Un accord historique de retour à des relations pacifiques a été signé il y a deux semaines entre l’Arabie saoudite et l’Iran. La fin de la guerre au Yémen et une redéfinition des alliances stratégiques entre Téhéran et Riyad pourrait en résulter. Le focus de la rédaction.
L’accord géostratégique signé le 10 mars à Pékin entre Téhéran et Riyad marque une nouvelle ère. Pour beaucoup de commentateurs politiques, il s’agirait même d’un accord historique.
Ce que l’on peut dire est que cet accord marque au moins un recul des conflits au Moyen-Orient à commencer par le dossier du Yémen. La guerre que livre le royaume saoudien depuis 2016 aux milices houthis soutenu militairement par l’Iran pourrait trouver une solution diplomatique rapide au vu des développements politiques qui ont suivi cet accord.
La réouverture des ambassades respectives des deux pays sous deux mois et le respect réaffirmé de la souveraineté des deux pays, accompagné de la non-ingérence mutuelle dans leurs affaires politiques, a marqué une première avancée significative.
Un accord aux retombées régionales importantes
Les deux pays envisagent d’aller plus loin et de renforcer leurs relations bilatérales à commencer par la mise en œuvre de l’accord de coopération en matière de sécurité signé le 17 avril 2001, et l’accord général de coopération dans les domaines de l’économie, du commerce, restés lettres mortes.
Cet accord est le résultat de plus de deux ans de pourparlers secrets en Irak puis à Oman.
« Le retour à des relations normales entre Téhéran et Riyad offre de grandes possibilités aux deux pays, à la région et au monde musulman », a commenté sur Twitter le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir Abdollahian.
Le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, Ali Shamkhani, a salué quant à lui « la fin des malentendus » et espère que l’accord contribue « à améliorer la stabilité et la sécurité régionales ». Le conseiller à la sécurité nationale saoudienne Musaid Al-Aiban, a déclaré « espérer continuer un dialogue constructif avec l’Iran », fondé sur les « principes du bon voisinage ».
Une victoire diplomatique pour Pékin
Cet accord marque surtout l’engagement diplomatique chinois sur la scène continentale et le désengagement américain. Après l’alliance politico-militaire signée entre Pékin et Moscou, cette nouvelle initiative diplomatique soldée de succès est un désaveu majeur pour Washington, grand perdant, et son allié Tel Aviv. En Europe comme outre-Atlantique, cet accord entre Téhéran et Riyad est une pilule dure à avaler.
« C’est un pas de plus des Saoudiens loin des Américains, au moment où ils négociaient avec eux des garanties de sécurité. Cela les prive d’un levier sur l’Iran », commente Joseph Bahout, directeur de l’Institut Issam-Fares à l’Université américaine de Beyrouth, cité par Le Monde.
Les Houthis ont pour le moment choisi de ne plus bombarder le territoire saoudien en représailles aux attaques saoudiennes, malgré la non reconduction de leur trève.
« Téhéran a probablement dû s’engager à faire pression sur ses alliés au Yémen pour qu’ils soient plus disposés à mettre fin au conflit dans ce pays », estime Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute, à Washington.
La fin d’une ère de conflit ?
Selon certains analystes, l’attaque de septembre 2019 contre deux sites pétroliers stratégiques d’Arabie saoudite, sans riposte américaine, aurait constitué un tournant et révélée la « vulnérabilité » sécuritaire saoudienne. C’est en avril 2021 que débutèrent les pourparlers initiaux.
Par cet accord tripartite garanti par la Chine, les deux pays phares du sunnisme et du chiisme scellent en tous les cas une réconciliation symbolique dont le temps seul dira la portée et la valeur.
Le président iranien Ebrahim Raïssi a ainsi d’ores et déjà salué dimanche 19 mars 2023 l’invitation du roi d’Arabie saoudite Salmane à se rendre à Ryad.
« Dans une lettre au président Raïssi, le roi Salmane d’Arabie saoudite a salué l’accord conclu entre les deux pays frères, l’a invité à Ryad et a appelé à une forte coopération économique et régionale. M. Raissi a salué cette invitation », a précisé sur Twitter son chef de cabinet adjoint Mohammad Jamshidi. Plus qu’un dégel ou une détente, une fenêtre de paix régionale pourrait s’ouvrir.