Nous inaugurons, sur Mizane Info, les chroniques « un jour, une mémoire » consacré à nous rappeler quelques portraits concis de personnalités (musulmanes ou non) ayant marqués de leurs empreintes – spirituelles, philosophiques ou politiques – le monde des Hommes et des Idées. Focus aujourd’hui sur l’auteur prolifique et métaphysicien : Frithjof Schuon.
Le 5 mai 1998, le penseur, métaphysicien et figure du courant pérennaliste Frithjof Schuon – également connu sous le nom ‘Isâ Nûr ad-dîn – s’éteignait à l’âge de 90 ans à Bloomington dans la région de l’Indiana aux Etats-Unis, dernier fief où l’écrivain passa ses dernières années.
Née à Bâle en Suisse en 1907, Schuon montre un intérêt très précoce pour la spiritualité orientale et la métaphysique. C’est donc tout naturellement, une fois installé à Paris, qu’il découvre et s’initie aux ouvrages de René Guénon qu’il définira comme « un théoricien profond et puissant ». Ces lectures le plongeront une dizaine d’année dans l’univers du « Vedânta », une doctrine spirituelle hindoue :
« Pendant près de 10 ans j’ai été complètement fasciné par l’hindouisme […] je ne vivais pas d’autre religion que celle du Vedânta et de la Bhagavad Gita ; cela a été ma première expérience de la religio perennis »
Ses rencontres avec des orientalistes renommés tel que Louis Massignon – couplés à des lectures diverses – amèneront Schuon à adhérer aux pérennalisme et à la recherche frénétique d’un maitre spirituel qui pourrait l’initier à la voie ésotérique.
A la rencontre du cheikh Al ‘Alawi
Cette recherche le mènera, en 1932, jusqu’à la confrérie du Cheikh Ahmad al-‘Alawî à Mostaganem en Algérie où il se convertira à l’Islam et prendra le nom de ‘Isâ Nûr ad-dîn.
Il séjournera dans la zaouiya à de multiples reprises entre 1932 et 1935 puis y recevra une autorisation (ijâza) des mains du Cheikh Adda Ben Tounès, successeur de ‘Alawi, pour exporter la « voie » en Europe. Frithjof fondera ainsi les premières confréries soufies européennes à Bâle, en Lausanne puis à Amiens. Toutefois l’esprit vivace, avide d’indépendance et de découverte, du métaphysicien le conduira vers des perspectives divergentes des enseignements initiales de la confrérie.
Entre 1938 et 1939, Schuon visitera plusieurs fois René Guénon au Caire avant de s’installer durablement à Lausanne en 1941 où il rédigera une grande partie de ses ouvrages dont le célèbre « De l’Unité transcendante des religions » publié chez Gallimard en 1949.
Il tissera également des liens d’amitiés et élargira des correspondances avec pléthore d’intellectuels et philosophes issues de l’universalité spirituelle aussi bien avec des personnalités musulmanes tels que Martin Lings ou Seyyed Hossein Nasr qu’avec des chrétiens orthodoxes comme Antoine de Souroge ou Sophrony, des adeptes de l’hindouisme ou encore des chamanes amérindiens comme Black Elk.
Entre les années 60 et 70, Schuon intensifie la publication d’ouvrages qui resteront des « bestseller » dans la thématique de la métaphysique, de la Tradition et de la sagesse mystique, avec des titres tels que :
« Comprendre l’Islam » (1960), « Logique et transcendance » (1970), « Forme et substance dans les religions » (1975), « L’ésotérisme comme principe et comme voie » (1977), « Soufisme, voile et quintessence » (1980).
La tradition amérindienne
On notera, tout de même, l’évolution– en 1969 – de sa « tariqa » vers une nouvelle appellation : la tariqa maryamiyya. Un nom en l’honneur de Maryam (Marie) – la mère de Jésus – à laquelle le Coran dédie une sourate entière.
En 1980, Frithjof Schuon pose définitivement ses bagages, avec son épouse et quelques disciples, à Bloomington en Indiana. Nouveau siège de sa tariqa, la région sera le dernier fief du penseur. Il y rédigera ses ultimes ouvrages et expérimentera la spiritualité amérindienne.
Une tradition issue des indiens d’Amérique initié, peu de temps avant son installation dans l’Indiana, aux contacts des tribus Sioux sur laquelle il affirmera qu’il s’y est « maintenu quelque chose de primordial et de pur ».
Schuon continuera, jusqu’à son dernier souffle, à recevoir des disciples, à rédiger des poèmes et, surtout, à inspirer – jusqu’à aujourd’hui – un nombre croissant d’aspirant en quête d’universalité mystique et de transcendance spirituelle sans frontière.
Ibrahim Madras
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