 44 % en 2011 et 2004, et 66 % en 1947). Les plus croyants des sondés concerne la tranche des 65 ans et plus (58 %) et les jeunes de 18-34 ans (48 %). Un jeune sur deux croient en Dieu. Sur la répartition par religion des réponses, il est intéressant de constater que 97 % des sondés de confession musulmane ont répondu oui à la question, contre 66 % pour les protestants et 65 pour les catholiques.
Autre questions : le Covid-19 a-t-il favorisé une pratique religieuse ? « Non », répondent 91 % des sondés. L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019, n’a pas davantage éveillé leur « fibre spirituelle » pour 79 % des répondants.
La religion est-elle un sujet de conversation ? Oui, en famille, pour 38 % (contre 58 % en 2009) et seulement 29 % avec leurs amis.
Elément positif, 68 % des Français pensent que les religions « peuvent contribuer à transmettre aux jeunes des repères et des valeurs positives ». Ils étaient cependant 77 % à le penser en 2009.
54 % des personnes interrogées estiment que « toutes les religions se valent » (62 % en 2007).
Que vaut le sondage ?
La question ne concerne pas seulement ce sondage mais les sondages, leur méthode, leur usage et les conclusions qui en sont tirés. Expliquons-nous. Les sondages fonctionnent sur la méthode connue de l’échantillonnage représentatif par catégorie. Il s’agit de prendre comme dans ce sondage un échantillon de 1000 personnes établi de la manière suivante : la même répartition proportionnelle de la population française en fonction du sexe, de l’âge et de la catégorie socio-professionnelle se retrouve dans l’échantillon. S’il y avait 30 % d’ouvrier en France, 300 ouvriers feraient donc partie de l’échantillon de 1000 personnes. Même chose pour les autres catégories. Les résultats sont ensuite extrapolés à l’ensemble de la population en fonction dela représentativité des catégories.
Première critique : l’échantillonnage représentatif présuppose que les gens pensent exclusivement en fonction de leurs déterminismes sociaux, sexuels, ou en fonction de l’âge. Si pour certaines questions liées aux intérêts financiers ou à des droits économiques ou sociaux, ou d’autres questions du même ordre, le déterminisme est à l’évidence étroitement corrélé à la question, pour d’autres interrogations, le principe devient plus flou, imprécis et trop général.
Au sein des mêmes catégories, des individus pensent ou peuvent penser de manière contradictoire et peuvent avoir des opinions politiques, philosophiques, morales ou religieuses divergentes selon leur personnalité, leur subjectivité, la trame de leur histoire, etc, autant de critères qui ne sont pas intégrés dans la méthodologie des sondages car trop complexes.
Le principe de l’extrapolation fondé sur le déterminisme représentatif est réducteur, simpliste et ne permet pas toujours d’inférer des résultats solides. La marge d’erreur des sondages, qui ne tient pas compte de ce différentiel, est souvent très faible (1 %) selon les pourcentages. La principale conséquence de ce grave biais de réduction se traduit dans la formulation suivante : « 51 % des Français pensent que », au lieu de la véritable formule qui consisterait à dire : « 51 % de Français interrogés sur un échantillon de 1000 personnes estiment que »… La différence est énorme et l’usage de ces formules par des médias constituent une forme de tromperie politique.
Deuxième critique : les réponses sont prédéterminées, ce qui correspond à une restriction du champ cognitif et de l’éventail des possibles proposés aux sondés. L’avantage de ce système est de faciliter l’accès du questionnaire aux sondés et de rendre possible le sondage. Le désavantage est de limiter l’horizon des questionnés et d’orienter leur réponse. Cette critique est sans objet lorsque la précision de la question limite les réponses possibles. Elle demeure en revanche pertinente dans bien d’autres cas comme les questions d’ordre philosophique ou religieux. En outre, le sondé est obligé de répondre à l’une des deux réponses proposées (plutôt d’accord ou pas d’accord), ce qui s’assimile à une question fermée, et l’on ignore les raisons de sa réponse, ce qui est pourtant une variable fondamentale. Prenons un exemple. Si une personne ne croit pas en Dieu parce qu’elle n’a jamais reçu d’éducation religieuse et vit dans un environnement social régi par des règles agnostiques, ce n’est pas la même chose qu’une personne qui, évoluant dans le même milieu, a reçu la même éducation non religieuse, mais dubitative et indécise, s’interroge encore sans être fixée sur sa croyance au point qu’elle pourrait à la fois dire qu’elle ne croit pas en Dieu et qu’elle y croit, ni la même chose qu’une personne qui croyait en Dieu et n’y croit plus. L’uniformité du pourcentage induit le public à penser que les causes et le sens de la réponse donnée par des Français sont homogènes, ce qui est faux.
Troisième critique : les termes de la question ne sont jamais définis. Il s’agit d’un point essentiel dans la mesure où la réponse au sondage est déterminée par la compréhension exacte des termes de la question. Si un individu déclare ne pas croire en Dieu car la définition de Dieu dans son milieu d’origine ne lui semble pas cohérente et acceptable à un moment X et que le même individu s’est retrouvé confronté à d’autres croyances ou religions ou milieux soit involontairement soit volontairement par le biais d’une recherche personnelle et qu’il a révisé son avis, du fait d’autres définitions ou conceptions de Dieu qui lui semblent à présent cohérentes et donc acceptables, le même individu déclarera, au même sondage, croire en Dieu, à un moment Y. Il s’agit du même individu, de la même question, de la même cohérence de la réflexion mais l’objet de la question (définition) a lui changé ce qui a impacté la réponse.
De quelle conception de Dieu parlons-nous ? Transcendante ? Immanente ? Les deux ? Ou d’un Dieu anthropomorphiste et incarné à la manière du tableau de Michel-Ange à la chapelle Sixtine ? Ou d’un Dieu panthéiste ? La question n’est plus la même en fonction de la définition et la réponse ne peut donc avoir la même valeur. En faisant preuve d’ouverture d’esprit, même certains athées pourraient être rangés sous la catégorie de croyants, le fait de croire à un hasard créateur, formateur, organisateur, législateur pouvant être assimilé à un transfert ontologique dans lequel on remplace Dieu par les mots hasard ou cosmos, nature ou évolution, en leur conférant les attributs que les religions attribuent au Divin. Dieu personnel ou hasard déifié, en affinant les termes du sujet, les réponses changent de statut.
Quatrième critique : le contexte d’énonciation et d’usage du sondage impacte la réponse. Selon les moments et le contexte politique, économique, psychologique où la question est posée, la réponse va différer.
La France est le plus pays le plus hostile au fait religieux du bloc occidental car c’est aussi le plus sécularisé des pays européens. Ce contexte ne favorise pas une prise de parole libre et décomplexée sur un sujet devenu pour beaucoup tabou, tendu et travesti par des préjugés et des raccourcis négatifs diffusés sur la croyance religieuse.
Les indécis seront tentés dans ce contexte défavorable à la croyance en général, de se rallier et d’épouser les vues dominantes, de la même manière qu’ils tendront à aller en sens contraire dans un contexte différent. Seuls des individus fortement attachés à une croyance la reconnaitront, y compris dans un contexte qui leur est hostile. Cela ne rend donc pas raison de la réalité effective du phénomène. Ici, le déterminisme s’avère efficient et peut au fil des années provoquer des changements de croyance du fait d’une pression sociale massive exercée sur la subjectivité des individus. Ce dernier argument ne contredit pas le premier argument de la première critique formulé plus haut. Notre critique ne consistait pas à nier pas le principe du déterminisme, ce qui serait absurde, mais refuse son caractère exclusif et fait intervenir dans l’équation le facteur personnel du sujet, sa subjectivité et la dimension de son libre-arbitre, dans une relation dialectique et un rapport de forces favorisant l’un ou l’autre.
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