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mardi 03 décembre 2024

Stanislas Deprez : que fait le transhumanisme à la famille ?

transhumanisme

Le transhumanisme est la nouvelle idéologie drapée du visage de l’avenir des sociétés humaines. Ou plutôt post-humaine, car que restera-t-il des êtres humains dans un projet qui ambitionne de techniciser l’Homme et qui prétend le conduire vers l’amortalité ? Que deviendra la notion de famille dans une société où la technologie se substituera à la nature ? Pour tenter d’amorcer une bribe de réflexion sur ce sujet, à la fois fascinant et terrifiant, la rédaction de Mizane.info publie un texte introductif de Stanislas Deprez, docteur en philosophie, diplômé en sociologie et en anthropologie.

Le transhumanisme fait fantasmer. Quand on évoque le mot, on pense à des cyborgs, des humains synthétiques, des robots humanoïdes… La réalité est plus prosaïque : comme tout le monde, les transhumanistes sont des gens plutôt sympathiques, qui aiment leur famille.

Leurs principales préoccupations, en tant qu’activistes, sont de trouver des financements pour pouvoir répandre leurs idées auprès du grand public et en débattre, de recruter de nouveaux membres, et d’établir des liens avec d’autres associations transhumanistes.

Bref, ils font penser aux paroissiens ordinaires, qui se demandent comment faire pour que davantage de jeunes reviennent à la messe (ce qui est tout à fait honorable).

Et quand on interroge les militants transhumanistes de base, ce qu’ils souhaitent, c’est donner plus de moyens à la médecine pour prolonger une vie en bonne santé le plus longtemps possible. Pas de quoi fouetter un chat.

Pourquoi alors le transhumanisme suscite-t-il tant de craintes ? Parce qu’il recouvre différentes choses. Il est une utopie, une idéologie et un symptôme.

Utopie, idéologie et symptôme

 Le transhumanisme est une utopie, s’appuyant sur la science mais largement empruntée à la science-fiction. Pour résumer cette utopie transhumaniste, on pourrait dire qu’elle se veut le prolongement de l’esprit rationaliste et progressiste des Lumières, enrichi des avancées de la science et en particulier de la médecine et de l’informatique.

Le transhumanisme conçoit l’homme comme un être sans essence propre et capable d’amélioration continue. Ce perfectionnement passe par des modifications technologiques du corps et de l’esprit (par exemple des yeux permettant de voir la nuit ou des médicaments augmentant considérablement la mémoire).

Tout individu doit pouvoir en bénéficier librement, à condition que cela ne porte pas atteinte directement à quelqu’un d’autre. La somme de ces modifications transformera radicalement l’humanité, de sorte que l’on pourra parler à bon droit d’humain 2.0 ou de posthumain.

S’il y a un danger transhumaniste, celui-ci ne réside pas dans les discours des transhumanistes mais dans nos pratiques courantes, et dans les collusions entre les centres de recherche, les entreprises de haute technologie mondiales (les fameuses GAFA, acronyme inadéquat car les firmes influentes ne se réduisent pas à Google, Amazon, Facebook et Apple) et le militaire (la DARPA, agence fédérale de recherche liée au Secrétariat à la Défense des États-Unis).

A vrai dire, il faudrait parler des posthumanités car on accroîtra la diversité des êtres, par modification génétique, hybridation avec des animaux et cyborgisation (hybridation avec des machines).

A terme, les posthumains auront la capacité de vivre des milliers d’années et de coloniser d’autres systèmes solaires. A moins que l’intelligence artificielle ne fasse un tel bon qualitatif que des ordinateurs pensants et conscients ne remplacent l’humanité.

Il faut préciser que le transhumanisme est une utopie d’un genre particulier. Traditionnellement, une utopie est la description d’un « non lieu », d’un endroit censément idéal dont on sait qu’il n’existe pas mais qui permet de critiquer la société réelle.

Ainsi, L’utopie de Thomas More est une critique voilée de la Grande-Bretagne du début du xvie siècle. Si elle permet de jeter un regard critique sur notre société, l’utopie transhumaniste, par contre, est posée comme un futur inéluctable. À moins que l’on préfère revenir à une situation où on s’éclairera à la bougie, comme le dit sans rire Laurent Alexandre dans La mort de la mort[1].

A ce titre, le transhumanisme n’est pas seulement une utopie mais aussi une idéologie. Le mot est à prendre ici sans connotation péjorative. Une idéologie, c’est un discours qui donne des valeurs, un cadre de pensée et d’action, à une société. Il est donc impossible d’avoir une société sans idéologie et ce n’est pas forcément mauvais[2].

Tout dépend de quelle idéologie on se revendique. Car si toute idéologie tend à se présenter comme le seul discours possible, la seule manière de penser la réalité, en fait il y a toujours plusieurs idéologies en concurrence.

Par conséquent, l’affirmation de Laurent Alexandre selon laquelle c’est le progrès transhumaniste ou la barbarie moyenâgeuse n’est pas anodin, surtout quand l’auteur compare l’euthanasie et les soins palliatifs, par exemple : il existe des « centres de soins palliatifs, où des soignants remarquables accompagnent les patients en phase terminale avec une lumineuse affection. »

Ces centres trouvent leur origine dans « le slogan défaitiste « je meurs, donc je suis ». » Alexandre complète sa pensée : « Il n’est pas question ici d’approuver ou de condamner l’euthanasie.

Le débat a son importance bien sûr, mais le “sens de l’Histoire” est bien celui d’une inéluctable acceptation des pratiques que le progrès rend possibles et que l’émotion rend “nécessaires”[3] ». On appréciera la finesse de l’auteur.

Il faut remarquer que l’idéologie est souvent implicite. Un des mérites des transhumanistes est de faire entrer dans le débat public des idées la plupart du temps vécues comme des évidences.

Par exemple, le fait de supprimer les fœtus atteint de trisomie 21, ou l’idée que dès qu’une expérience est techniquement possible, il y aura toujours des scientifiques pour l’entreprendre, ou encore la croyance qu’aller sur Mars est une nécessité car la découverte et l’aventure font partie de la nature humaine.

Autrement dit, à notre avis, s’il y a un danger transhumaniste, celui-ci ne réside pas dans les discours des transhumanistes mais dans nos pratiques courantes, et dans les collusions entre les centres de recherche, les entreprises de haute technologie mondiales (les fameuses GAFA, acronyme inadéquat car les firmes influentes ne se réduisent pas à Google, Amazon, Facebook et Apple) et le militaire (la DARPA, agence fédérale de recherche liée au Secrétariat à la Défense des États-Unis).

La grille de lecture la plus intéressante est celle qui voit dans le transhumanisme un symptôme. Les discours transhumanistes jettent une lumière crue sur les changements qui affectent nos sociétés, que nous le voulions ou non, et souvent que nous voulons sans tout vouloir.

Par exemple : l’autorité du père de famille s’est effritée suite à la scolarisation, l’accès des femmes au salariat et l’augmentation – toute relative – des hommes aux tâches ménagères et aux soins des enfants ; certains le regrettent mais qui se désole d’entretenir des rapports de proximité avec ses enfants ?

Les transhumanistes parlent peu de la famille. En fait, ils ne prétendent pas parler de tout mais seulement des bouleversements techniques. Pour le reste, ils pensent que tout restera comme avant. Ce en quoi ils se trompent, car la technique a un impact sur l’organisation sociale, sans doute plus fort qu’ils ne le croient.

Amortalité et liens familiaux

Le transhumanisme est fondamentalement un discours sur la vie longue et en bonne santé. A court terme, il s’agirait de casser le « plafond de verre » biologique des 120 ans. A moyen ou long terme, il s’agirait d’arriver à l’amortalité. Non pas l’immortalité, car nul n’est à l’abri d’un accident ni de la fin de l’univers (encore que certains transhumanistes en rêvent).

Mais l’amortalité, c’est-à-dire la fin de la mort par maladie, et la fin de la vieillesse, elle-même considérée comme une maladie. On voit tout de suite ce que ce changement occasionnerait à la famille.

L’ordre des générations resterait, évidemment. Mais il ne se marquerait plus dans les corps, puisque tout le monde aurait l’air jeune, et serait en réalité biologiquement jeune, grâce à des techniques de rajeunissement cellulaire.

La culture est l’apprentissage du renoncement. Ainsi, Freud fait-il du renoncement au meurtre et à l’inceste l’entrée dans la culture (…) La culture, c’est apprendre que tout désir n’est pas réalisable, ou du moins qu’il faut en passer par la sublimation pour exprimer certains de ses désirs (…) La technique, au contraire, est un moyen d’aider le désir à parvenir à ses fins, dans le monde physique et non plus dans l’imaginaire.

La question de l’héritage ne se poserait plus : si nos enfants doivent attendre notre mort pour hériter de nos biens, ils risquent d’attendre longtemps. Remarquons que c’est déjà un peu le cas aujourd’hui.

Faisons l’hypothèse d’une société où on continue à avoir des enfants. Cela entraînerait rapidement une surpopulation, sauf si nous colonisons d’autres planètes ou si nous régulons les naissances. C’est l’hypothèse de Didier Cœurnelle : on ferait spontanément moins d’enfants, donc cela ralentirait la croissance de l’humanité[4].

De même que dans les sociétés avancées, le nombre d’enfants diminue,  dans une société « transavancée », on ne ferait que un ou deux enfants sur sa vie. Si quelqu’un vit 1000 ans et fait un enfant vers 950 ans, la progression ne devrait pas être exponentielle. Mais si la même personne a un enfant à l’âge de 30 ans, le problème de la surpopulation demeure.

C’est pourquoi certains auteurs ont proposé une règle morale : quelqu’un qui veut avoir un enfant doit accepter de mourir quelques années après. Un proverbe dit que nos petits-enfants nous mènent vers la tombe ; pour le coup, ce serait même nos enfants.

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Un autre changement concernera les couples. On sait les difficultés qu’éprouvent la plupart des Occidentaux actuels à vivre auprès du même conjoint plusieurs dizaines d’années.

Si ce nombre d’années de vie commune est protée à plusieurs centaines, cela entraînera vraisemblablement une multiplication des divorces et remariages (ou nouvelles mises en ménage), et un retour des familles élargies, avec de multiples beau-pères et belle-mères, certains pouvant être plus jeunes que les enfants (encore que, cette notion de différences des générations sera relative, dans une société où tout le monde vivra jeune).

Éducation

Les transhumanistes parlent peu de l’éducation. Toutefois, ils posent comme un devoir moral la nécessité, pour un parent, d’améliorer ses enfants, afin de leur donner les meilleures chances dans la vie. Nous sommes tous convaincus qu’il est bon d’améliorer nos enfants en leur faisant apprendre à lire et calculer, et en les faisant vacciner.

Les transhumanistes, qui sont des optimistes de la technologie, font de l’amélioration génétique ou informatique un devoir éthique. On peut ajouter que ce sera aussi une contrainte sociale.

En effet, si la majorité des parents utilisent des techniques permettant d’augmenter fortement l’intelligence de leurs enfants, les quelques parents qui résistent vont voir leurs enfants déclassés, incapables par exemple de réussir les concours donnant accès aux meilleures instituts d’enseignements, et obtenant de moins bons résultats scolaires.

Dans une société où la scolarité détermine la trajectoire de vie et les positions sociales, un tel décalage constituerait un réel handicap. Il se pourrait même que des enfants défavorisés par le refus de leurs parents de les avoir augmentés grâce à des dispositifs biotechniques intentent des procès à leurs géniteurs, au motif que ces derniers ne leur ont pas donné toutes les chances de succès dans la vie.

D’un point de vue peut-être moins sociologique et plus philosophique, ce qui est en jeu ici, c’est le rapport entre technique et culture.

Dans une conférence devenue célèbre[5], le philosophe allemand Peter Sloterdijk définissait l’humain comme un être néoténique, donc inachevé à la naissance, et qui avait besoin de l’éducation pour pouvoir vivre. Mais il ajoutait que l’éducation par la culture ne fonctionnait plus et qu’elle était de plus en plus remplacée par une nouvelle forme de domestication, par la technique.

Une polémique s’en est suivie, où on accusait Sloterdijk d’eugénisme (sujet très sensible, en Allemagne plus qu’ailleurs).

Notre position est que Sloterdijk ne faisait qu’un constat, juste : dans nos sociétés, la solution technique est posée, sinon en remplacement de la culture, du moins en complément : songez à l’usage répandu de la Ritaline.

Pour donner un autre exemple, on sait maintenant que l’utilisation répétée d’un GPS mène une perte (relative) des capacités de notre cerveau à mémoriser des trajets.

Indépendamment des éventuelles modifications neuronales liées à l’usage des technologies informatiques, qui restent à prouver, il y a une grande différence entre la technique et la culture classique.

La culture est l’apprentissage du renoncement. Ainsi, Freud fait-il du renoncement au meurtre et à l’inceste l’entrée dans la culture. Et il ajoute que la civilisation, c’est le surmoi, c’est-à-dire l’intériorisation de l’interdit et du contrôle.

Pas besoin d’être psychanalyste pour soutenir que la culture, c’est apprendre que tout désir n’est pas réalisable, ou du moins qu’il faut en passer par la sublimation pour exprimer certains de ses désirs[6].

La technique, au contraire, est un moyen d’aider le désir à parvenir à ses fins, dans le monde physique et non plus dans l’imaginaire.

Il semble que le transhumanisme soit une loupe grossissante de nos pratiques actuelles. Nous vivons plus longtemps avec l’obsession du jeunisme. Nous faisons moins d’enfants. Nous multiplions les mises en ménage et les familles recomposées. Notre éducation se veut centrée sur le bien-être et l’épanouissement et non sur la frustration et la sublimation (…) Nous accordons de plus en plus de place à la technique. Nous accentuons l’individu au détriment du groupe, pour le meilleur et pour le pire.

Par exemple, le Suisse Yves Rossy, appelé jetman ou fusionman, a développé une aile rigide de 2,4 m d’envergure munie de réacteurs, qui lui permet d’atteindre des vitesses de 300 km/h. Son rêve était de voler comme un oiseau, la technique lui a permis de réaliser ce fantasme[7].

Il paraît que les pontes de la Silicon Valley partagent ces craintes quant au bouleversement consistant à placer la technique au cœur de la culture, puisqu’ils mettent leurs enfants dans des écoles « à l’ancienne » sans ordinateurs ni smartphones (à moins que ce soit là une légende urbaine).

Les transhumanistes, quant à eux, voient ces changements d’un bon œil, avec un excellent argument : si on peut arriver à un résultat voulu, sans dommages collatéraux, plus rapidement et plus confortablement que par les méthodes classiques, pourquoi vouloir souffrir ?

Par exemple, si on peut apprendre une langue étrangère en avalant une pilule, pourquoi peiner pendant des années pour aboutir à un résultat moins efficient ?

Les transhumanistes ont un autre très bon argument : la technique permet de pallier les inégalités biologiques et sociales, à condition bien entendu qu’elle soit accessible à tous.

Si un enfant est en échec scolaire parce qu’il n’a pas les capacités intellectuelles requises, et qu’il existe un médicament pour l’aider, pourquoi l’en priver ? Bien entendu, cela suppose que les techniques utilisées soit probantes et non dangereuses.

La plupart des transhumanistes insistent sur le caractère réversible des techniques utilisées, ce qui n’est sans doute pas facile à obtenir ou garantir, mais qui montre leur prudence.

Cette conception de l’éducation pose d’énormes questions concernant notre société. On peut interroger la notion d’intelligence : un professeur d’université est-il plus intelligent qu’un coiffeur ? Oui, si on considère le salaire horaire (qui est fréquemment justifié par la complexité du métier d’enseignant-chercheur) ; non, si l’enseignant doit réussir une coupe de cheveux.

On peut questionner la justice, et la justesse, d’une société qui hiérarchise les métiers et qui fait de la vie humaine une suite de concours. On peut contester le système éducatif. Mettre l’accent sur la technique est un moyen d’éviter toutes ces questions, en les ramenant à un problème technique.

Cependant, il faut reconnaître que ces débats de société se posent depuis longtemps sans avoir fait bouger les lignes. Du coup, la solution technique est peut-être la plus efficace pour rendre notre société plus juste.

Robots domestiques

A titre anecdotique, car nous en sommes encore loin, on peut poser la question du robot domestique, qui pourrait changer fortement notre rapport à la famille. La série Real Humans[8] montre des robots humanoïdes au travail et à la maison. Ils effectuent des tâches comme s’occuper des personnes âgées ou malades, ou des enfants.

Bref, ce sont des domestiques ou des nounous. Ils servent aussi de partenaires sexuels. La série pose la question de la conscience de ces robots, et au fond celle de l’esclavage. Elle interroge aussi notre vision des autres humains.

Certains humains refusent ainsi le plus possible le contact avec les robots et ne veulent partager qu’avec de vrais humains. D’autres sont heureux de considérer les robots comme des êtres différents, dont la compagnie est agréable. D’autres enfin préfèrent les robots.

Nous n’en sommes pas là. Mais il y a au Japon une pratique, nommée rabu doru (love doll), consistant à acquérir des poupées grandeur nature et à les habiller comme si elles étaient réelles. Certains hommes souhaitent pouvoir se marier avec leur poupée, alors même qu’ils ont parfois déjà une épouse.

Si cette pratique n’a pas encore atteint l’Europe, certains d’entre nous passent déjà un temps énorme devant un écran d’ordinateur (ou de télévision), à s’investir sur les réseaux sociaux (Facebook mais aussi Secondlife et autres), vécus comme plus enrichissants ou plus vrais que le quotidien hors-ordinateur.

Cela interroge notre rapport à nous-mêmes et aux autres humains. A priori, discuter avec des êtres virtuels ne devrait pas choquer des chrétiens, qui ont l’habitude de s’adresser à Dieu ou à des saints, invisibles). La question cruciale, à notre avis, est la suivante : que fait-on de ces relations ?

Ces êtres virtuels nous aident-ils à aller vers les autres, vers notre famille et nos proches, ou nous détournent-ils d’eux ? Un robot dans une maison de repos ou un jardin d’enfants peut avoir pour tâche de rapprocher les humains et de les aider à échanger, et c’est très bien.

A l’inverse, s’il est utilisé pour remplacer d’autres humains, ce qui est plutôt néfaste, y compris en sachant que les robots sont d’une patience infinie (car la vie, ce sont aussi des relations conflictuelles). Finalement, cela pose deux questions.

Une première, très théorique pour l’instant : qu’est-ce qui distingue un robot humanoïde et un humain ? Une seconde, essentielle et brûlante : qu’est-ce qui fait un humain ?

En conclusion, il semble que le transhumanisme soit une loupe grossissante de nos pratiques actuelles. Nous vivons plus longtemps avec l’obsession du jeunisme. Nous faisons moins d’enfants. Nous multiplions les mises en ménage et les familles recomposées.

Notre éducation se veut centrée sur le bien-être et l’épanouissement et non sur la frustration et la sublimation (en tout cas, c’est le discours, la réalité est moins reluisante). Nous accordons de plus en plus de place à la technique.

Nous accentuons l’individu au détriment du groupe, pour le meilleur et pour le pire. Voulons-nous tout cela ? Pouvons-nous faire autrement ? Les réponses à ces questions sont tout sauf évidentes.

Stanislas Deprez

Notes :

[1]Laurent Alexandre, La mort de la mort, Paris, Jean-Claude Lattès, 2011, p. 355.

[2]Cf. Paul Ricœur, L’idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 1997.

[3]Laurent Alexandre, op. cit., p. 36, 68 et 221. Nous nous permettons de renvoyer à notre article « Post-humanisme ou exception humaine L. Alexandre vs P. Valadier », Médecine de l’homme, n°14, septembre 2015, p. 34-49.

[4]Didier Coeurnelle, Et si on arrêtait de vieillir !, Limoges, FYP éditions, 2013.

[5]Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain. Suivi de La domestication de l’être, Paris, Mille-et-une-nuits, 2010.

[6]Par exemple, Umberto Eco avouait volontiers qu’il avait eu l’idée d’écrire son chef-d’œuvre Le nom de la rose parce qu’il avait envie de tuer des moines. Imaginons ce qu’il serait advenu du célèbre sémioticien s’il avait laissé libre cours à son désir, sans chercher à le sublimer par l’écriture.

[7]A titre d’anecdote, remarquons que le moteur de recherche Google mentionne que le père d’Yves Rossy se prénomme Daedalus. C’est trop beau pour être vrai, sans doute, mais cela indique que Rossy n’a pas perdu toute culture, loin s’en faut.

[8]Real Humans est une série suédoise créée par Lars Lundström. Elle a été diffusée pour la première fois en 2012, et en version française sur Arte en 2013.

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