Le géant du pétrole français a mis à la disposition de ses managers un guide complet destiné à faciliter la compréhension et la gestion du fait religieux en entreprise. Une problématique devenue incontournable pour le groupe présent dans 130 pays et comptant 96.0000 collaborateurs.
Les Français ne savent décidément pas comment y faire avec les religions ! Ce constat qui resurgit couramment à travers les polémiques intensément médiatisées autour du voile, du burkini ou de la prière, n’échappe pas aux cadres d’entreprises de plus en plus confrontés à la pratique religieuse de leurs collaborateurs. Pour leur apporter quelques clés de compréhension destinées à leur faciliter la gestion des diverses demandes religieuses, Total vient de publier un guide du fait religieux. D’une longueur de 88 pages, le guide recense et détaille les différentes religions, leurs rites et leurs croyances, et les spécificités qui les accompagnent dans chaque pays, avec une série de conseils pratiques.
Fêtes religieuses, prières, interdits alimentaires
Le groupe assume avoir répondu de ce fait à une exigence religieuse croissante exprimée auprès des cadres supérieurs et managers du géant français, tout en précisant vouloir clarifier les pratiques de non-discrimination à l’œuvre dans l’entreprise. « Les managers et collaborateurs sont confrontés depuis toujours à des interrogations sur les pratiques religieuses dans le contexte du travail, même si elles sont normalement du domaine de l’intime. De fait, les questions sur ces sujets ont eu tendance à être plus nombreuses ces dernières années et les managers à y être plus attentifs compte tenu du contexte général », explique Jean-Jacques Guilbaud, conseiller auprès du PDG de Total. Ces interrogations se posent notamment au moment de la prise de congés liés aux fêtes religieuses, à la gestion des lieux de repos pour l’accomplissement de prières, à l’alimentation (halal, casher) et aux relations interpersonnelles. Outre le respect de la liberté de conscience, les principes directeurs à même de garantir l’harmonisation de ces pratiques avec la vie d’entreprise sont « la sécurité, l’hygiène, les impératifs de fonctionnement de l’entreprise, ou encore le respect de la dignité », détaille le guide. La loi française garantit en principe cette liberté religieuse d’après l’article L. 1132-1, qui stipule que « nul ne peut être lésé ou discriminé en raison de ses convictions religieuses ». Cela implique l’interdiction d’interroger un salarié sur ses croyances ou de le discriminer professionnellement pour des raisons religieuses.
Il y a donc une ligne de tension entre la volonté légitime des salariés de pouvoir pratiquer librement leur religion et celle de managers soucieux de l’image de leur entreprise dans un contexte de forte diabolisation de l’islam
Dans plus de 90 % des cas, il n’y a pas de conflits en entreprise
En théorie, donc, un salarié peut librement exprimer ses convictions et sa pratique religieuse, à l’exclusion de toute pression ou harcèlement manifestées contre ses collègues, et sous réserve des conditions de travail. Néanmoins le Figaro rappelle que de nouvelles dispositions prévues par la loi travail du 8 août 2016 ont permis d’inscrire « dans le règlement intérieur de l’entreprise une clause relative au principe de neutralité et donc la possibilité d’imposer aux salariés une restriction de la manifestation de leurs convictions dans l’entreprise à la double condition que cette restriction soit justifiée par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par des nécessités de bon fonctionnement de l’entreprise (et) proportionnée au but recherché. » Dans les faits, il y a donc une ligne de tension de plus en plus manifeste entre la volonté croissante et légitime exprimée par des salariés de pouvoir pratiquer librement leur religion et celle de managers soucieux de l’image de leur entreprise dans un contexte marqué par la forte diabolisation de l’islam, bien que dans plus de 90 % des cas, il n’y ait pas de conflit et que le dialogue finisse par l’emporter comme le rappelait une étude publiée en 2016 par l’Institut Randstad et l’Observatoire du fait religieux en entreprise.